Stratégie

Matthieu Olivier, directeur data groupe de La Banque Postale : « Il faut avoir son cimetière de PoC »

Matthieu Olivier, directeur data groupe de La Banque Postale : « Il faut avoir son cimetière de PoC »
Matthieu Olivier, group chief data officer de La Banque Postale, invité sur le salon Cap IT : « Les projets data sont à 80% de la conduite du changement. »

Durant le salon Cap IT, les 23 et 24 mars 2022, Matthieu Olivier, chief data officer du groupe La Banque Postale, a partagé sa vision des projets data, soulignant l'importance de l'industrialisation et de la conduite du changement.

PublicitéÀ l'occasion d'une table ronde organisée le 23 mars sur Cap IT, événement sectoriel sur la transformation numérique des banques, de la finance et des assurances, Matthieu Olivier, chief data officer (CDO) du groupe La Banque Postale, a évoqué l'industrialisation des projets data et la nécessité de la conduite du changement pour parvenir à transformer l'entreprise par la donnée.

Matthieu Olivier a rejoint La Banque Postale comme directeur des données groupe en mai 2021, après avoir travaillé pendant trois ans chez l'éditeur Saagie, qui propose une plateforme de DataOps. Aujourd'hui, ses principales responsabilités en tant que CDO consistent à préparer l'arrivée de réglementations comme l'IA Act, à construire le socle data de La Banque Postale, mais aussi à faire en sorte que tous les métiers de la banque puissent tirer de la valeur de données. Pour cela, il a pointé l'importance de rapprocher métiers et DSI. « Aujourd'hui, la question est de savoir comment intégrer la donnée au sein de la transformation des Ops que vivent les DSI. Les data scientists ont besoin d'être très proches des métiers, dont ils font souvent partie, mais les produits data sont aussi construits avec des ingénieurs data, des développeurs, qui sont côté IT. » L'enjeu est alors de créer « un continuum entre les data scientists et l'ensemble des outils de la DSI. » Ce continuum va générer davantage de valeur, ainsi que de nouveaux métiers.

La gouvernance, levier essentiel

Derrière les buzz words comme DataOps, IAOps, MLOps, pour Matthieu Olivier il s'agit avant tout de changement, et un changement qui peut être « assez violent », pour les DSI comme pour les métiers. « Il faut penser directement à l'industrialisation, sinon on passe à côté de la moitié du problème, car on sera incapable de déployer le projet », a prévenu le CDO. « Avant, quand on créait un modèle de données, celui-ci était rarement réévalué, il était très stable. Maintenant, un modèle peut être réestimé deux à trois fois par jour, avec des mises en production quotidiennes. » Pour le CDO, il y a aussi une nouvelle organisation à mettre en place pour copiloter les modèles. « Il faut réfléchir à un changement global des organisations, aux rôles de la DSI et des métiers, à qui porte la responsabilité des données... Pour se transformer par la donnée et tirer parti de l'intelligence artificielle, il faut impérativement répondre à ces questions. »

Matthieu Olivier a également évoqué la gouvernance, autre levier essentiel. Il différencie la gouvernance des données, qui sert à connaître son patrimoine et à savoir de quelles données on dispose, de la gouvernance des usages. Pour illustrer l'importance de cette dernière, il a confié une expérience vécue récemment. « Lors de mon arrivée, il y a dix mois, un premier backlog de 80 cas d'usages m'a été présenté. Je me suis vite aperçu qu'il y en avait aussi dans le marketing, la conformité, le crédit à la consommation et même à la DSI. Au total, il y avait entre 200 et 300 cas d'usage », s'est-il souvenu. Cette situation, commune à la plupart des entreprises, témoigne que la gouvernance est un vrai besoin. « Il faut regrouper tous les cas d'usage au même endroit. Cela permet de voir que différents cas d'usages sont en réalité très proches ou vont chercher la même donnée », une clef selon lui pour mutualiser les investissements. « Une gouvernance forte est la colonne vertébrale pour que les usages soient maîtrisés, notamment sur le plan réglementaire. Nous avons par exemple des doctorants qui travaillent sur l'explicabilité des algorithmes afin de nous préparer à l'IA Act, il faut que leurs travaux puissent être appliqués partout », a poursuivi Matthieu Olivier. Cette centralisation aide également à aligner les usages data avec le plan stratégique de l'entreprise.

PublicitéPartager les responsabilités

Selon le directeur des données de La Banque Postale, un autre enjeu des projets data est le passage à l'échelle. « Il faut savoir où l'on met le curseur », a expliqué Matthieu Olivier. « Dans certains cas, un Proof of Concept (PoC) va délivrer de la valeur pendant un an, en répondant à une question donnée, et cela peut suffire, pas besoin de passer à l'étape suivante. Parfois, quand le nombre de parties prenantes est trop important, il faudra inventer un autre modèle pour passer à l'échelle, par exemple en créant une startup interne. Sur certains sujets, en particulier ceux avec une forte dimension réglementaire, il pourra être nécessaire au contraire de réinternaliser », a illustré le CDO. Matthieu Olivier a également relevé un écueil récurrent dans les démarches de valorisation des données : « Aujourd'hui, les entreprises ont beaucoup de PoC, et elles ne savent pas tuer les PoC. Si au bout de trois mois on n'est pas capable de décider, un PoC peut éventuellement être reconduit durant trois mois. Si ce n'est toujours pas possible de trancher, peut-être que cela signifie que ce n'est pas le bon moment pour ce projet, peut-être qu'il n'est pas aligné avec la stratégie business... Il faut avoir son cimetière de PoC pour savoir ce qu'on a testé, ce qu'on a raté, et réinvestir ensuite sur l'industrialisation. »

Enfin, tout ne se termine pas avec la mise en production d'un projet. Pour Matthieu Olivier, il faut prévoir différentes vigies pour surveiller les projets en production : certaines du côté de la DSI, car il s'agit d'exploitation. « D'autres sont à mettre du côté des projets data, afin de superviser la valeur créée par le binôme métiers/DSI », a conseillé le CDO. Et ce partage des responsabilités est une bonne pratique à laquelle il tient tout particulièrement. « Je n'aime pas parler des métiers comme de clients de l'IT, car pour moi nous sommes tous dans la même équipe et la même entreprise, nous devons aller dans la même direction », a-t-il confié lors de la table ronde. « Avec une vision client/fournisseur, il y a déjà quelque chose de cassé. La responsabilité doit se partager, chacun sur ses zones de compétences. »

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