Comment les grandes entreprises françaises se préparent à l'économie de la souscription

A l'occasion de l'édition 2019 de Subscribed France, l'événement annuel de l'éditeur Zuora, plusieurs groupes français ont partagé leur expérience autour de la mise en place de nouveaux modèles économiques basés sur la souscription.
PublicitéDe quoi parle-t-on quand on souligne la nécessité d'offrir une nouvelle expérience aux clients ? Face à des consommateurs qui privilégient de plus en plus l'usage au lieu de la possession, l'innovation se joue désormais tout autant du côté des services que des produits proprement dits. La plupart des directions générales ont bien compris que ces évolutions s'inscrivaient dans une tendance de fond, où la location remplace peu à peu l'achat de biens.
Sous l'impulsion des directions du marketing et de l'innovation, de plus en plus d'acteurs étudient la mise en place de nouvelles offres, conçues sur les principes de l'abonnement. Cependant, pour les acteurs issus de l'économie traditionnelle, cette transition représente un changement radical qui nécessite de repenser entièrement les outils, la culture et les processus existants.
Comment passer d'une approche traditionnelle axée sur la vente de produits à la mise en place de modèles locatifs ? Les retours d'expériences des clients mis en avant lors de la conférence Subscribed France 2019 de Zuora apportent des éléments de réponse.
Maîtriser les usages, un enjeu pour la compétitivité à long terme
L'un des points communs des différentes entreprises qui ont témoigné lors de cette matinée est une volonté de mieux connaître leurs clients. Pour le groupe Michelin, qui a récemment lancé son propre magasin d'applications à l'intention de ses clients professionnels, il s'agit notamment de fidéliser ces derniers et de les accompagner sur leurs enjeux de mobilité, tout en explorant de nouvelles sources de revenus. A travers des formules d'abonnements flexibles, les professionnels peuvent accéder aux applications de gestion de flotte, d'inspection de véhicules et aux autres outils développés par le groupe, en fonction de leurs besoins.
Le groupe Seb a, quant à lui, monté une Digital Factory pour réfléchir à de nouveaux usages autour de son métier historique, la production de petit électroménager. « Notre rôle n'est-il pas de répondre à la question 'qu'allons-nous manger ce soir ?' », lance Xavier Boidevezi, VP de la Digital Factory au sein du groupe Seb. Autour de ses produits connectés, l'entreprise ambitionne de bâtir une plateforme de services, ouverte aux startups de la Foodtech. « Pour nous, la menace ne vient pas tant de nos homologues industriels, mais plutôt de nouveaux entrants que nous n'aurions pas vu venir, et qui se positionneraient en intermédiaires entre les consommateurs et nos produits », souligne Xavier Boidevezi. La clef pour lutter à armes égales avec ces derniers, c'est la maîtrise des usages.
Pour DSC, entité de Saint Gobain qui regroupe les six enseignes commercialisant les produits de génie climatique du groupe, c'est la volonté d'aider leurs clients professionnels à s'adapter à une nouvelle réglementation qui a servi de déclencheur pour tester une nouvelle offre, basée sur la souscription. En effet, avec la loi de transition énergétique de 2015, puis la loi ELAN, les logements collectifs doivent mettre en place l'individualisation des frais de chauffage pour leurs résidents.
Publicité« Beaucoup de nos clients plombiers ou chauffagistes n'avaient pas les moyens de répondre aux demandes des syndics. Nous avons créé une solution, Temperly, qui leur permet d'adresser cet enjeu », explique Jean-François Pinard, Directeur Nouvelles offres produits et services chez DSC (Groupe Saint Gobain). La solution, proposée sous forme locative, s'appuie sur des petits compteurs connectés installés sur le réseau de chauffage de chaque logement. Dans l'abonnement sont compris l'installation des compteurs, la maintenance, mais aussi l'accès à des applications permettant aux consommateurs de suivre en temps réel leur consommation.
