ManoMano a basculé sur le cloud pour accompagner son hypercroissance


Transformer les entreprises par le numérique
A force de parler de transformation numérique du business, on aurait presque tendance à oublier que ce n'est pas qu'un buzzword de consultant. Eh bien oui, des entreprises se transforment grâce au numérique. Et la transformation se fait parfois du sol au plafond. Dans d'autres cas, c'est une...
DécouvrirAlors que sa croissance s'accélérait, ManoMano, place de marché spécialisée dans le bricolage et le jardinage, a migré sur le cloud AWS en 2019, se dotant ainsi d'une infrastructure capable de monter à l'échelle.
PublicitéEn 2021, ManoMano a fêté ses huit ans. À sa création en 2013, le site e-commerce spécialisé dans les produits de bricolage, rénovation et jardinage a démarré sur une infrastructure bare metal on-premises, confiée à un infogérant. En 2018, quand la croissance de la place de marché a commencé à s'accélérer, l'entreprise a décidé de basculer sur le cloud, choisissant de se tourner vers AWS. Antoine Jacoutot, vice-président Platform Engineering chez ManoMano, explique les raisons de ce choix et le déroulement de la migration.
« Nous avons souhaité aller sur le cloud pour les raisons classiques. Nous commencions à entrer en hypercroissance. Avec l'infrastructure existante, nous étions un peu prisonniers en termes de choix technique et de scaling. Nous savions que nous allions croître, mais pas dans quelle échelle ni à quelle vitesse. Le cloud nous permettait de tester sans investir, d'acquérir l'élasticité et l'adaptabilité à la charge », relate Antoine Jacoutot. Une autre motivation concernait l'expérience des développeurs. « L'architecture technique en place n'était pas adaptée à certains processus, comme le CI/CD (continuous integration / continuous delivery). Le cloud offre une meilleure expérience pour le développement et les mises en production », observe le VP Platform Engineering. L'objectif était aussi de reprendre la main sur la plateforme, dans un contexte où l'entreprise connaissait peu l'infrastructure en place, y compris en ce qui concernait le fonctionnement même des applications. Enfin, en phase d'hypercroissance, le temps de bascule vers une gestion d'infrastructure plus moderne, capable de s'adapter à la charge avait également son importance pour l'entreprise.
Une migration en mode lift & shift
Pour une place de marché en ligne comme ManoMano, le choix d'AWS peut sembler étonnant. « On nous demande souvent pourquoi nous avons choisi AWS, alors même que la place de marché Amazon est un concurrent », confirme Antoine Jacoutot. « De notre point de vue, Amazon est un client d'AWS. La plateforme a été créée pour le secteur de la distribution, cela avait du sens de partir sur une offre de services construite pour ces métiers. Par ailleurs, c'était l'offre de services qui nous semblait la plus large et la plus mature, avec certaines technologies qui sont devenues des standards de fait, comme le stockage S3. Enfin, en tant qu'entreprise nous cherchons à ne pas mettre tous nos oeufs dans le même panier. Nous avons beaucoup de partenaires technologiques, et nous préférons diversifier selon le type de projet », justifie-t-il.
Entre les premières discussions et la migration effective, il s'est déroulé environ un an et trois mois, un délai plutôt court pour ce type de projet. Au début, l'entreprise s'est fait accompagner par son prestataire d'hébergement, mais les équipes de ManoMano ont rapidement pris les rênes du projet afin de s'approprier la plateforme. « Finalement, nous avons quasiment géré la migration en interne », indique Antoine Jacoutot. La société a opté pour une approche lift & shift afin de migrer vite et d'éviter les goulots d'étranglement. Nous n'avons pas cherché à faire de la réingénierie pour aller vers des applications cloud-native, ni à optimiser l'usage des services cloud, ce qui nous a permis d'aller vite. Cette décision s'explique aussi car nous avions peu de compétences en interne. » À l'époque, ManoMano a toutefois imposé une condition pour migrer : tout avoir en infrastructure-as-code. Un petit outil a été développé en interne pour générer automatiquement du code Terraform, afin de déployer de façon industrialisée des microservices, sans connaissance préalable d'AWS côté développement. « Dans une telle migration, la phase préparatoire est essentielle : il faut prévoir le CDN (Content Delivery network), le caching, la gestion des zones et des comptes sur AWS... Nous ne pouvions pas perdre de temps sur la migration technique alors qu'il fallait gérer et prévoir tous ces aspects », explique Antoine Jacoutot. Grâce à ces partis-pris, l'entreprise a réussi à migrer une semaine avant la date qu'elle s'était fixée.
