Le groupe VYV déploie un programme d'interopérabilité en mode agile

Sur l'événement AgilenSeine 2021, Jean-Pierre Cioni, à l'origine du programme Petra au sein du groupe mutualiste VYV, a raconté comment les méthodes agiles ont permis d'accompagner la stratégie d'entreprise dans un groupe récent, constitué de plusieurs entités aux cultures différentes.
PublicitéPour l'édition 2021 d'AgilenSeine, Jean-Pierre Cioni, à l'origine du programme Petra de plateformisation et de transformation digitale au sein du groupe mutualiste VYV, a partagé son expérience de l'agilité, dans le contexte d'une organisation jeune et hétérogène en termes de culture. Il a également expliqué comment la question de la valeur était peu à peu devenue centrale, conduisant l'équipe à associer des pratiques agiles et plus traditionnelles pour faire le lien avec la stratégie de l'entreprise.
Le groupe VYV est un opérateur mutualiste né du rapprochement de plusieurs acteurs, dont la MGEN et Harmonie Mutuelle. Il totalise plus de 10 millions d'adhérents, avec un Français sur six client de l'un de ses produits selon Jean-Pierre Cioni. « Nous avons des dizaines de mutuelles distribuant des produits d'assurance et de prévoyance, des centres de santé, et nous sommes également présents sur le logement social », a décrit celui-ci. Autour de ce panel d'activités très large, le groupe VYV souhaite développer des parcours de vie. « L'évolution de nos différents métiers, les nouveaux acteurs sur nos marchés, la réglementation nous forcent à nous questionner et à être agiles, afin de proposer des solutions innovantes sur ces parcours de vie », a expliqué Jean-Pierre Cioni. C'est avec cette ambition en tête que le groupe a lancé il y a trois ans son programme Petra, visant à mettre en place des technologies d'interopérabilité et d'échange transverses. La plateforme a soutenu l'accélération de la digitalisation pendant la pandémie de Covid-19, en supportant notamment la montée en puissance du site de téléconsultation MesDocteurs, rendu accessible en quelques semaines à plusieurs millions d'utilisateurs adhérents. Elle contribue également à la mise en place de nouveaux services, par exemple autour de la e-santé, du bien-être ou de l'accompagnement des aidants.
Acculturer autour d'une méthode SAFe
Créé en 2017, VYV est un groupe jeune, avec des moyens, des équipements et des niveaux de culture sur l'agilité différents selon les entités. Dans ce contexte très hétérogène, « le choix des méthodes agiles était au départ une évidence », a lancé Jean-Pierre Cioni, pour nuancer aussitôt :« mais dans un milieu qui change en permanence, les convictions doivent aussi être adaptées. » Tout le monde avait envie de faire de l'agile, mais tandis qu'une entité faisait par exemple du Scrum depuis plusieurs années, d'autres n'en avaient jamais fait. « Et pendant ce temps, le monde continue de tourner. Comment dans ce contexte prioriser des sujets de temps long comme l'acculturation, par rapport au temps court, où il faut délivrer sprint après sprint ? Comment garantir la capacité à passer à l'échelle ? », a questionné Jean-Pierre Cioni, poursuivant : « ce ne sont pas des équipes, mais des entités qu'il fallait embarquer ». À cela s'ajoutait la grande diversité des populations concernées : utilisateurs, distributeurs de services, Products Owners, directions métiers... L'équipe a donc décidé d'acculturer les différentes parties prenantes autour d'une méthode SAFe, afin de « lancer le train » selon les termes du responsable de programme. Deux cérémonies se sont révélées particulièrement importantes pour fédérer au-delà de l'équipe : les PI (Program Increment) Plannings, qui permettent de partager la vision et de préparer le plan de l'incrément à venir, sur environ trois mois, ainsi que les I&A (Inspect & Adapt), qui clôturent chaque incrément et permettent de jauger la solution et de l'améliorer avec toutes les parties prenantes. Ces cérémonies ont été adaptées au contexte du groupe, dans une approche pragmatique. Selon Jean-Pierre Cioni, « si nous les avions faites dans les règles de l'art, cela n'aurait pas fonctionné à cause des niveaux de culture différents ». L'équipe a donc choisi d'y intégrer un peu d'acculturation, à travers des démonstrations, des interviews de sponsors et des témoignages qui ciblent les différents personas. « Il a fallu être agile, alors même que les méthodes n'étaient pas complètement intégrées. Nous l'avons fait en cours de route, je crois assez bien, car nous avions déjà un état d'esprit agile et l'envie d'aller plus loin », a confié Jean-Pierre Cioni.
