Stratégie

Pour combattre leurs nouveaux concurrents issus du digital, les DSI contre-attaquent

Pour combattre leurs nouveaux concurrents issus du digital, les DSI contre-attaquent
Frank Liberio, ancien DSI de McDonald's :

Dans tous les secteurs, les DSI cherchent à devancer les startups en appliquant des recettes issues du petit manuel des disrupteurs, afin de fournir des produits et services numériques innovants.

PublicitéS'il y a une menace que les PDG redoutent aujourd'hui, c'est bien de se faire « ubériser », le nom de code pour décrire comment des startups issues de l'économie du partage ont bousculé le secteur des transports terrestres. Cette crainte est si forte que le terme change en fonction du secteur, depuis la distribution (Amazon.com) aux métiers du foncier (WeWork) en passant par l'hôtellerie (Airbnb) et au-delà. Mais le dénominateur commun de ces nouveaux concurrents, c'est le fait qu'à chaque fois il s'agit de startups qui s'appuient sur des plateformes Cloud et des applications mobiles, pour fournir des services numériques plus efficaces que ceux des titulaires historiques du marché, moins agiles.

De tels périls existentiels posent de vrais défis aux acteurs établis, mais ils présentent également des opportunités pour ceux prêts à prendre des risques et à innover. Selon KPMG, sur plus de 200 décideurs responsables de l'innovation, 56% s'attendent à voir les investissements de leur entreprise dans ce domaine augmenter entre 2019 et 2020. De fait, les entreprises qui sous-investissent dans l'innovation se mettent d'elles-mêmes dans une posture désavantageuse sur le plan stratégique, comme l'a relevé KPMG dans son récent rapport « Benchmarking Innovation Impact 2020 ».

« Ce sous-investissement dans l'innovation fait peser un coût élevé sur les entreprises », écrit Fiona Grandi, associée gérante chargée de l'innovation et des solutions d'entreprise chez KPMG. « Cela peut faire la différence entre la croissance continue et l'obsolescence. »

Fiona Grandi ajoute que beaucoup d'entreprises intègrent de plus en plus leurs efforts d'innovation dans leur stratégie et leurs démarches de transformation.

Poussés par la nécessité de faire croître à la fois le chiffre d'affaires et le résultat net, les PDG se tournent vers les DSI pour développer de nouveaux services et produits numériques, comme l'explique Ross Mason, le fondateur de MuleSoft, qui a vendu sa société à Salesforce.com pour 6,5 milliards de dollars l'année passée. « Sans cet appui tactique, il est difficile de mener à bien certains projets », souligne Ross Mason.

Ce dernier l'a confirmé à CIO.com : les acteurs historiques savent qu'ils doivent innover et mettre des offres sur le marché plus rapidement.

Dans un effort pour lutter avec les nouveaux entrants de leur secteur, plusieurs décideurs IT mettent en place des plateformes applicatives qui facilitent la connexion à des services fournis par des tiers et à une diversité de technologies émergentes, comme les capteurs et les outils analytiques capables de traiter des données à la périphérie.

Une chaîne de fast-food s'offre une remise à neuf numérique

PublicitéAprès une baisse des ventes entre 2012 et 2015, McDonald's a promu Steve Easterbrook au poste de PDG. Celui-ci, un dirigeant expérimenté qui a fait sa carrière au sein du groupe McDonald's, a constaté que les canaux digitaux et mobiles utilisés par DoorDash, GrubHub et Uber Eats grignotaient ses ventes. Quand les clients avaient faim, ils cherchaient sur Yelp ou d'autres sites de recommandations des services rapides de restauration, et commandaient des repas à livrer depuis leur téléphone mobile.

Mais McDonald's n'exploitait pas les canaux numériques, ce qui posait problème. L'entreprise ne pouvait plus simplement se reposer sur la fidélité des clients à la marque dans un secteur de la restauration rapide où l'innovation s'était démocratisée. « Il nous fallait changer ou bien perdre des parts de marché », se souvient l'ancien DSI du groupe McDonald's, Frank Liberio, qui dirige maintenant le cabinet de conseil Strategy2Execution Advisory. Steve Easterbrook, qui supervise plus de 36 000 sites dans 120 pays, l'a alors chargé de créer des canaux numériques et de moderniser l'entreprise, comme l'a raconté Frank Liberio en session plénière lors de la conférence MuleSoft Connect en septembre.

Pour accompagner ces initiatives, Frank Liberio a restructuré le modèle opérationnel du département IT chez McDonald's, afin de livrer des applications sur le mode agile, en supprimant les cycles en cascade de 12 à 18 mois au profit de sprints de 4 à 6 semaines. Il a modernisé le système équipant les points de vente et a aidé l'entreprise à développer une application mobile permettant de commander depuis un smartphone et d'accéder à des offres promotionnelles. Parmi ses projets les plus importants figure la décision de remplacer un processus existant d'intégration point-à-point par un système multipoints, basé sur des interfaces de programmation applicatives (API). Ces APIs connectent des logiciels, comme des applications mobiles, à d'autres services, comme un système de e-commerce, et elles fournissent une passerelle numérique qui permet à des tierces parties de se connecter à un réseau.

Grâce à cette approche multipoints, Frank Liberio a construit une plateforme applicative qui relie les systèmes internes de McDonald's, comme son outil pour les restaurants ou son application mobile, à des systèmes tiers fournis par des partenaires. Quand un client commande des menus et des boissons chez McDonald's depuis son smartphone, en passant par exemple par Uber Eats, ce service permet de se connecter aux systèmes des restaurants afin de traiter directement la commande.

