Mode : le Big Data pour nourrir la création

La chaire Mode et Technologie ESCP/Lectra a inauguré la Fashion Tech Week par une rencontre sur le Big Data dans la mode.
PublicitéDu 6 au 13 octobre 2016 se tient dans divers lieux parisiens la quatrième Fashion Tech Week consacrée aux applications technologiques dans la mode. Pour l'ouvrir, le 6 octobre, la chaire Mode et Technologie ESCP/Lectra a organisé une rencontre sur le Big Data dans la mode. Lancée en 2014 au sein de l'ESCP (Ecole Supérieure de Commerce de Paris) avec le concours de Lectra, elle poursuit des buts à la fois de recherche, de pédagogie et de communication (en particulier via des événements de ce genre).
Déjà, cela commence mal : le Big Data est censé être le comble de la rationalité, l'exploitation de données définissant le réel dans ses détails, tandis que la mode est censée être de la pure création visant à l'émotion. « Les notions s'opposent a priori » a ainsi concédé Maximilien Abadie, Directeur de la Stratégie de l'éditeur et constructeur Lectra. Et, de fait, cette opposition provoque des tensions et des rejets dans le milieu de la mode.
Marketing hier, Big Data aujourd'hui : un même rejet provisoire
Edouard Fonkenell, fondateur du cabinet de conseil en marketing digital Claravista, s'est ainsi souvenu : « il y a vingt ans, le marketing était un gros mot dans la mode. Plus aujourd'hui. Aujourd'hui la Data est un gros mot. Demain... » Des conflits entre service marketing et créateurs existent, comme demain il y en aura entre data scientists et créateurs.
« Et des datas, dans la mode, il y en a ! Et c'est quelqu'un qui vient des télécoms [ex-SFR] qui vous le dit ! » s'est ainsi amusé François Nguyen, Chief Data Officer de La Redoute. Pour lui, le vrai débat sera sur l'éthique de l'exploitation des données, sur l'acceptation par les clients de cette exploitation. Mais le Big Data s'imposera dans la mode comme ailleurs. Aujourd'hui, il est aisé de savoir ce qu'un client fait, demain ce seront ses goûts et ses attentes qui seront mieux connus.
La mode est en retard
Ces conflits ont une conséquence évidente : le retard des entreprises de la mode en matière d'exploitation du Big Data. Pour Maximilien Abadie, il y a deux difficultés particulières au secteur. La première est donc le rejet de la rationalité incarnée par la Data : le pilotage de la mode doit être créatif, émotionnel. La seconde, peut-être la plus lourde, est l'absence de normes sectorielles sur la structuration et la qualification des données. Au contraire de ce qui peut se passer dans d'autres secteurs comme l'automobile par exemple, personne ne peut donc être assuré que les investissements faits dans la data aujourd'hui seront récupérables et utilisables demain. Il y a un problème de pérennité de ces investissements.
Pourtant, il existe de nombreux domaines où le Big Data a toute sa place. Pour commencer, il s'agit de l'aval : gestion des stocks, de leur implantation selon les entrepôts et les magasins, en fonction de la météo, etc. L'exploitation de la donnée, dans la mode comme ailleurs, permet de prendre de meilleures décisions sur des sujets peu créatifs : politique de prix, assortiment des modèles, etc.
PublicitéLa data en soutien de la création
Le malentendu vient peut-être que la data est vue comme un moyen de choisir la meilleure arme pour vendre ce que l'on veut. Rien n'est plus faux pour Benoît Sabatier, DG de Clother, un éditeur d'une app mobile de conseil de style vestimentaire : « il faut revenir à la base, à savoir définir ce que veut mon client. » L'optimisation, pour François Nguyen, ne concerne pas tellement les meilleures ventes bien maîtrisées mais plutôt la fameuse longue traîne. Dans celle-ci, où sont les signaux faibles qui vont permettre d'adresser le bon modèle à la bonne personne ou de définir quel sera la meilleure vente de demain ? A l'heure où la tendance est issue des consommateurs eux-mêmes, qui s'expriment notamment sur les réseaux sociaux, le Big Data devient crucial. Et le Big Data permet aussi un test & learn rapide lorsqu'on lance un produit innovant.
L'exploitation de la donnée vient ainsi en soutien de la création. Elle a déjà permis d'isoler des groupes de goûts pour des styles de sac en cuir, par exemple, afin de créer des modèles synthétisant toutes les attentes de chaque groupe avec un modèle précis pour chacun. Dans un autre domaine créatif, Netflix commence à créer des séries en analysant les goûts de sa clientèle par Big Data.
Si, comme ailleurs, la mise en cohérence des données de la GRC et des réseaux sociaux pose problème, les trois questions fondamentales sont classiques : qu'aiment mes clients ? Que recherchent-ils en ce moment que je peux leur pousser (sur le modèle de Criteo) ? Que pensent-ils de ma marque ? La mode n'a donc rien de réellement particulier.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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