PublicitéAvec les méthodes agiles, il est assez facile de développer des applications, mais si on passe à l'échelle sur plusieurs entités, d'autres questions surgissent selon Jean-Pierre Cioni. Il faut prendre en compte l'expérience des utilisateurs, les choix d'infrastructure, la politique de sécurité, la stratégie d'entreprise... « Il y a moins d'autonomie, et davantage de contraintes à prendre en compte. Si les systèmes ne sont pas APIsés, les identités ne sont pas gérées, la sécurité mal intégrée, cela pose des problèmes. par exemple, une sécurité insuffisante des flux de données peut tuer une plateforme et la confiance : il ne faut pas l'oublier si l'on veut pérenniser les premiers succès », a souligné Jean-Pierre Cioni. Il faut donc intégrer tous ces éléments, pas seulement la vélocité, afin que la plateforme donne confiance et reste simple, tout en continuant de livrer rapidement les releases. « Il y a aussi un fondement technologique dans notre programme de plateforme, de façon à pouvoir accompagner la transformation métier de façon rapide », a rappelé Jean-Pierre Cioni. Pour le passage à l'échelle, il fallait également mettre en place un catalogue de services. « Ce qui était traditionnellement partagé au sein d'une Team, il fallait y injecter la stratégie de l'entreprise », a pointé le responsable de programme. Pour cela, il préconise d'intégrer rapidement des rôles transverses, au delà des rôles classiques, afin de faire le pont avec la stratégie d'entreprise : architectes, DPO, RSSI, responsables de l'expérience client ou customer success managers, un rôle créé récemment et endossé par Jean-Pierre Cioni pour le passage à l'échelle. Le responsable souligne aussi l'importance de la communication. « Au départ, nous étions une équipe de 5-10 personnes, en mode startup dans un grand groupe, nous communiquions quand nous avions le temps. Mais dans un groupe de 50 000 personnes et à l'échelle, il faut communiquer, pour expliquer pourquoi on développe tel cas d'usage, à telle vitesse... C'est aussi pour cela que les cérémonies un peu larges sont importantes. Il faut communiquer en continu, car il y a toujours de nouveaux acteurs qui rentrent et ne sont pas au courant du programme. »
S'aligner avec la stratégie d'entreprise
Mais la méthode n'est pas une fin en soi. « Les raisons du programme sont d'ordre métier. L'agilité est un accélérateur. Avant tout, nous avions besoin de passer du Proof of Concept au Proof of Value, puis au produit minimum viable (MVP), et enfin d'industrialiser à l'échelle », a expliqué Jean-Pierre Cioni. Désormais, le programme est entré dans le plan stratégique, avec de nouvelles demandes formulées par les directions métiers, mais aussi par la direction générale. « Le cercle de départ s'est significativement élargi et complexifié, mais la vision ne change pas. Le but est de masquer la complexité de l'organisation interne dans les parcours utilisateurs, pour fournir des services pertinents, simples et sécurisés. Faire simple, c'est parfois assez compliqué, cela demande beaucoup de travail », a souligné le directeur de programme. En cours de route, l'équipe a aussi vu surgir la question de la valeur dans le temps. « Est-ce que les nouveaux services dégagent de la valeur ? Ne surinvestissons-nous pas certains domaines au détriment d'autres ? », a illustré Jean-Pierre Cioni. Sur une plateforme, les modèles économiques se pensent sur le temps long. Il faut donc les insérer dans un schéma directeur sur plusieurs années. Pour aller plus loin, Jean-Pierre Cioni a proposé quelques pistes issues de son expérience. Il recommande notamment de différencier les modèles internes (refacturation) et externes (facturation). Il conseille également de mesurer la valeur des cas d'usage en sollicitant les métiers, pour obtenir au plus tôt des business plans, des KPI, mais aussi d'intégrer un critère d'efficience pour prioriser les différents cas d'usage. Il insiste aussi sur l'importance de prévoir une trajectoire pour pérenniser les initiatives, afin de ne pas rester sur un mode test & learn. Enfin, il suggère d'adopter une vision holistique afin de ne pas se disperser. « Il s'agit d'éviter que l'équipe d'à côté ne refasse la même chose, en privilégiant la réutilisation. Pour cela, on peut mettre en place des instances de design, afin de mieux faire converger les travaux et de capitaliser sur l'ensemble des équipes. » Pour Jean-Pierre Cioni, ce qui est important est d'être pragmatique. « Cela nous a conduits à adopter des méthodes hybrides, en allant puiser dans les anciennes approches quand c'était pertinent, afin de faire la passerelle avec la stratégie de l'entreprise et les différentes équipes », a-t-il confié.
Pour illustrer les bénéfices de l'agilité, Jean-Pierre Cioni a évoqué pour finir un cas d'usage emblématique. « Nous participons à un projet de smart city pour Angers Loire Métropole en association avec Engie, Suez et le groupe La Poste. Ce projet sur dix ans, qui comporte un volet e-santé autour de la plateforme d'interopérabilité, est un exemple d'enjeu à l'échelle : il y a des interactions multiples, des partenaires externes, une démarche d'innovation ouverte autour d'un consortium. » Pour le responsable de programme, ces nouvelles opportunités sont rendues possibles par l'écosystème de plateformes digitales et les nouvelles approches. « L'agilité nous permet d'oser, mais aussi de répondre à des besoins récurrents et nouveaux pour nous. Nous sommes convaincus que les méthodes agiles et les cérémonies peuvent nous aider à mieux travailler avec nos partenaires », a-t-il affirmé.
Article rédigé par

Aurélie Chandeze, Rédactrice en chef adjointe de CIO
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