Le numérique au coeur de la transformation des filières industrielles stratégiques

De l'usine 4.0 aux jumeaux numériques, en passant par l'Edge Computing : comment les acteurs industriels s'approprient le numérique pour opérer leur transformation ? Eléments de réponse avec trois projets présentés lors de la conférence de rentrée du CNIS, une initiative de l'AFNeT.
PublicitéA quoi ressemblera l'industrie du futur ? En raison de la diversité même des filières industrielles, il n'y a pas une, mais de multiples réponses à cette question, et autant de trajectoires possibles que d'entreprises.
Chaque année, le Cercle de confiance numérique des industries stratégiques (CNIS), une initiative lancée par l'AFNeT, dresse un état des lieux des enjeux de l'industrie 4.0 et des technologies associées à cette transformation. L'AFNeT se présente comme « Association Française de référence du numérique dans les filières industrielles ». Lors du Kick-off Meeting de la saison 2019-2020, organisé dans les locaux de l'école Mines ParisTech le 25 septembre 2019, plusieurs projets étaient à l'honneur.
L'équipementier technologique Lacroix Group a notamment présenté son projet d'usine du futur, porté par sa filiale Lacroix Electronics. Dénommé Symbiose, ce projet est unique, à la fois par sa portée et ses ambitions. « Aucune usine électronique n'a été construite en France depuis 30 ans », pointe Eric Meynet, chef du projet. L'entreprise souhaite faire de cette usine une vitrine technologique, en intégrant des outils numériques à la fois dans les processus industriels et dans la relation avec ses clients.
Un Proof-of-Concept (PoC) de l'industrie 4.0
Pour préparer ce projet, l'entreprise travaille depuis 2018 sur l'optimisation de ses processus actuels, à travers une approche de Lean Manufacturing. Après une étude de faisabilité qui a permis de valider la vision, l'entreprise entame actuellement la phase d'avant-projet. La livraison du futur bâtiment est planifiée pour fin 2021. De nombreuses technologies viendront se greffer autour de cette usine, véritable PoC de l'industrie 4.0 : intelligence artificielle pour optimiser la conception des produits dans les bureaux d'étude, jumeaux numériques pour simuler et anticiper le processus de fabrication, machines connectées afin de suivre et de réguler la production, ou encore cobots et réalité augmentée pour aider les opérateurs dans leurs travail... Récemment, Lacroix Electronics a aussi souscrit un partenariat avec Orange pour déployer la 5G dans l'usine. L'objectif est de disposer d'un réseau sécurisé, qui servira notamment à piloter les AGV (véhicules à guidage automatique) et à opérer le système de gestion énergétique du bâtiment.
Certaines de ces technologies sont déjà déployées sur le site historique de l'entreprise, à Montrevault-sur-Evre (Maine-et-Loire), notamment les robots collaboratifs. La robotisation, sujet parfois sensible, a été bien accueillie par les opérateurs car elle permet de les décharger de tâches répétitives et à faible valeur ajoutée. La réalité augmentée permet quant à elle de les guider sur certaines opérations complexes : certains équipements peuvent en effet nécessiter jusqu'à 60 interventions manuelles.
PublicitéDe nombreux défis pour la DSI
L'entreprise travaille aussi sur la mise en place d'un système de monitoring en temps réel de l'usine, afin de suivre la performance des différentes lignes de production : TRS (taux de rendement synthétique), taux de qualité, suivi des défauts... Ces données alimenteront également des outils d'analyse prédictive, afin de faciliter l'identification des causes en cas de défaut récurrent.
Ce projet comporte de nombreux défis pour la DSI. Parmi ceux-ci figure la collecte et l'analyse des données de fabrication. L'entreprise produit actuellement près de 20 millions de composants électroniques par jour, avec pour chacun d'entre eux environ 100 paramètres techniques. Par ailleurs, les machines de production proviennent de nombreux constructeurs différents, et beaucoup d'entre elles utilisent des protocoles propriétaires, qui nécessitent parfois de développer des connecteurs pour pouvoir exploiter leurs données. Pour adresser ces enjeux, l'entreprise a mis en place des partenariats avec plusieurs acteurs IT, notamment Microsoft pour l'analyse des données, PTC pour le pilotage de la production (via sa plateforme IoT Thingworx) ou encore la solution d'optimisation des processus SAP d'Inventy.