Des nouvelles entités pour porter ce changement de culture
Pour les entreprises issues du monde industriel, le passage à un modèle de services représente un changement culturel majeur, qui s'apparente à la création d'un nouveau métier en interne. « Au moment où nous avons lancé Temperly, le département financier, la DSI nous ont regardé avec une certaine perplexité, car Saint Gobain n'avait jamais fait de locatif auparavant », se souvient Jean-François Pinard. Pour ces raisons, une grande autonomie est nécessaire. Les entités chargées de piloter ces démarches s'apparentent à de véritables start-up internes, quand de nouvelles sociétés ne sont pas tout simplement mises en place.
C'est le cas de Recygo, une filiale commune des groupes Suez et La Poste. Celle-ci a été créée il y a environ deux ans pour répondre à un constat : seules 20% des entreprises ont mis en place des systèmes de tri et de recyclage des déchets dans leurs bureaux. Pour rendre la démarche plus simple, la société a mis en place un service tout compris, proposé sous la forme d'abonnements : mise à disposition des équipements de tri, accompagnement des salariés, collecte... Les clients bénéficient aussi d'indicateurs pour connaître les quantités de déchets collectés et recyclés, « une façon de mettre en valeur les démarches de responsabilité sociétale et environnementale (RSE) », précise Corinne Sieminski, Présidente de Recygo.
Le soutien de la direction joue également un rôle essentiel, car ces démarches sortent des processus habituels de l'entreprise, notamment sur le plan comptable (gestion de la trésorerie, réconciliation des factures...) et juridique. Habituellement, la conception des produits dans le monde industriel suit un processus bien cadré et rigoureux. « Pour bâtir des solutions digitales, il faut travailler différemment, en mode agile », pointe Xavier Boidevezi. Chez Michelin, le projet d'AppStore a été lancé en huit semaines, dans 8 pays, afin d'expérimenter cette approche rapidement et sur une échelle adaptée à la taille du groupe. « Quand on s'engage dans une telle transformation, l'enjeu est d'apporter des preuves », explique Fabrice Guinot, Business Marketing Manager chez Michelin.
Des processus qui nécessitent de nouveaux systèmes d'information
Pour pouvoir mener à bien ces expérimentations, les équipes doivent disposer de leurs propres ressources, mais aussi de leur propre IT. En effet, le système d'information est l'une des clefs de voûte pour déployer ce type d'offre, « le coeur du réacteur » selon Corinne Sieminski. Cependant, pour avoir toute l'agilité nécessaire, il faut la plupart du temps rebâtir un système d'information « from scratch ». « Quand nous avons créé la société, nous avons d'abord accueilli des développeurs, avant d'embaucher les autres collaborateurs », raconte la présidente de Recygo. Afin d'aller vite, l'entreprise s'est appuyée sur des solutions SaaS, comme le CRM de Salesforce, la plateforme de « quote-to-cash » de Zuora et SlimPay pour le paiement. Six mois ont suffi pour monter ce socle IT.
Même son de cloche chez Saint Gobain. « Nous avons créé un système d'information à part, car les processus comptables existants ne permettaient pas de gérer le mode locatif. Impossible par exemple de sortir un produit des stocks pour un montant égal à zéro », illustre Jean-François Pinard. Pour gérer la facturation de sa solution Temperly, l'entreprise s'est donc appuyée sur la solution de Zuora, avec quelques développements supplémentaires, nécessaires pour prendre en compte les spécificités de l'activité. « C'est seulement à la fin que nous avons mis en place les liaisons nécessaires afin de rapatrier les données financières dans l'ERP du groupe », détaille Jean-François Pinard. Une plateforme IoT a également été déployée, afin de collecter et de traiter les données remontées par les compteurs connectés.
Diffuser l'agilité au sein de l'entreprise
Pour tous ces acteurs, la mise en place de tels modèles implique une vraie conduite du changement en interne. Chez Saint-Gobain DSC, les équipes commerciales ont dû apprendre un nouveau métier, afin de vendre du service et non plus seulement des produits connectés. Idem chez Recygo. « Pour les forces de vente, ce type d'offre est plus facile à proposer, car les clients bénéficient de solutions packagées, où tout est compris », témoigne Corinne Sieminski. Pour les grands groupes, ces initiatives sont également une opportunité pour explorer de nouvelles façons de travailler, et de diffuser peu à peu cette agilité aux autres métiers.
Article rédigé par

Aurélie Chandeze, Rédactrice en chef adjointe de CIO
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