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Carrefour certifie par blockchain ses produits alimentaires

Carrefour certifie par blockchain ses produits alimentaires
Après avoir mis à l'essai un système de suivi de la chaîne d'approvisionnement fondé sur la chaîne d'approvisionnement, les détaillants disent aux fournisseurs d'entrer leurs données sur les produits dans le système afin qu'ils puissent commencer à suivre

Pour suivre la provenance de ses produits alimentaires, le groupe Carrefour a choisi de s'appuyer sur la chaîne de blocs. Selon Emmanuel Delerm, directeur du programme blockchain de Carrefour, « une bonne connaissance de la chaîne d'approvisionnement permet de tirer le meilleur parti de la technologie ».

PublicitéMême si ces chiffres ont besoin d'être mis à jour, en 2010, la Grocery Manufacturers' Association estimait le coût de la fraude alimentaire, y compris la contrefaçon et la falsification des produits à des fins économiques, à plus de 10 milliards de dollars. Une somme importante pour une industrie dont le CA s'élevait alors à 2100 milliards de dollars. Pour protéger les consommateurs et répondre aux réclamations sur la qualité de leurs produits, les chaînes de supermarchés ont besoin de retracer la provenance des ingrédients tout au long de la chaîne d'approvisionnement, depuis le lieu production. Le groupe français de la grande distribution Carrefour, qui possède 12 300 magasins dans plus de 30 pays, travaille depuis des années sur la traçabilité alimentaire en s'appuyant à la fois sur des informations stockées dans ses propres systèmes ERP, sur des informations communiquées par ses fournisseurs, mais aussi sur des documents papier et des bases de données des auditeurs. Désormais, l'entreprise a migré ces données vers une chaîne de blocs pour les rendre plus accessibles. 

Auparavant, l'information étant dispersée dans divers systèmes, il fallait parfois attendre deux jours avant qu'un fabricant ou un distributeur de produits alimentaires ne remonte tous les détails relatifs à un lot précis de produits. Mais aujourd'hui, les consommateurs attendent des réponses rapides, et être informés par simple clic sur un bouton ou en scannant un code QR. « Grâce à la chaîne de blocs, l'information est disponible immédiatement », a déclaré Emmanuel Delerm, directeur du programme blockchain de Carrefour. Mais ce n'est pas la panacée : si vous n'avez pas déjà confiance dans les données que vous recueillez, la chaîne de blocs ne vous sera pas de grande utilité. « Blockchain ne remplace pas la qualité et la traçabilité, c'est seulement un plus en termes de partage et de collecte de l'information », a ajouté Emmanuel Delerm. 

Des poulets pour le projet pilote 

Quand il s'est intéressé à la technologie, le groupe Carrefour avait le choix entre deux plates-formes : Hyperledger et Ethereum. « À l'époque, Hyperledger était en version 0.6. Mais cette version n'offrait pas tous les services dont nous avions besoin. Par contre Ethereum était déjà très stable », a encore déclaré le directeur du programme blockchain de Carrefour. Autour du mois de mai 2017, une équipe a été formée pour installer Ethereum sur le cloud Microsoft Azure de Carrefour. À l'époque, le contrôle d'accès était une de ses préoccupations majeures, puisque les données seraient fournies et accessibles par des utilisateurs extérieurs à l'entreprise. « Tout ce qui concernait la sécurité et l'administration des utilisateurs, les certificats et ainsi de suite », a précisé M. Delerm. 

Publicité L'équipe a également pris en compte l'expérience utilisateur des fournisseurs et des clients, a apporté beaucoup de soins aux API ouvrant l'accès à la chaîne de blocs. « Dès le départ, le principe était de ne pas créer une charge de travail supplémentaire à l'agriculteur, à l'entreprise industrielle ou au vétérinaire. L'impact devait être aussi limité que possible », a déclaré M. Delerm. Comme premier usage de la chaîne de blocs, Carrefour a choisi de moderniser la traçabilité des poulets élevés en plein air vendus sous sa marque Qualité Carrefour. L'objectif était de suivre les volatiles depuis la ferme jusqu'à l'étagère du supermarché et d'ajouter sur l'emballage de chaque poulet un code QR que les clients pourraient scanner pour voir où ont été élevées les volailles, comment elles ont été nourries, à quel moment et où elles ont été abattues. 

L'entreprise a utilisé des contrats intelligents écrits dans le langage Solidity d'Ethereum pour valider les données recueillies sur les poulets. Par exemple, un contrat intelligent permet de vérifier si les poulets répondent aux exigences de qualité du Label Rouge, à savoir que les poulets doivent être âgés d'au moins 81 jours à l'abattage. Si la différence entre la date d'abattage et la date d'éclosion enregistrée pour le lot est inférieure à 81 jours, le système émet une alerte. « Nous mettons en place des contrôles de cohérence supplémentaires sur les données que nous ingérons, mais nous ne rejetons pas les données, ce qui est très important en termes de philosophie », a encore expliqué Emmanuel Delerm. 

