Lionel Chaine (DSI, Bpifrance) : « environ la moitié de nos externes sont des freelances »

En ayant recours à des sociétés comme Freelance.com, Bpifrance se dote des ressources dont elle a besoin en complément des salariés internes et des ESN. Lionel Chaine, DSI de Bpifrance, nous détaille sa stratégie d'acquisition de compétences et de gestion agile des projets.
PublicitéCréée le 31 décembre 2012, la banque publique d'investissement Bpifrance a fusionné de nombreux établissements antérieurs comme l'Anvar, Oseo, le Fonds stratégique d'investissement, etc. Propriété de la Caisse des Dépôts et Consignations et de l'État et disposant de 4,7 milliards d'euros de fonds propres pour un résultat de 1,8 milliard (chiffres 2021), elle accompagne le développement des entreprises, notamment dans le cadre d'une expansion à l'étranger ou d'une démarche d'innovation, par le biais de prêts ou de dotations diverses ainsi que de programmes de formation. Bien que n'étant pas une banque au sens juridique du mot, son informatique en est proche mais doit conserver une grande agilité pour s'adapter aux politiques publiques qui suivent des décisions politiques, par exemple le prêt garanti par l'État (PGE) mis en oeuvre très rapidement lors de la crise sanitaire. La DSI de Bpifrance comprend environ un millier de personnes. Lionel Chaine, DSI de Bpifrance, précise : « nous avons en interne 240 salariés et à peu près 800 externes. Parmi les externes, environ la moitié est constituée de freelances, le solde de salariés d'ESN. » Il nous a expliqué les raisons de ce choix et les modalités d'organisation adoptées.
Lorsqu'il a pris ses fonctions, Lionel Chaine ne disposait que d'à peu près 150 salariés. « Nous essayons de rééquilibrer nos effectifs, entre internes et externes, en procédant à de nombreux recrutements, de 70 à 100 par an » relève Lionel Chaine. Pour compléter les équipes, Bpifrance recourt, comme la plupart des entreprises, à de nombreuses ESN. Mais la logique adoptée est celle de la massification des achats. Le nombre d'ESN travaillant pour Bpifrance est ainsi passé, depuis 2020, de 130 à 58. Et aux ESN s'ajoutent donc des plates-formes de portage d'indépendants (freelances) : Freelance.com, Inop's, Comet, Malt, etc.
Le statut moins important que la compétence
Bpifrance travaille en suivant les méthodes agiles, y compris le corpus Safe. Lionel Chaine pointe donc : « ce qui nous intéresse, ce sont les compétences précises des intervenants avec le bon niveau de qualification ou de certification ». Il est fréquent que des indépendants soient conservés au sein de Bpifrance durant trois ans, parfois sur plusieurs équipes successivement. « La vélocité d'une équipe est un enjeu majeur pour nous et elle est liée à sa stabilité ; nous essayons donc d'avoir la plus grande stabilité possible » observe Lionel Chaine. Mais un intervenant donné, quelque soit son statut, peut très bien passer d'une équipe à une autre en fonction des besoins en compétences et des affinités : toutes les équipes fonctionnent avec les mêmes cadres méthodologiques et les mêmes technologies. Pour Lionel Chaine, « les freelances sont très motivés par le challenge et leurs réussites comme leurs progressions impliquent leur employabilité. »
PublicitéComment choisir entre salariés, ESN ou freelances ? Globalement, le choix va se faire d'abord en fonction des compétences disponibles. Les équipes mixent généralement les trois statuts. Du point de vue du fonctionnement, le statut individuel n'a aucune importance. Comme chacun sait, l'agilité est le contraire de l'anarchie et les équipes agiles sont suivies au niveau de nombreux indicateurs clés de performance. Lorsqu'une équipe est en difficulté, le rôle de la DSI est aussi de l'aider. « En général, les équipes s'auto-évaluent correctement et savent quand quelque chose ne va pas » observe Lionel Chaine. Il ajoute : « en mode agile, les équipes s'auto-organisent, chacun à un rôle et il n'y a pas de chef. » Même les congés sont gérés en consensus interne, selon les besoins en compétences au fil du projet et de ses sprints, et sans considération pour le statut.
La mixité des statuts est une richesse
En termes strictement de coût total, les salariés sont les ressources humaines les moins onéreuses. Les plates-formes de freelances ont des marges moindres que les ESN mais les freelances ont souvent des niveaux de compétences plus élevés et donc des TJM plus élevés. A niveau de compétence égal, l'ESN est bien le plus onéreux. Cependant, les ESN ont comme force de savoir mêler des juniors et des seniors dans une même équipe afin d'accompagner la montée en compétences des juniors. « Les bonnes ESN savent être des accès au marché pour les juniors et les faire grandir en compétences, les mauvaises, qui ne savent pas jouer ce rôle, n'ont plus leur place sur le marché » juge Lionel Chaine. Il ajoute : « certaines petites ESN que j'appelle 'à gourou', c'est à dire ayant un CTO charismatique sachant transmettre une vision, peuvent être très formatrices pour les juniors. Après un passage en ESN, l'informaticien, devenu senior, peut alors choisir d'être indépendant. »
En amont des recrutements de membres pour ses équipes, Bpifrance contractualise des taux journaliers moyens (TJM) avec les différentes ESN et plates-formes de freelances, les TJM variant évidemment selon les niveaux et les natures de compétences. Puis, régulièrement, Bpifrance organise des « speed meetings » avec les différentes ESN ou plates-formes de freelances avec lesquelles elle travaille pour préciser quels vont être ses besoins précis dans les prochains mois. Chaque prestataire va alors se positionner en fonction de ses propres ressources disponibles pour répondre aux attentes de Bpifrance. La sélection finale s'opère par les équipiers eux-mêmes.
Rôle essentiel pour la procédure d'accueil
« Pour que ça marche, l'entreprise doit pleinement accueillir chaque collaborateur, quelque soit son statut » insiste Lionel Chaine. La procédure d'accueil inclut de ce fait un passage à la « Bpi Academy » avec des tests réalisés grâce à Codingame. Au final, le statut (salarié, indépendant, ESN) ne doit avoir aucune importance en lui-même. Mais chaque entreprise doit accueillir les compétences dont elle a besoin et Bpifrance ne fait évidemment pas exception.
Dans la guerre des talents, Bpifrance n'est pas dénuée d'atouts. Tout d'abord, dans la foulée de la crise sanitaire, beaucoup de gens ont souhaité partir en province. Or, comme le souligne Lionel Chaine, « la capacité de Bpifrance à travailler en mode distribué constitue un avantage certain. D'autant que ceux qui travaillent avec nous peuvent bénéficier de deux à trois jours de télétravail, en fonction des rotations d'équipes, certaines devant être présentes tel et tel jour, d'autres à d'autres moments. Du coup, quand une équipe est présente, c'est vraiment pour se voir. » Par ailleurs, les nouvelles générations sont souvent sensibles à leurs propres intérêts, ne voulant faire que ce qui leur convient. « Ce n'est pas forcément une mauvaise chose car on n'est vraiment bon que dans ce que l'on aime » estime Lionel Chaine. Or « Bpi sert l'avenir », « Bpi est la banque du climat », ce sont des idées qui plaisent aux équipiers, qu'ils soient salariés ou non.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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