Stratégie

Yvonne Gellon (Coter-Club) : « nous bénéficions des expériences des uns et des autres »

Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°100 !

La vision des DSI

CIO.Focus (ex-CIO.PDF) fête donc ici son centième numéro. Pour célébrer dignement cet anniversaire, nous avons demandé aux grands acteurs de notre écosystème ce qu'ils retenaient des transformations numériques, celles qu'ils ont vécues ou celles qu'ils anticipent. De Jacques Marzin, DSI groupe de...

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A l'occasion de la prochaine sortie de CIO.Focus n°100 (anciennement nommé CIO.PDF), nous avons interrogé des acteurs emblématiques de notre secteur. Yvonne Gellon préside le Coter-Club, le club des DSI de collectivités territoriales. Elle dresse le bilan des réussites et des rendez-vous manqués par les DSI de ce secteur et révèle ses attentes en matière d'information.

PublicitéCIO : Qui sont les adhérents du Coter-Club ?

Yvonne Gellon : Nous regroupons une centaine de collectivités territoriales. Cela va des communes de plus de 20 000 habitants aux régions en passant par les inter-communalités et les départements. Par contre ni les administrations d'Etat ni les établissements hospitaliers n'adhèrent au Coter-Club.
Selon la taille de la collectivité, la cotisation annuelle va de 160 à 480 euros par an, soit de 0,43 à 1,31 euro/jour. Nous sommes évidemment soucieux de l'argent public et donc des deniers des collectivités.

CIO : Justement, comment l'adhésion au Coter-Club est-elle justifiée du point de vue budgétaire, d'autant que le contexte financier est plutôt difficile ?

Yvonne Gellon : Dès l'origine de notre club, il y a vingt-six ans, l'idée était de mutualiser les expériences des uns et des autres en jouant sur une véritable solidarité entre petites et grandes collectivités.
Les plus importantes sont en effet dotées de véritables services des systèmes d'information tandis que les plus petites n'ont en général qu'un responsable informatique. Bien que les moyens ne soient pas les mêmes, chacun peut bénéficier des idées des autres et connaître les écueils qu'il faut éviter lorsque l'on met en place tel ou tel type de projet.
Il y a quelques années, nous synthétisions des éléments au sein de livres blancs. Mais la durée d'élaboration tendait à les rendre dépassés avant la publication effective. Aujourd'hui, nous publions donc des documents plus concis.
Ainsi, avec l'aide des experts, nous élaborons des documents juridiques comme une synthèse sur l'usage légitime des réseaux sociaux en collectivité locale ou bien une charte informatique type. Nous menons également des études avec le cabinet Markess qui sont ensuite proposées aux adhérents à prix préférentiels.
Enfin, nous organisons des groupes thématiques ou sectoriels. Six réunions physiques ont ainsi lieu à Paris chaque année pour préparer le congrès suivant. Une réunion physique par an au moins est organisée à l'attention des DSI de départements, en lien avec un autre événement comme, par exemple pour la prochaine, notre congrès de Poitiers. Les travaux donnent lieu à des synthèses partagées entre membres.
Bien entendu, l'adhésion donne un accès gratuit à notre congrès et à tous les groupes de travail.

CIO : Ces dernières années, de quelles transformations les DSI de collectivités locales peuvent-ils être les plus fiers ?

Yvonne Gellon : Sans aucun doute des services de proximité aux citoyens. D'une manière plus générale, les TIC se sont intégrées dans les procédures et les pratiques habituelles. Par exemple, les collectivités sont de plus en plus nombreuses à disposer d'une Gestion de la relation Citoyen, de paiements en ligne pour les prestations (crèches, cantines...), etc.
La relation citoyen peut même s'appuyer sur des applications mobiles permettant de signaler des incidents de manière géolocalisée (un trou dans un trottoir, un arbre cassé...).
La relation entre citoyens et élus s'est aussi numérisée. Les conseils municipaux ou communautaires sont ainsi parfois diffusés en streaming en direct sur Internet et les élus chattent de plus en plus. L'engouement des citoyens autour de ces outils d'interaction est très variable dans le temps. La présence de sujets d'actualité locale joue bien sûr un grand rôle dans l'intérêt manifesté par les citoyens.
D'autres réussites sont plus discrètes pour le citoyen ordinaire.
Ainsi, on peut citer les grandes mutualisations entre communes et intercommunalités. De la même façon, la dématérialisation des procédures a bouleversé le fonctionnement des collectivités.
Enfin, le développement du décisionnel dans les collectivités territoriales a constitué un levier essentiel pour que la DSI ne soit plus vue comme un centre de coût mais bien comme un facteur de performance. Ce décisionnel permet en effet un pilotage plus performant de la collectivité.

