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L'Ecole hôtelière de Lausanne étend les usages de son chatbot

L'Ecole hôtelière de Lausanne étend les usages de son chatbot
Julia Aymonier, Chief Digital Officer à l'École hôtelière de Lausanne, a choisi d'installer on-premise la plateforme de création de chatbots d'IPsoft, généralement utilisée dans le cloud.

Pour automatiser des tâches contraignantes qui généraient beaucoup de demandes auprès de son service desk, l'Ecole hôtelière de Lausanne a développé deux applications d'agents virtuels pour réinitialiser les mots de passe et connecter les visiteurs au réseau WiFi. Le succès de ces projets l'a conduit à prolonger ses cas d'usage sur son site web pour renseigner les candidats sur les cursus de formation de l'EHL. D'autres déclinaisons sont projetées.

PublicitéCréée en 1893, l'Ecole hôtelière de Lausanne propose à des étudiants du monde entier une formation supérieure dans les métiers de l'accueil et des services. Plus de 140 nationalités y sont représentées pour suivre un enseignement bilingue et l'école forme chaque année 3000 étudiants. Sur le site web de l'EHL, l'agent virtuel Amelia renseigne de façon interactive, en anglais, sur le programme du Bachelor en hôtellerie et professions de l'accueil. L'outil a pris ses quartiers sur le site web après avoir fait ses preuves au sein de l'école suisse, dans le cadre du service desk de son département informatique. Tous les mois, Amelia opère ainsi la connexion WiFi de 500 visiteurs lors des événements organisés par l'école et aide 300 utilisateurs à accéder à leur compte, après un oubli de mot de passe ou un blocage. En attendant le déploiement d'autres mises en oeuvre. 

Il y a 4 ans, lorsque Julia Aymonier, Chief Digital Officer de l'EHL, a pris ses fonctions de CIO dans l'établissement, elle a voulu savoir comment les étudiants aimeraient idéalement interagir avec le département informatique. D'emblée, ceux-ci ont demandé un service « à la Siri ». « J'ai commencé à regarder ce qu'il y avait de disponible sur le marché, nous ne voulions pas un simple chatbot pour répondre aux questions, mais un assistant virtuel embarquant de l'intelligence artificielle et capable de prendre en charge des processus complexes », nous a exposé Julia Aymonier. Après s'être tournée sans succès vers le fournisseur de Siri, Apple, puis vers IBM, dont l'offre Watson ne s'adaptait pas au budget, un partenariat a été monté avec IPsoft. Le modèle de tarification basé sur le nombre de transactions accomplies ne pouvait pas s'appliquer à l'école. « Nous n'avons pas des milliers de demandes par jour, il fallait donc revenir à un modèle gagnant/gagnant pour travailler ensemble », explique la CDO. Un PoC est monté en 2017 autour de renseignements à fournir aux étudiants admis pour préparer leur venue à l'école. Il s'agissait alors de présenter au management de l'EHL les capacités et l'intérêt d'un assistant numérique tel qu'Amelia. Suivant les données saisies par les étudiants, l'agent virtuel allait chercher de l'information dans le SI de l'école et sur Internet afin d'afficher des renseignements personnalisés sur une carte géographique. « Un très joli Proof of concept qui permettait de retrouver de l'information à partir de plusieurs sources et de traiter un processus assez complexe », relate Julia Aymonier. Le résultat a convaincu le management mais l'élaboration du PoC a révélé en filigrane des réticences à voir automatiser certaines tâches administratives. La CDO comprend tout à fait les préoccupations de l'industrie autour du rôle de l'IA dans le remplacement de certains postes, mais dans le cas de l'EHL, elle constate que l'utilisation d'Amelia a au contraire démontré son potentiel pour améliorer de façon importante l'expérience utilisateur sur des tâches répétitives en permettant de dégager du temps pour des interventions à valeur ajoutée.

