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La crise sanitaire Covid-19 démontre le besoin impérieux de digitaliser les services publics

Eldrid Jordaan est le PDG fondateur du service GovChat en Afrique du Sud.

Le service GovChat s'est révélé être une part essentielle de la réponse à la pandémie Covid-19 par les administrations de la république d'Afrique-du-Sud. CIO Africa a interviewé son PDG fondateur, Eldrid Jordaan, évidemment par chat.

PublicitéÀ 13 heures chaque jour, Eldrid Jordaan a déjà participé à une douzaine de réunions différentes. En tant que fondateur et directeur de GovChat, la plate-forme participative officielle des citoyens pour le compte du gouvernement sud-africain, Eldrid Jordaan est l'homme responsable de connecter des millions de citoyens aux membres du gouvernement. Et sa charge de travail n'a fait qu'augmenter en raison de l'épidémie de coronavirus. Le gouvernement utilise de fait la plate-forme dans le cadre de ses efforts pour gérer l'impact social et économique de la crise sanitaire Covid-19.

Dans cet échange par chat, Jordaan a expliqué à CIO Africa pourquoi il a créé la plateforme - qui a été lancée en partenariat avec le Département de la gouvernance coopérative et des affaires traditionnelles en septembre 2018 - et comment lui et son équipe ont contribué à la lutte du gouvernement sud-africain contre le COVID-19.

CIO Africa : Parlez-nous de votre parcours professionnel.

Eldrid Jordaan : Je faisais partie de l'équipe qui a fondé Mxit, une application de messagerie instantanée gratuite sud-africaine. J'étais dans l'équipe de direction chez Mxit, ce qui m'a permis de mesurer l'appétit des citoyens du pays pour une plate-forme qui donnerait aux jeunes Sud-Africains la possibilité d'échanger avec le gouvernement. Cette expérience m'a appris que les gens ne voulaient pas vraiment communiquer avec le gouvernement national; ils étaient davantage intéressés par échanger avec leurs représentants publics locaux qui pourraient aborder les problèmes plus près de chez eux. Lorsque Mixt a fermé ses portes, j'ai lancé GovChat.

CIO Africa : Quel était le problème métier / sociétal que vous vouliez résoudre avec GovChat ?

Eldrid Jordaan : L'objectif principal était de combler le fossé de communication entre les citoyens et le gouvernement, en leur permettant de s'engager les uns avec les autres en utilisant des plates-formes telles que WhatsApp, Facebook Messenger et USSD [Unstructured Supplementary Service Data ou Données de Services Supplémentaires non Structurées, un service télématique mobile, une sorte de minitel sur mobile développé uniquement en Afrique, NDLR]. Nous n'avons pas développé d'application mobile pour deux raisons. Bien sûr, la première raison est lié aux coûts de données élevés dans le pays. Et ensuite parce qu'environ 80% de tous les téléphones sur le continent africain sont des téléphones Android, qui sont livrés avec des plates-formes de messagerie essentielles comme WhatsApp et Facebook préchargées. Plutôt que de créer notre propre application autonome, nous avons décidé de construire notre plate-forme au sein de ces plates-formes de messagerie existantes et préchargées.

PublicitéCIO Africa : Concernant la crise sanitaire COVID-19, pouvez-vous nous expliquer votre apport ?

Eldrid Jordaan : Covid-19 a vraiment changé GovChat. Nous avons connu une croissance phénoménale. Nous avons maintenant environ sept millions d'utilisateurs actifs sur la plate-forme et nous avons traité environ 170 millions de messages. La pandémie nous a montré qu'il y a un besoin désespéré de numériser les services et processus gouvernementaux. C'est exactement ce que nous avons fait avec le processus de candidature pour la subvention spéciale COVID-19 Social Relief of Distress. Cette subvention a été mise en place par l'Agence sud-africaine de sécurité sociale (SASSA) pour offrir une assistance aux personnes qui ne sont pas en mesure de satisfaire leurs besoins les plus élémentaires ou ceux de leur famille. Dans le passé, la demande de subvention était un processus manuel qui obligeait les gens à se rendre dans un bureau de la SASSA, à attendre dans une longue file d'attente et à remplir un formulaire. Soucieux de rationaliser le processus, GovChat permet à des millions de Sud-Africains de demander la même subvention en utilisant leur téléphone portable.