PublicitéCIO : A l'inverse, quels rendez-vous ont-ils été manqué ?

Yvonne Gellon : J'ai cité dans les réussites la mutualisation et la dématérialisation. Mais il faut aussi les citer ici. En effet, sous divers prétextes, comme la sécurité, ces démarches ne font parfois que commencer ou bien ne vont pas au bout de leur logique.
Un exemple classique est la dématérialisation du processus de décision. Tous les documents peuvent être dématérialisés de l'amont du conseil municipal jusqu'au contrôle de légalité par la préfecture et ensuite être archivés au format papier ! L'archivage fait en effet souvent partie des sujets laissés pour compte.
De la même façon, les collectivités sont en retard pour l'adoption du cloud, à cause des « craintes » que ce modèle entraîne (sécurité, peur de perdre ses données,...).
On pourrait aussi citer le télétravail, les réseaux sociaux internes, le BYOD... Très souvent, les DSI de collectivités territoriales sont des baby-boomers qui ne sont pas forcément au fait des dernières technologies.

CIO : Quels défis voyez-vous pour les DSI de collectivités territoriales dans les prochaines années ?

Yvonne Gellon : Le premier défi concerne la mutualisation. La conjoncture pousse à mutualiser mais le défi est de consolider les infrastructures matérielles qui ont souvent été simplement rapprochées et d'uniformiser les logiciels utilisés
Plus profondément, il va aussi s'agir de s'adapter aux nouveaux usages et aux nouvelles pratiques. Par exemple, il va falloir permettre de réaliser toutes les démarches via un smartphone ou une tablette.
La multiplicité des postes de travail (PC classiques, tablettes, smartphones...), y compris en BYOD, va devoir être prise en compte.
Je veux également citer parmi les défis la génération de valeur par l'utilisation des données publiques. Cela passe par l'open-data et la possibilité offerte à des tiers de créer des services grâce à ces données.
Le corollaire de tout cela est l'impérieuse nécessité de la formation et de l'information des informaticiens, tout au long de la vie professionnelle, comme dans d'autres métiers par ailleurs (le CoTer Club y contribue déjà à sa façon).

CIO : Puisque vous parlez d'information, quel rôle les médias professionnels jouent-ils dans celle-ci ?

Yvonne Gellon : Nous en avons besoin pour réaliser une veille technologique, avec la nécessité de passer de la pure technologie et de ses progrès à une prospective sur les usages les plus innovants. Une difficulté réside néanmoins dans la possibilité de trouver facilement dans le foisonnement de l'information les thématiques les plus adaptées au monde des DSI de collectivités territoriales.

CIO : Pour un DSI de collectivité, une certaine présence médiatique est-elle une bonne chose, notamment pour sa carrière ?

Yvonne Gellon : C'est important de montrer ce qu'il a fait. Il valorise ainsi non seulement son équipe et sa collectivité mais peut aussi donner des idées aux autres. Les autres DSI peuvent ainsi s'inspirer de son exemple et analyser les écueils à éviter.
Cependant, il existe un risque que les élus en prennent ombrage. Il faut donc les convaincre d'utiliser les avancées de la DSI dans leur propre communication, par exemple pour prouver l'innovation au service des électeurs.

CIO : Cette présence médiatique peut-elle aussi servir l'image de la DSI au sein même de la collectivité ?

Yvonne Gellon : Personnellement, je pense que oui. D'autres sont d'un avis contraire. Une telle communication redore le blason des informaticiens encore trop souvent jugés comme un simple centre de coût.

CIO : Enfin, quel serait votre média professionnel rêvé qui comblerait vos attentes ?

Yvonne Gellon : Pour moi, j'attends des médias professionnels une synthèse régulière non seulement sur les nouveautés technologiques , mais également sur les meilleures pratiques et illustrées par des exemples.
Les questions clés à traiter sont les facteurs essentiels de réussite, les coûts et les écueils à la mise en oeuvre. Nous manquons également de synthèses par métiers ou par types de collectivités ainsi que d'une confrontation avec les pratiques et situations dans d'autres pays, notamment européens.
Le tout doit être fourni en push.

Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO

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