Stratégie

Sanofi soigne sa stratégie de genAI

Sanofi soigne sa stratégie de genAI
Kaoutar Sghiouer, global head of data and AI du groupe Sanofi. (Photo ED)

À l'occasiondu salon Vivatech, Sanofi a détaillé sa stratégie de genAI, agents compris. Il embarque l'ensemble de ses employés et déploie une plateforme et une gouvernance spécifiques. Objectif : réduire les délais entre découverte d'une molécule et prescription du traitement, mais aussi identifier très tôt les patients à risque face à un médicament donné.

PublicitéL'industrie pharmaceutique est un utilisateur historique de l'IA, en particulier de computer vision et de machine learning pour le traitement et l'analyse de l'imagerie médicale, entre autres. Sanofi n'échappe pas à la règle, qui exploite de longue date, y compris en R&D, l'IA sous toutes ses formes. Pour le géant pharmaceutique, cependant, l'arrivée de la GenAI a représenté un tournant, si l'on en croît Kaoutar Sghiouer, global head of data and AI du groupe (CDAIO). Elle a en effet rappelé à l'occasion du salon Vivatech à Paris le 12 juin que l'industriel avait décidé il y a 2 ans d'une stratégie pour passer à l'échelle avec la GenAI. D'une part parce que celle-ci est accessible à tous et d'autre part, parce qu'elle ouvre la porte, en particulier avec sa déclinaison agentique, à des cas d'usage métier dans lesquels la technologie était jusque-là peu présente. Outre les chatbots, le traitement de documents, la création de contenu ou l'exploitation de data pour la prise de décision, Sanofi compte exploiter la genAI dans toute sa chaîne de valeur, y compris pour sa R&D, qu'il s'agisse du développement de formulations ou de la découverte de molécules.

Les enjeux sont majeurs pour l'industriel qui ne souhaite probablement pas renouveler l'expérience de son vaccin anti-covid. Sanofi veut bel et bien injecter de la genIA dans toute sa chaîne de valeur, mais ses trois objectifs principaux à horizon 2030 visent à le différencier fortement de sa concurrence. Dans ce secteur, le premier de ces trois objectifs relève du Graal : la réduction de plus de moitié du délai entre la découverte d'une molécule et la prescription du traitement au patient. « Pour qu'une molécule soit disponible sur le marché, de la découverte à la prise en charge du patient, il faut aujourd'hui environ 15 ans, rappelle Kaoutar Seigher. L'accélération de ce processus est essentielle pour nous. Et pour cette raison, l'adoption de l'IA par tous dans l'entreprise est un élément clé ».

Déterminer plus tôt les patients à risque

Dans le même ordre, toujours en R&D, Sanofi cherche à personnaliser les traitements en fonction du risque encouru par le patient en le prenant. Il voudrait ainsi identifier avec de l'IA les patients les plus susceptibles de mal réagir lors de la prise d'un traitement spécifique. « Nous serions en mesure d'identifier plus tôt le patient à haut risque, mais surtout d'optimiser la stratégie de traitement, mais aussi de repousser les limites avec une médecine de précision en immunoscience [terme utilisé par Sanofi pour décrire le rôle joué par le système immunitaire dans le fonctionnement et le traitement des maladies], précise Kaoutar Sghiouer. Cependant, ce domaine n'est pas simple, et même en utilisant une technologie non déterministe comme la genAI, cela ajoute encore en complexité ».