Publicité Une 1ère API réalisée en 4 mois

Pour gagner l'adhésion des équipes IT à la plateforme, le 1er projet réalisé avec Amelia a porté sur le Guest Wifi permettant d'automatiser la connexion des visiteurs à Internet. « L'API a été réalisée en 4 mois », précise Julia Aymonier, avec l'intervention d'IPsoft. L'EHL organise de nombreuses conférences et disposait jusque-là d'un système de connexion passant par l'envoi d'un SMS sur le smartphone de l'utilisateur. Avec des visiteurs venant des quatre coins du monde, le message n'arrivait pas toujours à bon port. « Nous avions donc toujours besoin des équipes du service desk sur site le soir et le week-end pour aider les participants aux conférences », relate la CDO. Désormais, Amelia prend la main en commençant par l'information relative au RGPD sur l'utilisation des données, avant de poser les questions permettant de connecter l'utilisateur sur le réseau WiFi. « Cette première application réussie a tout de suite montré son efficacité, les équipes du service desk étaient ravies de ne plus se mobiliser soirs et week-ends, et j'ai maintenant des ambassadeurs pour l'outil », apprécie Julia Aymonier. 

Une 2ème application est mise en chantier et développée en deux mois et demi seulement. « Lorsque je suis arrivée à l'EHL, j'ai renforcé la sécurité et demandé que tout le monde change de mot de passe tous les 3 mois ce qui a augmenté le nombre de tickets au service desk ». La mise en place d'une intervention automatisée semblait tout indiquée. « Maintenant, si un compte est bloqué ou si la personne a oublié son mot de passe, Amelia est capable de régler tout ça. C'est très appréciable de voir l'agent virtuel intervenir et résoudre automatiquement ce type de problème quand on est en voyage à Singapour et que le bureau est fermé à Lausanne », décrit la Chief digital officer. Pour interagir avec Amelia, l'école hôtelière propose en fait différents modes accès. « La connexion peut se faire à distance depuis n'importe quel device sur intranet, mais nous avons également installé une borne devant le service desk lorsqu'il est fermé pour les utilisateurs qui ne peuvent pas se connecter au réseau ou accéder à l'intranet pour une raison ou une autre. C'était quelque chose de nouveau et nous avons poussé un peu IPsoft pour essayer cette nouvelle façon d'utiliser Amelia ».

 

L'assistante virtuelle Amelia a été entraînée pour répondre aux questions sur les programmes dispensés par l'EHL et guider son interlocuteur sur le site web vers la page pertinente. Si elle n'a pas de réponse à fournir, elle peut passer la main à un responsable des admissions et conserver ainsi le contact avec l'interlocuteur. (Crédit : EHL)

Après ces deux réussites, une 3ème application est alors entreprise en dehors du service informatique, du côté de l'administration, sur la partie Admission de l'école. L'EHL accueille de nouveaux étudiants tous les six mois, générant un énorme travail d'information aux candidats. Il s'agit de renseigner des centaines de personnes posant toutes les mêmes questions sur les formations dispensées par l'école. « Cette fois, nous avons créé l'application très rapidement, sans l'aide d'IPsoft, et nous pouvons monter une API sur un nouveau programme en trois semaines avec toutes les questions relatives à la formation ».

Un agent virtuel canalisé dans ses réponses

Interrogée sur les fonctionnalités d'intelligence artificielle, Julia Aymonier explique que la plateforme fait apparaître des éléments qui n'étaient pas attendus au départ. « L'IA nous amène dans des chemins assez intéressants. Nous analysons tout ce qu'elle fait parce que nous voulons qu'elle soit professionnelle à tout moment », explique-t-elle. Par exemple, Amelia comporte d'origine une partie chit-chat pour les conversations informelles. « Nous l'avons supprimée parce que nous ne voulons pas qu'elle fasse du chit-chat. Malgré cela, Amelia est tout à fait capable de gérer des situations un peu bizarres ». Quand un interlocuteur l'emmène sur des chemins de traverse, elle a suffisamment d'intelligence pour revenir sur le sujet. « Elle est capable de comprendre les émotions et de changer son langage pour essayer de faire baisser un peu la température quand elle détecte de l'agressivité dans les propos ». Et lorsqu'elle sèche sur une question, elle propose à l'interlocuteur de la mettre en relation avec une personne du service Admissions. « Dans ce cas-là, elle regarde l'ensemble de notre réseau dans le monde entier pour voir quel admission officer est en ligne et la conversation est passée en temps réel à l'être humain qui peut la continuer comme s'il était là depuis le début. Le passage de main est vraiment transparent », assure la CDO de l'Ecole hôtelière de Lausanne.  

