France Télévisions analyse ses audiences en mixant DMP et CRM

En trois ans, France Télévisions a enchaîné deux projets de DMP, sur Salesforce Krux puis sur Oracle Bluekai, avec l'aide de Columbus Consulting. Comme l'a indiqué ce dernier, la tendance est au rapprochement entre DMP et CRM, ce qui correspond au projet de France Télévisions.
PublicitéEn plus des chaînes audiovisuelles, France Télévisions gère une dizaine de sites web et une quinzaine d'apps. Ces présences en ligne du groupe audiovisuel délivrent des contenus pour informer, en rediffusion de programmes ou éducatifs. 543 millions de vidéos sont vues par mois sur la plate-forme et sur certains sites tiers tels que YouTube. France Télévisions cumule ainsi 21 millions de visiteurs uniques trois écrans et 8 millions d'inscrits. Pour mieux valoriser ce capital de données, le groupe audiovisuel a mené deux projets successifs de DMP (Data Management Plateform). Ghita Taoujni, directrice du marketing numérique et data, et Valentin Vivier, responsable de projet data, ont témoigné de leurs projets sur l'invitation de Columbus Consulting le 7 juin 2018 à l'OpenMind Kfé à Paris.
Pour le cabinet Colombus Consulting, qui a accompagné dans ses projets France Télévisions, le marché de la DMP a subi plusieurs phases. En 2014-2015, le sujet était très à la mode, les projets étant basés sur des données externes, essentiellement orientés sur l'analyse d'audience médias. Ce type de projets ne nécessitait en effet pas de remettre en cause le patrimoine data et son architecture. Dès 2016-2017 est apparue une phase de déception et de questionnement : les volumes étaient trop faibles, les données comme les organisations trop silotées et les cas d'usage trop limités. Enfin, actuellement, en 2018, on arrive à une certaine maturité du marché. La tendance du moment est au rapprochement des données massives mais quasi-anonymes de la DMP avec les informations plus structurées et individualisées de la CRM. Le RGPD fragilise en effet le recours à de la data externe ou de piètre qualité. Et la fusion DMP et CRM débouche sur le CDP (Customer Data Platform), concept aujourd'hui mis en avant, notamment par Columbus Consulting.
Individualiser l'approche
La DMP en arrive ainsi à orchestrer l'écosystème marketing sur ses trois phases traditionnelles : collecte/analyse, ciblage et activation (pression publicitaire, pression marketing... via des outils tiers tels que le Marketing Automation). Il existe des fonctionnalités très courantes dans la plupart des outils telles que la segmentation, l'analyse cross-device ou le temps réel. Des outils en prédictif, en automatisation, en rapprochement de profils jumeaux (un « jumeau » est une personne unique repérée comme deux profils distincts), en reporting... Pour favoriser les approches « people based », il faut accroître la puissance des DMP, ce qui peut passer par des échanges de données via des places de marchés.
Pour tenir compte de la progression des outils mais aussi de la maturité de son approche, France Télévision a mené deux projets successifs de DMP. Le premier date de 2015 et a reposé sur Salesforce Krux. Le second s'est achevé début 2018 et a été mené sur Oracle Bluekai. Entre les deux, les équipes data ont travaillé sur les cas d'usage. « Comme nous sommes soumis au Code des Marchés Publics, nous en avons profité pour remettre en concurrence également l'outil lui-même » a indiqué Ghita Taoujni, directrice du marketing numérique et data de France Télévisions.
PublicitéUn projet d'optimisation publicitaire
En 2015, le premier projet concernait un traitement des données de trafic web et mobile avec une segmentation avancée et un traitement des profils jumeaux. L'outil devait aussi être compatible avec les serveurs de bandeaux publicitaires et le système de gestion des tags des pages en ligne. Trois types d'usages étaient définis pour ce premier projet de DMP : publicitaires stricts (pilotage des affichages de bandeaux), marketing et études (recoupement d'audiences, suivi des encapsulages de scripts des bannières). Sur une campagne d'auto-promotion ciblée, les résultats ont été particulièrement intéressants. Elle visait les appétants à la série « Plus Belle la Vie » qui n'était pas par ailleurs clients de la VOD. Le taux de clics a atteint 0,95 %, soit 4 fois plus que d'habitude, entraînant de nombreux acheteurs supplémentaires.
La deuxième phase a ensuite été pensée assez vite. L'objectif était justement d'évoluer vers le couple CRM-DMP, d'ajouter de la connaissance comportementale à la données CRM. Comme Valentin Vivier, responsable de projet data de France Télévisions, l'a mentionné, « un téléspectateur peut déclarer aimer la culture lorsqu'on l'interroge mais être retrouvé avant tout devant des matchs de foot. » Rapprocher de la data anonyme des comptes, c'est associer des identifiants CRM (identifiant client classique), DMP (cookie, etc.)... « Il y a ainsi jusqu'à 15 % de rapprochement naturel » a précisé Valentin Vivier. L'individu peut ainsi être placé dans le bon segment le jour dit, étant donné qu'il peut évoluer. Ces données vont donc enrichir les critères pour le push.
Une activation plus efficace
Un outil développé en interne ajouté sur la DMP permet son usage pour la segmentation et l'exposition de services de données via API aux outils d'activation marketing (newsletters, etc.). Cette segmentation repose sur la qualification des anonymes, des utilisateurs identifiés et des utilisateurs rapprochés. Dès ce stade, France télévisions se dirigeait donc progressivement vers la logique CDP. Valentin Vivier a ainsi raconté : « nous avons une newsletter quotidienne avec un bloc de recommandation de contenu que nous avons pu personnaliser par abonné et le taux de clic a ainsi été multiplié par 3 pour atteindre les 3 %, sur 70 000 abonnés. » D'une manière générale, les résultats sont nettement améliorés par le rapprochement CRM/DMP.
Le deuxième projet s'est évidemment appuyé sur tout l'acquis du premier. Mais le changement d'outil a permis plusieurs avancées telles que l'amélioration de la gestion de la taxonomie et une approche unifiée entre les marques, la possibilité d'exclusion des segments (ne pas soumettre à une publicité pour un produit quelqu'un l'ayant déjà acheté), la vision cross-device, le reach temps réel, une meilleure connexion à l'écosystème de la data... L'équipe a été accrue et a gagné en maturité, ce qui a permis d'améliorer et d'industrialiser la gouvernance de la donnée.
Une migration techniquement facilitée mais pas si évidente
La bascule entre les deux systèmes a été facilitée par l'usage du système de gestion des tags, conçu pour couvrir les besoins de la DMP. « Déployer une DMP n'est pas si dur que ça si l'on a les bons outils, les bonnes méthodes et les bonnes datas bien préparées » a jugé Valentin Vivier. Mais il a aussi averti : « les limites de la DMP sont vite atteintes si on ne recourt pas à une approche Big Data extérieure à la DMP pour des calculs de types scoring ou rapprochement de profils. » Les annonceurs le souhaitant peuvent également fournir des pools de cookies identifiant des prospects à activer, pool qui est alors ajouté à la DMP. Mais, à l'inverse, les données de France Télévisions ne sont jamais cédées.
Mais la bascule entre les deux outils Krux et Bluekaï a tout de même pris deux mois, entre décembre 2017 et février 2018. Le principal problème a été la non-récupération des rapprochements de profils. Il a donc fallu recommencer la détection des jumeaux de zéro avec le nouvel outil. Si les données financières du projet n'ont pas été communiquées, Ghita Taoujni a affirmé : « le ROI en génération de chiffre d'affaires a représenté dix fois les coûts. »
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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