Stratégie

Eric Alix (CDO La Poste) : « nous développons la valeur du capital data dans un cadre éthique fort »

Eric Alix, Chief Data Officer de La Poste depuis juin 2015, présente les initiatives du groupe pour que les Français maîtrisent leurs données personnelles.

Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°120 !

Convaincre pour gagner : l'obligation du DSI

Convaincre les bons candidats de rejoindre son entreprise. Convaincre sa direction générale que, oui, l'informatique peut être une nouvelle source de business pour le groupe. Convaincre des avantages du digital. Convaincre de la pertinence d'un pari technologique. Convaincre pour gagner car rien...

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Eric Alix, Chief Data Officer du groupe La Poste, pilote la mise en oeuvre de la Charte Data. L'objectif n'est pas qu'éthique : la confiance est une valeur business majeure pour l'entreprise, un avantage concurrentiel dont elle peut se targuer dans un monde très incertain.

PublicitéCIO : En tant que CDO, comment êtes vous positionné dans le groupe La Poste ?

Eric Alix : Je suis CDO du groupe. Mon rôle est donc de développer la valeur du capital data de La Poste dans un cadre éthique fort. Il s'agit de créer de la valeur par des nouveaux services mais aussi d'améliorer des services existants.
Je suis rattaché à la branche digitale du groupe, qui comprend notamment Docapost. Cette branche est en charge des canaux digitaux (notamment les sites web) mais aussi de la transformation numérique globale du groupe. Mon rattachement est lié à ce dernier point.

CIO : Comment travaillez-vous avec la CIL ?

Eric Alix : La correspondante informatique et liberté, Marie-Noelle Gibbon, est même totalement une DPO (Data Protection Officer) au sens du récent règlement européen. Elle est le point de contact pour toute personne se posant des questions sur ses données personnelles ainsi que pour nos relations avec la CNIL.
En interne, son rôle est d'informer et de conseiller sur la protection des données personnelles. Pour reprendre son expression, le CDO est l'architecte des initiatives data et le DPO le bureau de contrôle qui conseille, autorise et contrôle la conformité réglementaire.
La Charte Data est un travail commun. Si je serai l'architecte du plan d'action associé à la charte, elle sera son contrôleur. Nous rapportons ensemble à une émanation du conseil d'administration.

CIO : Les bonnes pratiques sont souvent définies en entreprises mais rarement avec une telle formalisation et plus discrètement. Pourquoi avoir créé une telle charte et communiqué autour d'elle ?

Eric Alix : Il s'agit de répondre à une véritable demande des Français. Lorsque nous avons réalisé une enquête il y a quelques temps, deux tiers des Français attendaient des services personnalisés mais seulement un tiers acceptait de céder des données personnelles aux entreprises, pourtant nécessaires. Il s'agit donc de résoudre ce paradoxe en mettant en oeuvre un traitement responsable des données avec transparence et pédagogie.
En fait, il s'agit de redonner le contrôle aux clients sur leurs propres données personnelles. C'est d'ailleurs une tendance forte dans l'ensemble du marché. Toujours dans la même enquête, si l'entreprise prend des engagements en matière de sécurité et de conformité aux bonnes pratiques, deux tiers des Français étaient là d'accord pour confier des données personnelles aux entreprises.
La Poste est un opérateur de confiance des échanges. Le groupe se devait donc de montrer la voie de façon très transparente et pas seulement en interne.

CIO : En quoi est-ce à ce point important pour vous ?

PublicitéEric Alix : La réglementation européenne est particulièrement rigoureuse mais nous prenons des engagements au delà. Et c'est une démarche qui est appelée à être révisée régulièrement dans une optique d'amélioration continue. La Poste veut être exemplaire. Pas seulement pour la forme. C'est aussi un avantage concurrentiel.

CIO : Mais de quel type de données disposez-vous ?

Eric Alix : La Banque Postale est une banque et dispose de toutes les informations sur ses clients dont disposent également les autres banques. Mais le métier historique de La Poste repose lui aussi sur les données. Elles sont au coeur de notre activité.
Par exemple, nous disposons des données de distribution des colis (expéditeur, destinataire, chemin suivi...). Nous commençons à gérer des préférences de livraison, par exemple le bureau (avec son adresse mais aussi du coup le nom de l'entreprise). De la même façon, le service de prise de colis à domicile, appelé à se développer avec l'accroissement de l'économie collaborative, implique de gérer des cas individuels.
Nous proposons également un hub numérique pour gérer les objets connectés du domicile. Mais celui-ci va être amené à échanger également avec l'extérieur, par exemple Facteo, le smartphone des facteurs. Notre filiale Docapost gère des coffres-fortes électroniques, avec des données de santé comme celles des pharmacies.

CIO : En communiquant sur la Charte Data, vous avez mentionné un amendement au serment des postiers. De quoi s'agit-il ? Pourquoi un tel amendement était-il nécessaire alors que nous ne parlons, finalement, que d'un classique secret professionnel ?

Eric Alix : Tous les postiers ne sont pas assermentés (au sens légal du terme) mais de plus en plus le sont, y compris dans les fonctions support. Par contre, par principe, tous les facteurs le sont, au départ pour protéger le secret des correspondances physiques. Ce serment a donc été adapté aujourd'hui au monde numérique en plus du monde physique. Son texte avait besoin d'être amendé pour cela.
Les data scientists de La Poste, par exemple, vont être amenés à prêter ce serment.

CIO : Avec le lancement de la Charte Data, vous avez indiqué vouloir prendre des initiatives. De quoi s'agit-il et qui va être concerné ?

Eric Alix : Tous nos clients, entreprises comme particuliers, sont concernés ainsi que tous nos partenaires. Notre démarche est de longue haleine, dans une logique d'amélioration continue, et nous allons donc procéder étape par étape mais avec une trajectoire clairement vertueuse. Notre démarche est bien au delà des seules exigences réglementaires.
En septembre, nous allons ouvrir un site web pour expliquer ce que sont les datas au sein du groupe La Poste en donnant à chacun la possibilité de nous interpeller sur ce sujet. En janvier, nous allons lancer une application pour permettre à chacun de reprendre la main sur ses données.
Nous avons aussi des engagements en matière d'ouverture, d'open-data. Et nous allons continuer de développer nos hackatons et l'incubation de projets numériques.