Les capacités d'analyser de sentiments de l'agent de conversation ont déjà entraînées dans la plateforme fournie. Concernant les applications développées à l'EHL, l'équipe de Julia Aymonier ne laisse pas Amelia apprendre seule. « Nous décidons de voir comment elle aurait traité la problématique, mais c'est nous qui décidons si la prochaine fois, dans la même situation, elle peut faire ce qu'elle voulait. Elle a besoin d'apprendre, mais elle ne va pas le mettre en production sans nous »,  explique la CDO. Pas question pour elle de se retrouver dans une situation semblable à celle de Microsoft qui avait dû mettre hors circuit son robot de conversation Tay qui était parti dans tous les sens, notamment en proférant des propos haineux. « Nous avons créé un petit logiciel pour faire le testing », précise la responsable informatique. Cet outil examine toutes les interactions entraînées avec Amelia et sort les éléments de conversation qui doivent être examinés de près pour déterminer s'il faut ou non les garder. « Nous avons un comité une fois par semaine qui décide de les conserver ou estime qu'on ne veut pas qu'elle réponde à ce genre de questions ». 

Automatiser des processus bien documentés et bien compris

Lorsqu'on lui demande les points critiques à considérer pour mener à bien des projets d'agents virtuels, Julia Aymonier insiste sur l'importance de travailler avec une équipe convaincue de la valeur que l'outil va apporter : « Il faut pouvoir convaincre les métiers qui ne comprennent pas encore cette technologie et la craignent ». Pour que l'initiative réussisse, les métiers doivent être prêts à partager leurs connaissances avec l'équipe qui mène le projet et choisir dès le départ un groupe d'utilisateurs qui voient l'intérêt de le développer. Autre recommandation, « il faut choisir d'automatiser des processus bien connus de A à Z, bien documentés, compris par tout le monde et ne pas commencer un projet pour changer deux mois plus tard, c'est le pire des cas », estime-t-elle. Par ailleurs, « il faut du volume pour faire travailler l'assistant virtuel. Cela n'aurait pas de sens d'engager autant efforts pour un outil utilisé trop peu souvent. Il faut beaucoup de volume sur le nombre de requêtes pour qu'il puisse fonctionner ».

En conclusion, Julia Aymonier revient sur l'implication dans le projet. « Il faut vraiment expliquer aux personnes concernées que ça ne va pas supprimer du travail mais enlever les tâches ennuyeuses qui ont peu de valeur ajoutée et prennent beaucoup de temps afin d'avoir plus de temps pour les choses qui comptent ». Dans le cas de l'application installée sur les Admissions, l'équipe constate maintenant qu'elle a davantage de temps pour se pencher avec les candidats sur des problèmes plus humains, plus sensibles, ce qu'elle n'avait pas toujours le temps de faire auparavant. « Nous sommes peut-être passés à côté d'une perle rare qui aurait pu venir à l'école et à qui on n'a pas pu répondre ». Les élèves de l'EHL sont très intéressés par la plateforme Amelia avec laquelle ils aimeraient avancer plus vite. Ils ont créé un comité et organisent mi-décembre une journée d'innovation où sera lancée la campagne Ask Amelia. « Les étudiants vont proposer des sujets à traiter que nous allons prioriser et nous allons travailler directement avec eux pour qu'ils puissent apprendre aussi comment travailler avec de l'intelligence artificielle ». La diversification des cas d'usage autour de l'agent virtuel ne fait donc que commencer.



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