PublicitéLe deuxième objectif de l'industriel est de devenir une société de biopharmarmacie mue par l'IA à l'échelle. Et enfin, dernier objectif, impliquer la moitié de ses effectifs dans l'innovation, en particulier avec l'IA. Pour mettre en oeuvre cette stratégie et atteindre ses objectifs, Sanofi l'a d'abord structurée autour de trois grandes catégories d'usages : les usages experts « pour la R&D, la production, le commercial », précise Kaoutar Sghiouer, l'IA pour tous qui ne nécessite pas forcément de compétences spécifiques et enfin, la genAI et l'IA agentique. Sanofi a isolé ces dernières pour en identifier les réels bénéfices. Une gouvernance transverse de l'éthique de l'utilisation de l'IA s'applique à ces trois catégories. « Nous travaillons sur des données sensibles, rappelle en effet la CDAIO de Sanofi. Notre métier, ce sont les soins aux patients. Nous découvrons des molécules. Nous réalisons des essais cliniques. Nous avons besoin d'une précision à 100 %. Or, avec la GenAI, ce n'est pas le cas. Elle aussi présenter des biais ou avoir un important impact environnemental. C'est pourquoi nous avons mis en place une démarche d'IA responsable pour assurer la robustesse, la durabilité écologique, l'exactitude, la sécurité des données... Une gouvernance qui couvre tout le processus depuis le moment où nous commençons à ingérer les données jusqu'au bout, avec le résultat donné par l'IA ».

Une genAI pour concierge

Pour appliquer sa stratégie, Sanofi a d'abord souhaité accélérer l'acculturation de ses équipes, sans pour autant qu'elles aient besoin de comprendre ce que sont des réseaux de neurones, le deep learning ou un LLM. Elle a par exemple conçu un assistant de GenAI, qu'elle considère comme un concierge pour aider ses employés à organiser une réunion, résumer des documents, analyser des données ou exécuter automatiquement certaines tâches. Ceux avec le moins d'expertise technique en la matière constituent la cible première, mais les experts peuvent aussi s'en servir pour trouver des données, des agents IA ou des solutions existant déjà dans l'entreprise pour répondre à leurs besoins. Résultat, selon Sanofi, 80% des employés ont déjà utilisé le concierge. Ils ont engagé 2,5 millions de conversations avec l'IA et synthétisé 200 000 documents par ce biais. Et 90% de ceux qui ont utilisé l'outil se disent satisfaits. Toujours pour simplifier l'usage de l'IA, Sanofi a déployé une seconde application avec une startup, qui exécute des scenarios d'allocation de ressources pour la prise de décision dans tous les domaines nécessitant de la simulation, comme la finance, la R&D ou la production.

Pour passer à l'échelle, l'industriel s'appuie sur sa propre plateforme genIA déployée au second semestre 2024. Sans donner de détails précis, Kaoutar Sghiouer explique qu'elle centralise pour l'ensemble de l'entreprise des applications qui s'appuient sur des adaptations de LLM. Avec une condition ferme : aucun projet de genAI ne peut démarrer si la data n'est pas validée, c'est-à-dire de bonne qualité, sécurisée, sans biais, fiable, etc.

La grande complexité des agents

Sans surprise, Sanofi s'intéresse aussi désormais de très près, dans le cadre de sa stratégie de passage à l'échelle avec l'IA, aux agents. Pour Kaoutar Sghiouer, leur intérêt réside dans leur capacité d'observation d'un contexte, pour prendre une décision. « Ils réalisent des millions d'observations pour ce faire. Ils peuvent planifier, évaluer, comprendre ce contexte et passer à l'action avec un certain niveau d'autonomie. Car en tant qu'entreprise de biopharmacie, nous ne pouvons pas donner une autonomie totale à un agent IA qui aurait même une précision de 90% et même à partir de data "AI ready".. Nous avons une tolérance zéro en la matière ». Sanofi affirme déjà exploiter des agents sur l'ensemble de sa chaîne de valeur, mais uniquement sur des utilisations parmi les moins risquées dans la gestion administrative, l'accès au marché, les ventes et le marketing médicaux, ou encore la collaboration.

La CDAIO insiste par ailleurs sur la grande complexité d'installer un système agentique avec des enjeux techniques proprement dits liés aux agents eux-mêmes, à une infrastructure capable de passer à l'échelle, à un maillage très fin des contrôles d'accès, mais aussi des enjeux de « propriété » et de responsabilité des agents ou encore de validation de données de sortie d'une étape du workflow pour être automatiquement réutilisée dans la suivante. « Et bien sûr, nous avons besoin d'un monitoring minutieux de toute la chaine de valeur des agents IA, de la façon dont ils réagissent, agissent, analysent et opèrent ».

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