Tirer de la valeur des données : beaucoup d'illusions à dissiper

D'après le Baromètre Data Driven Entreprise 2016 de l'EBG, Keyrus et Qlik, l'attitude Data Driven progresse dans les entreprises mais reste limitée. Surtout, il y a une vraie différence entre la « vision stratégique » et la réalité concrète avec, par exemple, le retour sur investissement.
PublicitéUne entreprise « Data Driven » [conduite par les données] est, dans la définition retenue par l'EBG, Keyrus et Qlik pour la création de leur baromètre une entreprise qui utilise les données aussi bien stratégiquement qu'opérationnellement, pour améliorer ses services ou en créer. L'objectif, en réalisant ce baromètre, était de quantifier l'adoption d'une attitude « Data Driven » parmi les entreprises françaises.
Il y a de toutes évidences un discours qui plaît autour des données et une nécessité d'afficher son adhésion à ce discours. Ainsi, 54 % des DG jugent la « data » primordiale dans leur stratégie globale, 41 % pour l'échantillon total, 47 % la jugeant importante. 57 % jugent que leur entreprise a adopté le « Data Driven », 59 % que leur vision stratégique en la matière est avancée. 38 % estiment être en avance sur leurs concurrents (+3 % par rapport à 2015), 42 % au même niveau (+5%).
Des réalités têtues
Mais, à côté de ce beau discours, certaines réponses aux autres questions montrent une réalité où il existe encore de sérieux progrès à faire. Ainsi, 53 % des entreprises ne mesurent pas le retour sur investissement des projets autour des données. Et la DSI reste « un partenaire privilégié » (49 % des répondants) pour la mise en oeuvre des projets alors que les DSI ont plutôt tendance, habituellement, à se plaindre d'être mis à l'écart. Les trois points d'amélioration les plus mis en avant dans le baromètre sont d'ailleurs assez techniques : des analyses plus interactives et plus visuelles, des indicateurs plus fiables et un meilleur partage de l'information entre services.
81 % des répondants jugent d'ailleurs que le principal frein à l'exploitation des données disponibles est le silotage de celles-ci. Le deuxième frein (66 % des répondants) est le manque de maturité des collaborateurs sur le sujet de la donnée et le troisième (37%) le manque de compétences en data management. Pourtant, seules 9 % des entreprises n'ont aucun responsables de la donnée et 53 % des CDO sont rattachés à la DG. Ces CDO ont comme missions prioritaires d'initier et de piloter les projets autour de la donnée (62%) et de restituer la donnée sous une forme exploitable (49%). Les manques concernent pourtant surtout le data management (38%) et les spécialistes en data science (34%) et Big Data (31%). A quoi servent les CDO nommés dans ce cas ? Alors que la fiabilité et la visualisation étaient des points d'amélioration, les spécialistes en data quality ne manquent que dans 23 % des cas et ceux en visualisation dans 26 %. Là encore, il y a tout de même des incohérences dans les réponses apportées.
Des bénéfices importants mais des illusions à dissiper
Le premier bénéfice des projets autour de la donnée est l'amélioration de l'expérience client : 60 % la constatent alors que 51 % l'attendaient. De même, le constat est supérieur à l'attente pour l'innovation et l'amélioration de l'offre (56 % contre 45%), la détection d'opportunités business (51 % contre 42%), la fidélisation des clients (52 % contre 37%) et la réduction des coûts (32 % contre 30%). Mais c'est l'inverse, de peu, sur la meilleure prise de décision (48 % contre 47%). Et l'utilisation de la data a un impact très net (26%) ou modéré (37%) sur les business models (soit 63 % pour le total des répondants témoignant d'un impact), 32 % des répondants attendant encore ces bénéfices, 3 % étant déjà déçus d'une absence de bénéfices et 2 % ne se prononçant pas.
Les auteurs du baromètre Data Driven Entreprise concluent avec une question : « les entreprises sont-elles autant Data Driven qu'elles le prétendent ? ». En effet, la dernière question de l'enquête sur l'estimation de la maturité sur une série de thèmes en rapport avec la donnée montrent bien des manquements. Quand on parle « vision », « stratégie », les entreprises se disent « avancées » (50%) ou « très avancées » (10%). Mais les items suivants font voler en éclats cet avancement affirmé. Maîtrise du contexte juridique (34 % et 8%), organisation définie (29 % et 6%), moyens techniques en phase avec les objectifs (39 % et 5%), moyens humains adéquats (35 % et 4%), budget nécessaire (35 % et 3%) et indicateurs de suivi du succès de la stratégie (28 % et 2%) : tout ce qui est concret et pratique est bien en retrait sur la « vision ».
PublicitéDes entreprises à la recherche de progrès
De fait, les responsables d'entreprises appelés à commenter le baromètre lors de sa présentation ont confirmé qu'il restait bien du travail à faire. Chez TF1, la première décision prise par le nouveau PDG de TF1 depuis le 19 février 2016, Gilles Pélisson, a été de nommer un CDO et d'initier la création d'une DMP. En effet, le groupe audiovisuel ne peut plus se reposer sur une audience télévisuelle comme jadis, ses concurrents s'appelant Google (avec YouTube) ou Facebook, les usages en matière de consommation de contenus ayant beaucoup changé ces dernières années. « Il nous faut mieux connaître nos spectateurs, surtout sur MyTF1, pour mieux vendre les espaces publicitaires » a ainsi admis David Mimoun, Directeur marketing digital de TF1.
Au groupe Barrières, les concurrents s'appellent AirBnB ou Booking. Mais les activités sont multiples : hôtels quatre ou cinq étoiles, restaurants haut-de-gamme, golfs, casinos... Les clients passent de l'un à l'autre mais, pour l'instant, les données sont gérées en silos par secteur. L'enjeu est bien de rapprocher ces données pour offrir un service davantage personnalisé en phase avec le standing des enseignes. « Et ce n'est pas seulement via des données structurées quantitatives que nous devons le faire : nous mettons en oeuvre une analyse sémantique des commentaires en ligne » a indiqué Marion Cardon, Directrice Marketing et Digital du Groupe Barrière.
Un besoin d'innovation
Les données sont aussi à l'origine d'innovations majeures du business. Chez le loueur de flottes de véhicules Arval (groupe BNP Paribas), les outils de gestion de flotte destinés à l'interne comme aux entreprises clientes sont déjà en oeuvre depuis longtemps. Mais l'avenir est lié aux objets connectés, en l'occurrence aux véhicules connectés, dont les données seront remontées et analysées automatiquement.
Chez Engie, la question des données du compteur connecté pose problème : aucun client (particulier du moins) ne veut payer l'information détaillée désormais disponible sur sa consommation. Et l'enrichissement du SI avec des données externes ne pourra se faire qu'au travers d'une labellisation de la qualité de celles-ci.
Et la vision stratégique de l'exploitation de ces données ? Marion Cardon le revendique : « sa construction ne pourra se faire qu'avec le DSI. »
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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