Stratégie

DSI et CDO, rivaux ou alliés dans la transformation de l'entreprise ?

DSI et CDO, rivaux ou alliés dans la transformation de l'entreprise ?
Isaac Sacolick définit 4 étapes pour faire coopérer DSI, CDO et CMO
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°134 !
L'organisation de l'IT bousculée dans les entreprises

L'organisation de l'IT bousculée dans les entreprises

La transformation numérique de l'entreprise s'accompagne d'une transformation des rôles et de l'organisation. Ainsi naissent de nouveaux rôles et le rôle traditionnel du DSI évolue.Cette transformation utilise également des nouvelles technologies qui permettent des usages qui ne pouvaient pas être...

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Les DSI reprennent un rôle central dans les entreprises, mais doivent composer avec de nouveaux responsables, comme les CDO, Chief digital officers.

PublicitéLe cabinet de recrutement international Robert Half a mené une étude en France, auprès de 200 DSI, sur l'évolution de leur rôle. Il l'a titrée « DSI : le nouveau transformateur de business ». On semble loin des contingences du quotidien, des pressions internes et des enjeux technologiques. Pourtant, l'étude dresse un portrait assez précis du rôle actuel du DSI et de sa transformation. Pour elle, près de la moitié des DSI consacrent au moins 41% de leur temps au maintien des opérations quotidiennes de l'activité business de l'entreprise. Donc, à assurer aux directions métiers la bonne réalisation de leurs activités, en particulier la relation client. Près d'un quart des DSI interrogés, 21%, passent même 70% de leur temps à cette activité.

Pour Robert Half, c'est un changement notable dans la fonction de DSI. Ils ont désormais un rôle plus central dans l'activité de l'entreprise, ce qui n'était pas le cas il y a cinq ans. A l'époque, ils pouvaient douter de leur rôle, étaient parfois relégués à des fonctions support, l'initiative étant le fait des métiers. Le fameux « shadow IT » a fait couler beaucoup d'encre, c'était, et c'est toujours, une réalité. Mais, l'ampleur de la transformation en cours dans les entreprises, renforce le niveau de responsabilité des DSI et la vision qu'en a le reste de l'entreprise. Le directeur informatique n'est plus seulement le gardien de la fonction support, mais l'un des initiateurs des grands projets et le garant de leur réussite au quotidien.

Robert Half en déduit que le DSI devient créateur de business et responsable de la stratégie sur le long terme. Une notion que le cabinet de recrutement prend en compte pour expliquer aux DSI leur nouveau rôle, orienter les entreprises dans leurs choix et accompagner la mutation en cours et les nombreux transferts que l'on peut observer.

Des CDO au Comex

Au passage, le périmètre d'activité du DSI va également se transformer et laisser place à des incertitudes. Il doit affronter ou travailler avec de nouveaux responsables comme le Chief digital officer, le CDO. Simple gadget ? Aiguillon ? Effet de mode ? Dépend-il du DSI ou le plus souvent est-il en dehors ou sur un pied d'égalité ? Les entreprises adoptent des formules très différentes. Plusieurs CDO ont des fonctions très importantes. Engie a par exemple promu son DSI, Yves le Gelard, arrivé en avril 2015, comme CDO et directeur général adjoint en mai 2016. Cet ancien d'IBM, Capgemini et Fujitsu a rejoint un grand compte après trente ans passés chez les fournisseurs. La BPCE a recruté, à l'automne dernier, Yves Tyrode, comme directeur digital groupe. Il s'était illustré à la direction de Voyages-SNCF.com et à l'innovation d'Orange. Des poids lourds pour impulser le digital. Le DSI doit leur faire une place et apprendre à cohabiter, plusieurs directions métier aussi. Dans d'autres cas, TF1, RATP, par exemple, le DSI groupe a, sous sa responsabilité le plan digital.

PublicitéLe DSI revient de loin. D'anciennes prédictions assuraient que le CDO remplacerait jusqu'à 60% des DSI, des analyses  plus récentes suggèrent plutôt que nous sommes à la fin du battage médiatique sur ce sujet ! La vraie question est de savoir comment se répartiront les rôles. Le DSI aura en fait une ou deux options possibles, en fonction de son expertise numérique. S'il a des connaissances en développement de produits ou en développement d'applications, il peut endosser beaucoup de responsabilités dans la transformation numérique, lui ou ses adjoints. Ces derniers seront experts, par exemple de l'expérience client, du cloud ou du DevOps.

Le DSI concurrent du CMO

Autre scénario, lorsque le PDG choisit de développer une capacité numérique en dehors de la DSI. L'organisation peut se doter alors d'une DSI centralisée, le PDG choisissant de décentraliser les CDO dans les directions commerciales. Le directeur marketing a peut-être les structures et les budgets pour engager un programme numérique, il peut avoir reçu des responsabilités supplémentaires en tant que CDO. Peut-être a-t-il le pouvoir d'en engager un. Le PDG peut aussi décider d'engager un CDO venu de l'extérieur. Dans tous les cas de figure, le DSI doit coopérer, principalement avec le CDO.

Voici, selon le consultant Isaac Sacolick, quatre axes de travail pour réussir cette nouvelle étape de l'évolution du DSI et de sa collaboration avec les CDO et les CMO (Chief marketing officer, directeurs marketing).

1. S'assurer que l'expérience client est la mission principale. Les entreprises qui réussissent leur transformation numérique ont souvent besoin d'explorer de nouveaux marchés, de développer de nouveaux produits et de cibler de nouveaux types d'acheteurs. Il est important pour le DSI, le CDO et le CMO de s'assurer ensemble que leurs collègues comprennent les principes fondamentaux du développement de produits et de l'exécution d'une stratégie bien définie en matière de relation client.