Frank Liberio a facilité la mise en place de la commande et de l'achat mobile, offrant également des capacités de promotions à 21 000 restaurants dans 7 pays, le tout en 10 mois. Sur le même modèle, il a fourni une connexion à WeChat en Chine. Grâce à sa plateforme applicative, McDonald's supporte plus d'un milliard de connexions par jour, chaque commande mettant en jeu 12 à 15 points de contacts différents. Et McDonald's est prêt à étendre son savoir-faire digital à d'autres écosystèmes, les constructeurs automobiles discutant par exemple de l'intégration de l'application dans les tableaux de bord de leurs véhicules pour permettre de proposer des fonctionnalités similaires, selon Frank Liberio.

Pour ce dernier, l'une des principales propositions de valeur de cette approche guidée par les APIs est la capacité à réutiliser des APIs existantes plutôt que d'en écrire d'autres pour chaque nouvelle application ou fonctionnalité introduite. Cela permet d'économiser le temps et les ressources des développeurs, d'encourager une innovation plus rapide et d'accélérer les délais de mise sur le marché. Et cette stratégie a finalement permis à McDonald's de renouer avec la profitabilité et d'obtenir le retour sur investissement qu'il recherchait, conclut Frank Liberio.

Accélérer les délais de mise sur le marché face à la concurrence

D'autres DSI dans des entreprises établies sont également en train de moderniser leurs modèles opérationnels IT pour satisfaire les clients et combattre leurs rivaux. Le géant de l'assurance de 174 ans, New York Life, est confronté à la pression des startups de l'Assurtech qui utilisent des outils de Machine Learning pour offrir des offres numériques à la personnalisation poussée aux clients.

En réponse, New York Life a créé des APIs pour faciliter la tâche des clients quand ceux-ci doivent effectuer des opérations importantes, comme un changement d'adresse, ainsi que des APIs qui aident les employés à suivre chaque étape des processus applicatifs, comme le raconte Betty Smith, vice-présidente des services d'intégration d'entreprise pour le groupe.

Betty Smith explique que ces connecteurs, basés sur MuleSoft, font partie d'une initiative plus large visant à fournir une expérience omnicanale aux assurés et aux employés. Ces APIs permettent aux clients d'accéder à l'information et d'envoyer leurs questionnaires plus facilement, tandis que les agents sont mieux équipés pour traiter ces derniers ainsi que les demandes de prise en charge, de façon toute aussi fluide par téléphone, sur les sites Web ou les canaux mobiles.

New York Life envisage désormais de créer des connecteurs pour exploiter des applications de veille sur les médias sociaux, dans le but d'identifier de nouveaux prospects. L'entreprise veut aussi bâtir des APIs pour lui permettre d'accéder à des données sur ses clients fournies par des partenaires. Cette volonté s'inscrit dans la stratégie de New York Life de rester « à jour et pertinent » pour ses clients. La réutilisabilité des APIs contribue à assurer « la cohérence de l'expérience », selon Betty Smith, qui ajoute que l'objectif de l'entreprise est de fournir davantage d'outils en self-service pour les employés, les assurés et les prospects.

L'IoT rend les routes plus sûres

L'on pourrait penser que les municipalités ne sont pas soumises aux mêmes risques de concurrence digitale que les grandes entreprises établies, mais ce serait faire erreur. Les individus choisissent leur lieu de résidence en fonction de critères comme la proximité de leur travail, les infrastructures et la sécurité, pour n'en citer que quelques-uns. En tant que directeur de l'innovation et de la technologie de la ville de Las Vegas, Mike Sherwood met en oeuvre des technologies pour s'assurer que les routes sont bien entretenues, et donc sûres.

Mike Sherwood exploite les possibilités de l'Internet des Objets (IoT) et des applications Edge pour faire diminuer le nombre d'accidents de circulation et rendre les interventions des secours plus efficaces, une rupture avec les pratiques antérieures qui consistaient à déployer des agents afin de comptabiliser les voitures circulant sur les axes chargés.

Fonctionnant à la périphérie du réseau, ces capteurs envoient des données et d'autres informations sur la circulation routière et les conditions de trafic jusqu'à des tableaux de bord. A partir de là, les employés municipaux analysent les tendances de circulation et peuvent décider de réorienter le trafic vers des zones moins chargées durant certains événements, comme des conventions, conférences et concerts, ou encore déclencher des opérations d'entretien avant l'apparition de trous et d'autres obstacles sur la chaussée.

Cette information aide à réduire les coûts opérationnels associés au déploiement d'agents. « Combinée avec des outils de Machine Learning, elle offre également un intérêt majeur pour des entreprises en phase de création, à qui elle fournit un aperçu direct du trafic piéton dans Las Vegas », précise Mike Sherwood, qui utilise pour ses réseaux IoT et Edge des matériels et des logiciels fournis par Dell, VMWare et NTT Data Services. Une telle innovation offre un avantage compétitif à la ville de Las Vegas, lui permettant d'attirer davantage d'habitants et d'entreprises que d'autres.

« Las Vegas n'est pas seulement une capitale du divertissement. Nous devons veiller à bâtir d'autres infrastructures pour réussir », souligne Mike Sherwood. « Les villes dotées de systèmes intelligents de gestion du trafic, qui améliorent la sécurité publique, sont plus attirantes en tant que lieux de vie. »

Article de Clint Boulton / CIO Etats-Unis (Adaptation et traduction par Aurélie Chandèze)

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