CIO Africa : Quelles technologies avez-vous décidé d'utiliser et pourquoi ?

Eldrid Jordaan : Nous utilisons Amazon Lex. Nous sommes le plus grand utilisateur du chatbot AWS Lex au monde. En fait, le premier jour où le ministre du Développement social a lancé la subvention Social Relief of Distress et a annoncé qu'elle serait disponible sur GovChat, le système s'est crashé. Le volume d'informations qui arrivait - environ 13 000 messages par minute - impliquait que nous devions obtenir une autorisation spéciale du siège d'AWS à Seattle pour augmenter notre capacité. Ils n'ont jamais eu une telle demande auparavant. Nous avons littéralement dépassé tout ce qui était prévu.

CIO Africa : Comment avez-vous réussi à établir un partenariat avec le gouvernement ?

Eldrid Jordaan : On me pose souvent ce genre de question et ma réponse est toujours très simple : lorsque vous travaillez avec le gouvernement, vous devez co-créer. Nous ne leur avons pas simplement remis un produit final en leur disant de l'utiliser. Nous avons construit GovChat avec le gouvernement. Chaque fonctionnalité de la plateforme a été créée en partenariat avec le gouvernement sud-africain. Il n'y a donc pas eu de gaspillage. Nous ne construisons pas pour le gouvernement mais nous construisons avec le gouvernement, pour les citoyens. Il ne s'agit pas de créer quelque chose avec des fonctionnalités sophistiquées et flashyes, il s'agit de s'associer avec le gouvernement pour créer des choses qui répondent à des besoins réels.

CIO Africa : Quelles leçons importantes aimeriez-vous partager à l'issue de cette expérience ?

Eldrid Jordaan : Comme beaucoup d'autres entreprises, nous avons commencé avec un objectif spécifique, puis les objectifs bougent. J'ai appris que les politiciens et les fonctionnaires sont excellents pour faire du lobbying, mais il ne faut pas trop compter sur eux parce qu'ils bougent souvent. Chez GovChat, nous n'avons jamais voulu avoir d'accord avec des politiciens ou des personnalités publiques parce que nous ne voulions pas que notre travail soit compromis si quelqu'un partait ou était transféré à un nouveau poste. Au lieu de cela, nous essayons toujours de conclure nos accords avec les ministères, car ce sont eux qui sont responsables de la mise en oeuvre de la politique.

CIO Africa : Quel a été le retour sur investissement pour cela ?

Eldrid Jordaan : La question du retour sur investissement est importante mais notre ROI se mesure davantage autour de l'impact social. Si vous demandez comment nous payons nos factures, nous fournissons des données anonymisées aux établissements de recherche et universitaires afin qu'ils puissent mieux comprendre les défis et les réussites du secteur public.

CIO Africa : Quels conseils donneriez-vous à nos lecteurs ?

Eldrid Jordaan : Choisissez les meilleurs partenaires technologiques que vous pouvez. Nous avons choisi une société de logiciels locale - Synthesis Software Technologies - comme partenaire technologique et AWS comme partenaire d'infrastructure. Essayez de ne pas utiliser de technologie interne et sur mesure. Optez plutôt pour une technologie qui peut être utilisée et réutilisée encore et encore. Tout est dans le cloud, ce qui facilite l'évolutivité. Je conseillerais également aux gens de rêver en grand. Je n'arrive toujours pas à croire que je suis arrivé au point où nous en sommes, que mon travail a un impact sur des millions de personnes et que je vous parle. Tout est question de travail acharné. Si vous travaillez dur et que vous suivez un but, pas de l'argent, vous y arriverez.

Article de Joanne Carew / CIO Africa (Traduit et adapté par Bertrand Lemaire)