2. Bien définir les responsabilités dans l'exécution de la transformation numérique. Une fois la stratégie numérique formalisée, une série d'échanges doit être organisée pour permettre aux dirigeants d'acquérir une vision commune de l'exécution. Par exemple, en ciblant de nouveaux canaux de distribution ou des segments de clientèle importants. Une fois articulés entre eux, les trois dirigeants doivent discuter des initiatives tactiques pour atteindre ces objectifs et définir les responsabilités respectives.

3. Se baser sur des modes de gestion agile. Il n'est pas nécessaire de réinventer la roue pour appliquer un programme de transformation. Optimiser des pratiques agiles pour stimuler la transformation, favoriser des équipes multidisciplinaires et auto-organisatrices, réajuster les priorités en fonction des commentaires des clients : voilà les objectifs. Les équipes agiles sont dirigées par des concepteurs de produits qui se concentrent sur les besoins stratégiques des clients. Le CDO est responsable de la formulation des objectifs numériques, le DSI se concentre sur l'organisation des équipes d'exécution, leur rapidité de mise en oeuvre, leur capacité à mettre en avant la qualité.

4. Aligner les KPIs et les métriques. L'un des moyens les plus faciles pour assurer un alignement continu est de définir et d'ajuster un ensemble d'indicateurs clés de performance (PKIs) et de  paramètres pouvant être utilisés comme des indicateurs à plus long terme sur la réussite de la transformation. Les indicateurs de performance clés sur la réussite des clients, l'efficacité opérationnelle ou l'engagement des employés sont souvent des indicateurs précoces de réussite financière.

Un rôle difficile à cerner

Même si le DSI retrouve un rôle central, ce repositionnement est encore fragile et fait l'objet d'incessantes remises en cause. Le nouveau DSI est sollicité pour endosser plusieurs rôles différents : directeur de la sécurité informatique, des données, de l'IoT, de l'intégration, du digital, voire d'autres fonctions, indique Salaina Haroon, managing director de Rasala publications group. Pour elle, le rôle du DSI n'a jamais été aussi difficile à cerner qu'aujourd'hui, quel que soit le secteur d'activité. Avec les quantités écrasantes de grandes données à gérer, l'avènement du cloud, la transformation numérique des entreprises et les risques portés à un niveau jamais atteint, comment définir le nouveau CIO ? Qui va dépendre de lui ?

Traditionnellement, le DSI appartenait à un cercle restreint, les membres du Comex. Désormais, le cloud, l'assurance qualité, la gestion des  risques, les plates-formes de services et beaucoup d'autres éléments remontent au DSI. Devra-t-il  occuper lui-même plusieurs autres fonctions ?

Souvent, il doit par exemple endosser l'habit du directeur des données.  Selon le Gartner,  90% des grandes entreprises auront un directeur des données (chief data officer, CDO, à ne pas confondre avec Chief digital officer) en 2019. Ce sera obligatoire en Europe avec le GDPR. Et déjà, certains DSI nous confient que, faute de budget, on ne pourra en recruter, et que, faute de compétences, on ne pourra transformer les CIL, Correspondants informatique et libertés, en responsables des données, ce qui aurait dû logiquement se produire. Donc le DSI devra augmenter son temps et sa charge de travail pour « faire le job » de CDO. Dans certains cas, on voit le RSSI avoir pour adjoint un responsable des données ou bien devenir RSSI et compliance officer, c'est le cas de Farid Illikoud au PMU.

Des CDO sans définition de poste

Dans certains cas, le CDO semble débarquer en terre inconnue sans feuille de route. Celui de The Economist, Stéphane Pere, a par exemple déclaré : «Quand j'ai obtenu ce poste, il n'y avait pas d'agenda, pas d'objectif ou de définition de poste. J'étais commercial dans la publicité depuis des années, maintenant je vends une vision des données. Je pense maintenant aux données comme à un produit, ou un service. Ne pensez pas aux données comme à un nouveau flux de revenus, mais plutôt comme une façon de renforcer vos modèles d'affaires actuels ».

Le DSI pourrait très bien devenir, aussi, directeur de l'IoT. Une étude récente menée par la société de sécurité Webroot assure que plus de la moitié des entreprises sondées  envisagent d'embaucher un Chief IoT Officer l'année prochaine. Mais en ont-elles vraiment besoin ?  S'il existe de qui dépendra-t-il ? Il y a beaucoup de confusion sur la façon dont l'IoT va fonctionner dans la pratique, ce qui n'empêche pas beaucoup de gens sur Linkedin de s'étiqueter « évangélist IoT ».

Manfred Kube, directeur  M2M chez Gemalto, souligne qu'il est « loin d'avoir un rôle facile. Même si je suis certain que les entreprises devraient envisager d'intégrer l'IoT. Il est vital pour les entreprises d'avoir une personne dédiée pour débloquer son potentiel et communiquer sur son importance pour le reste de l'entreprise ».  Certes, mais il en va de même pour plusieurs postes, qui ne relèvent pas exclusivement de l'IT. Et ne dépendent pas uniquement du DSI, voire pas du tout. Le DSI doit alors apporter sa contribution à d'autres activités. Par exemple, chez PSA, la DSI groupe travaille, ainsi que la R&D, avec la division voiture connectée pour préparer l'automobile du futur. La direction marketing est également de la partie. Quatre directions sont priées de travailler de manière autonome, mais coordonnée, sur un projet stratégique pour l'avenir du groupe.

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