PublicitéAutomatisation et redéveloppement complet du site Web
ManoMano a démarré la migration en commençant par les données. « Celles-ci sont notre actif numéro un, et c'est aussi le plus compliqué à migrer », souligne Antoine Jacoutot. L'entreprise a commencé par migrer sa grosse base historique monolithique sur Aurora. Pour cela, un lien Direct Connect a été mis en place entre l'hébergeur historique et AWS et les deux systèmes ont tourné en double run pendant trois mois. Ce délai a été nécessaire pour faire face à différentes contraintes. « Nous ne pouvions pas utiliser de services type DMS (database migration service) pour faciliter les choses, c'est pour cela que nous avons voulu le faire en avance de phase. En cours de route, nous avons aussi rencontré quelques problèmes à résoudre, avec plusieurs actions de remédiation à mener », raconte Antoine Jacoutot. Le reste de la migration a été planifié sur une nuit, avec la moitié des équipes mobilisées pour l'occasion. « Nous avions prévu de migrer en activant tout immédiatement, en mode on/off, et de faire des remédiations à chaud pendant 24 heures, car nous connaissions assez mal les recoins de notre plateforme et nous ne pouvions que peu anticiper », indique le VP Platform Engineering.
La migration s'est achevée en octobre 2019. Pour ManoMano, ce projet est intervenu au bon moment, car la crise sanitaire a décuplé la croissance des activités. Selon Antoine Jacoutot, le trafic sur le site a été ainsi multiplié par quatre en une semaine au début du premier confinement. Depuis, l'entreprise a beaucoup changé ses stacks techniques. « Le confinement nous a permis de nous réapproprier la plateforme plus vite, en détectant les points de contention. Ainsi, nous avons pu accroître fortement la qualité, introduire de l'autoscaling dans notre stack », relate le responsable de la plateforme. Ensuite, les équipes ont commencé à travailler sur l'automatisation et elles ont entièrement redéveloppé le site Web. Historiquement basé sur PHP, celui-ci repose désormais sur un back-end Java, avec des technologies modernes comme React et SPA (Single Page Application). « Cette technologie de page dynamique est intéressante car elle évite de tout recharger à chaque fois », précise Antoine Jacoutot. Ces sujets, qui étaient prévus en 2021, ont pu démarrer mi-2020, à la satisfaction des métiers.
FinOps pour éviter le gaspillage des ressources
ManoMano a également entrepris de découper ses applications monolithiques en microservices. Aujourd'hui, plus de 180 microservices sont en production contre une trentaine à l'époque de la migration. « Si on veut croître dans de bonnes conditions, il est nécessaire de découper les applications en micro-périmètres : cela permet de faire des mises en production beaucoup plus vite, plutôt que de modifier tout le monolithe », estime Antoine Jacoutot. Cette architecture offre également davantage d'autonomie aux équipes en termes de développement et de déploiement. « Les microservices se conteneurisent très bien, ce qui facilite l'upscale et le downscale : là où il faut de 5 à 8 minutes pour lancer une instance complète, c'est bien plus rapide avec des microservices. C'est aussi bien plus fin, ce qui permet d'optimiser les coûts », souligne le VP Platform Engineering. Dans la même optique, en 2021 l'entreprise a mis en place Kubernetes, plateforme sur laquelle tournent déjà les deux tiers des systèmes à l'heure actuelle. « Nous bénéficions ainsi d'une meilleure orchestration et les équipes ont la main complète sur leur infrastructure, gérant elles-mêmes leur namespace (cluster virtuel) », précise Antoine Jacoutot.