Une recherche d'échelle 

Quand Carrefour a intégré les poulets dans la chaîne blocs en janvier 2018, le groupe avait déjà prévu de mettre en place la ligne Qualité Carrefour pour les oeufs, les tomates et les pomelos. Mais Ethereum imposait de construire des chaînes de blocs distinctes pour chaque ligne de produits. « En janvier, Hyperledger était passé en version 1.0 ou 1.1. Il était vraiment opérationnel, et comportait de nouvelles fonctionnalités très intéressantes pour nous », a déclaré M. Delerm. En particulier, sa capacité de « canal », qui permet à un sous-réseau d'utilisateurs de la chaîne de blocs (ce qui est le cas d'utilisateurs impliqués dans une ligne de produits particulière) de communiquer en privé les uns avec les autres. « La possibilité d'avoir plusieurs produits sur une même chaîne, mais invisibles les uns des autres, représente vraiment un plus en termes de maintenance, de disponibilité et ainsi de suite ». 

« Hyperledger offrait également le support de mécanismes de consensus comme la Byzantine Fault Tolerance (concerne la fiabilité des transmissions et l'intégrité des interlocuteurs), qui s'est avérée un peu plus rapide dans l'acquisition de données », a ajouté le directeur du programme blockchain de Carrefour. « Avec Ethereum, le mining, même sur une chaîne de blocs privée, prenait 15 secondes. Certes, 15 secondes, ce n'est pas grand-chose si l'on inscrit quelques articles chaque jour. Mais dans notre cas, nous vendons des millions de produits chaque année. Donc, au final, 15 secondes ce n'était pas très efficace », a encore expliqué M. Delerm. « De plus, les contrats intelligents d'Ethereum étaient difficiles à rédiger, et il était plus facile pour Carrefour de trouver des développeurs ayant des compétences dans la rédaction de contrats intelligents en JSON ou en Go que dans le langage Solidity d'Ethereum », a-t-il ajouté. 

Cependant, quand Carrefour a commencé à travailler sur sa seconde chaîne de blocs interne, il est devenu évident que l'échelle poserait problème. Inscrire ses propres produits dans sa propre chaîne de blocs est une chose, mais pour moderniser toute la traçabilité alimentaire, Carrefour devrait faire entrer dans la chaîne des marques nationales comme Nestlé. C'est là qu'IBM, qui a utilisé Hyperledger pour créer son propre service de traçabilité alimentaire IBM Food Trust, est entré en jeu. « Nous avons très vite compris que Nestlé n'allait pas se connecter à une chaîne de blocs avec Carrefour, à une autre avec Walmart et à une troisième avec Tesco », a déclaré M. Delerm. De même, Carrefour ne souhaitait pas gérer une plate-forme de chaîne de blocs différente pour chaque fournisseur. « Parce que l'interopérabilité n'est pas très simple, l'idée d'installer ou de faire partie d'IBM Food Trust était intéressante ». 

Une bonne expérience de la chaîne logistique 

Carrefour a annoncé sa participation dans IBM Food Trust début octobre, rejoignant ainsi les pionniers Walmart et Kroger, et leurs fournisseurs Nestlé, Tyson Foods, Dole et McCormick. Cette migration a été simplifiée par l'attention apportée en amont aux interfaces par les équipes de Carrefour. « Ce n'est pas très compliqué de réutiliser certaines des API que nous avons développées pour Ethereum », a expliqué Emmanuel Delerm. « Les codes sont les mêmes, sauf qu'IBM n'utilise pas la même grammaire pour la collecte des données. Ce n'est pas grand-chose ». Carrefour a également profité d'une autre expérience : l'inscription de produits dans la chaîne du bloc. « Nous avons mis au point des méthodes pour essayer d'industrialiser l'approche », a encore déclaré M. Delerm. « Toute l'analyse fonctionnelle a été réutilisée ». Ce qui a permis à la filiale espagnole de Carrefour d'inscrire certains de ses poulets sur IBM Food Trust en novembre. 

Carrefour continue aussi à exploiter sa chaîne de blocs interne basée sur Hyperledger pour les produits de sa marque. Par exemple, une cargaison de pomelos en provenance de Chine comportera des codes QR donnant accès à des informations de traçabilité en français ou en chinois selon la langue par défaut du smartphone utilisé au moment du scan. L'an prochain, le système pourrait aussi fonctionner en anglais. Selon Emmanuel Delerm, la technologie pour inscrire tous ces produits sur la chaîne de blocs représente la partie la plus facile. « Le vrai défi réside dans la bonne compréhension de la chaîne d'approvisionnement, et la façon dont le produit est fabriqué ». Ajoutant : « En ce qui nous concerne, c'est parce que nous avons pu trouver au sein de Carrefour des gens qui connaissaient bien l'industrie du poulet, qui étaient capables d'expliquer ce qui est important, d'identifier les principaux acteurs et le type de données qu'il était possible de collecter, que nous avons réussi 


Article de Peter Sayer / CIO.com (adapté et traduit par Jean Elyan)

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