Mettre le système de planification au service des clients
Dans cette usine du futur, les clients tiendront également une place centrale. Ces derniers pourront dialoguer avec l'équipementier à travers un portail Cloud, qui leur permettra notamment d'obtenir rapidement des estimations sur les coûts et les délais de fabrication de leurs produits, puis de suivre l'avancée de leurs commandes en temps utile.
Pour atteindre cet objectif, l'usine devra être équipée d'un système de planification avancée. Au niveau du système d'information, cela nécessite d'interconnecter les différents systèmes, depuis l'ERP SAP jusqu'au MES (Manufacturing Execution System), en passant par l'outil de gestion des stocks et le portail fournisseurs. « Tous ces flux doivent être orchestrés pour connaître à tout moment notre capacité de production. Le but est de répondre aux clients en un ou deux jours quand ils demandent une estimation », explique Emmanuel Thommerel, DSI et Vice-Président de Lacroix Electronics.
Sachant que les délais de livraison des composants électroniques varient de deux semaines jusqu'à huit mois, une visibilité précise sur les stocks des fournisseurs est également essentielle. Comme ce marché se caractérise par un nombre important de petits fournisseurs, qui n'ont pas forcément la possibilité de déployer des flux EDI, l'entreprise a entrepris le déploiement d'une plateforme Web EDI, afin de pouvoir recueillir et intégrer les données fournies par ces acteurs.
L'Edge Computing pour prétraiter des données directement dans des drones
Autre projet présenté lors de cet événement, la solution de maintenance prédictive développée par Altametris avec ses partenaires Microsoft et Viseo, qui combine intelligence embarquée et Edge Computing. Cette spin-off de SNCF Réseau propose une plateforme d'analyse de données destinée à aider les gestionnaires de biens et d'équipements dans leurs missions (notamment la maintenance et la remise en état des infrastructures). Elle s'appuie sur des drones pour collecter des données sur le terrain de façon non intrusive, afin de limiter l'exposition au danger pour les professionnels.
Les données brutes collectées par les caméras équipant les drones représentent une volumétrie importante (plusieurs téraoctets). Plutôt que de les envoyer telles quelles vers le Cloud, l'entreprise a embarqué des modèles d'analyse directement dans les drones, afin de remonter uniquement les informations pertinentes. Les fichiers prétraités sont ensuite envoyés sur Azure pour des analyses plus détaillées. La plateforme détecte l'arrivée de nouveaux fichiers et n'active les machines destinées au traitement qu'à ce moment-là, pour optimiser les coûts. A la clef, des gains de temps et un accès plus rapide à l'information utile. « Auparavant, les experts passaient 90% de leur temps à trier les données et 10% en expertise, maintenant c'est le contraire », résume Guilhem Villemin, directeur technique d'Altametris.
Des jumeaux numériques pour accompagner le cycle de vie des navires
L'événement s'est achevé par une présentation de Naval Group autour des jumeaux numériques. Afin d'offrir de nouveaux services à ses clients, l'entreprise de construction navale explore cette approche consistant à avoir d'un côté des environnements physiques connectés ; de l'autre leurs pendants virtuels. Dans le groupe, cette vision se décline à la fois au niveau des ateliers (yards) et des navires. Les doubles virtuels peuvent être déployés à de multiples échelons : au niveau d'un équipement, d'un système, d'un navire entier, voire même d'une force navale.
Sachant qu'un sous-marin nucléaire embarque près d'un million de composants, jusqu'à 500 clients réseau et 40km de câbles, le tout dans un espace étroit, la construction de jumeaux numériques à sur des systèmes aussi complexes nécessite d'agréger plusieurs modèles (représentation 3D, modèles énergétiques, mécaniques, fonctionnels...)
Ces jumeaux virtuels pourront ensuite être utilisés tout au long du cycle de vie de leurs homologues réels. En phase de conception, ils aident par exemple à réduire le nombre d'essais physiques. Pendant l'exploitation, ils permettent de fournir du support en cours de mission et facilitent la maintenance. Enfin, ils peuvent aussi être utilisés pour la formation et l'entraînement des équipages.
Article rédigé par

Aurélie Chandeze, Rédactrice en chef adjointe de CIO
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