Pour accompagner le passage au cloud, ManoMano a également créé une équipe FinOps qui traite les problématiques financières, mais aussi écologiques. Ce sujet du développement durable est porté par la direction et FinOps s'inscrit dans cette stratégie Green. Un enjeu important, car le système d'information est le deuxième poste de CO2 de l'organisation selon le VP Platform Engineering. « Nous travaillons actuellement à éviter le gaspillage de ressources. Il s'agit de s'assurer que les ressources ne sont pas en surcapacité, de trouver le bon dimensionnement par rapport à leur niveau d'utilisation. Par exemple, nous éteignons automatiquement les environnements hors production la nuit et le week-end », illustre Antoine Jacoutot. Pour lui, le but n'est pas de faire du low cost, mais d'optimiser. « Cela nous permet aussi de challenger les équipes de développement pour optimiser la pile applicative », ajoute-t-il.
Des événements pour favoriser le transfert de compétences
Au niveau des ressources humaines, plusieurs leviers ont été actionnés pour faciliter la transition vers le cloud. Au moment du passage à AWS, l'entreprise a pu s'appuyer sur un noyau dur qui connaissait bien la plateforme. Après la migration, ManoMano a embauché massivement pour accompagner sa croissance, notamment des experts qualité et architectes solutions sur la partie plateforme. « Nous ne cherchons pas forcément des experts AWS, mais des profils connaissant le cloud. Ce qui compte c'est l'état d'esprit, les spécificités techniques des différentes plateformes s'apprennent », estime Antoine Jacoutot. L'entreprise a un partenariat avec AWS pour la formation de ses équipes, mais elle fait également beaucoup de formation en interne. « Nous organisons des « Crafternoon » les jeudis après-midi, afin que nos équipes techniques travaillent sur des sujets d'innovation, des Proofs of Concepts, du transfert de compétences ou se forment sur l'infrastructure-as-code », indique le VP Platform Engineering. L'entreprise propose aussi des « Game Days », qui mêlent formation et chaos engineering. « Les équipes ont des journées entières pour casser l'infrastructure dans des environnements contrôlés. Nous mettons les équipes de développement avec les équipes de support, pour débugger, relancer les services, instances et conteneurs, les interconnexions de flux... » décrit Antoine Jacoutot. Ces journées sont animées et gamifiées, avec des points attribués aux différentes équipes. Des événements très appréciés selon le responsable de la plateforme. ManoMano a également opté pour une gestion ouverte du code, où chacun peut contribuer sur les différentes parties. « Les développeurs peuvent par exemple transformer leur infrastructure, c'est une façon de désiloter la relation entre développeurs et opérations », pointe Antoine Jacoutot.
Pour celui-ci, le cloud a véritablement changé la donne chez ManoMano. Ce choix a permis de transporter l'entreprise vers de nouvelles pratiques. « Nous avons adopté un état d'esprit plus moderne et collaboratif, et nous avons gagné de solides capacités de passage à l'échelle. Nous avons un gros sujet RH : de 300 collaborateurs à mon arrivée, nous sommes passés à 800 actuellement, et nous prévoyons prochainement d'atteindre les 1000, dont 50% de talents recherchés dans les métiers technologiques. Cela nous a forcés à nous réorganiser en fonction de la plateforme, à désiloter et à créer une vraie collaboration. Dans cette transformation, le plus excitant c'est cette dimension humaine », conclut Antoine Jacoutot.
Article rédigé par

Aurélie Chandeze, Rédactrice en chef adjointe de CIO
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