Comment la sécurité sociale malaisienne a mené sa transformation numérique

Nos confrères de CIO Asean ont été à la rencontre d'Edmund Cheong, directeur de la stratégie et de la transformation de l'organisme de sécurité sociale de Malaisie (la SocSO). Cet organisme a choisi des systèmes open source pour moderniser son infrastructure informatique.
PublicitéPendant plus de trente ans, le langage Cobol a été la norme de facto pour la programmation dans l'informatique d'entreprise. Il y a à cela une excellente raison : ce langage a été conçu spécifiquement pour le traitement des données et des transactions, ce qui signifie qu'il a été optimisé pour une utilisation dans les domaines de la finance, de l'administration et de la gestion afin d'atteindre un niveau d'automatisation des tâches élevé. Mais, alors que Cobol a sans aucun doute rempli son rôle pendant des décennies, Edmund Cheong, directeur de la stratégie et de la transformation de l'organisme de sécurité sociale de Malaisie (la SocSO), un problème de serpent qui se mord la queue : « vous ne trouvez pas de programmeurs Cobol sur le marché en ce moment. Pourtant, vous ne pouvez pas ne pas moderniser votre SI. Mais, pour ce faire, vous avez besoin de davantage de programmeurs Cobol. »
La SocSO a été créée en 1971 et, comme de nombreuses autres caisses nationales de sécurité sociale, son objet est de protéger les intérêts des salariés et de leurs ayants droit en cas de perte d'emploi ou d'incapacité de travail. L'organisation compte 3 400 collaborateurs, dont 113 travaillent dans la direction informatique. Edmund Cheong constate que la SocSO a toujours dépendu de l'automatisation et utilisait Cobol pour automatiser bon nombre de ses processus depuis ses débuts. Mais, à mesure que la technologie progressait, Cobol avait commencé à perdre ses avantages car il était difficile d'innover et d'ajouter de nouvelles fonctionnalités aux systèmes existants. Au fil des années, avec l'apparition de nouveaux langages de programmation modernes, le nombre de programmeurs maîtrisant Cobol s'est également progressivement réduit.
Par conséquent, la SocSO a commencé à éviter de développer de nouvelles fonctionnalités à son SI en faveur de l'introduction de formulaires papier et de processus manuels pour faire face aux évolutions, tout cela parce qu'il était tout simplement trop difficile de mettre à jour les systèmes informatiques existants. Edmund Cheong se souvient qu'il y a à peine dix ans, la SocSO employait encore des pupitreurs pour la saisie des données pour saisir manuellement les données des formulaires soumis par les membres. « C'était un endroit assez bruyant et effrayant, car de nombreuses machines à écrire fonctionnaient dans ce bureau », se souvient Edmund Cheong.
L'approche manuelle n'était pas non plus durable, ni favorable à l'innovation. Mais la SocSO avait connu une longue histoire de modernisation des systèmes informatiques au fil du temps, et ces efforts n'ont pas apporté un changement complet pour l'organisation. Ce qui a inversé la tendance, se souvient Edmund Cheong, c'est que « la communauté des affiliés réclame toujours une modernisation des systèmes. Au titre de mes fonctions, j'ai profité de cet appel au changement et l'ai utilisé comme un élan pour permettre le changement au sein des systèmes informatiques de la SocSO. »
PublicitéLe plan de transformation informatique de la SocSO
La SocSO s'est donc engagée dans un plan de transformation stratégique pluriannuel pour moderniser son système d'information. Le plan a plusieurs objectifs clés. Tout d'abord, il s'agissait de moderniser les processus selon le plan de réingénierie des processus métier de la SocSO. Il fallait également améliorer l'efficacité et automatiser les processus. Réduire les erreurs dans les transactions était également un objectif. De plus, s'assurer que les réclamations étaient traitées de manière équitable, rapide et précise s'imposait évidemment. Enfin, il s'agissait de de mettre à jour les systèmes en passant d'une technologie propriétaire à un système plus ouvert.
Lorsque le programme de transformation a commencé, Edmund Cheong s'est assuré que les métiers y étaient impliqués dès le premier jour. Des pilotes du changement ont été mis en place dans tous les établissements de la SocSO à l'échelle nationale, ainsi que dans chaque direction de son siège. Ces pilotes du changement sont chargés de comprendre les problèmes rencontrés par les collaborateurs de la SocSO. Une fois qu'ils ont rassemblé les demandes des collaborateurs et enregistré leurs problèmes, les informations sont transmises à l'équipe en charge de la transformation, de sorte que les demandes de changement ou les initiatives de transformations supplémentaires puissent être envisagées dans le but d'améliorer le processus.
Sur le plan technologique, pour remplacer Cobol, Edmund Cheong s'est tourné vers les logiciels open source, dont Red Hat Enterprise Linux pour faire fonctionner ses serveurs et développer de nouvelles applications modulaires et intégrées à Red Hat Fuse. Il a également choisi Red Hat Process Automation Manager pour créer des workflows et des applications. Ils ont été déployés sur Red Hat JBoss Enterprise Application Platform et Red Hat JBoss Web Server.
Edmund Cheong a choisi de travailler avec un environnement open source car son équipe le connaissait déjà. Ainsi, son équipe a pu créer très rapidement des applications durables et utiliser des méthodes agiles quand c'était nécessaire. Et les logiciels open source s'accompagnent d'un grand soutien de la communauté rappelle Edmund Cheong. « Nous pouvons tirer parti des talents locaux, car il y a suffisamment de talents en Malaisie. ... [Et, au niveau mondial,] la communauté est vaste et nous pouvons compter sur leur expertise pour nous aider face aux problèmes que nous rencontrons. »
Comment la SocSO a relevé ses défis de la transformation de son SI
Le plan de transformation pluriannuel de la SocSO impliquait de nombreux « micro-projets » menés simultanément, plutôt qu'un seul grand projet, relève Edmund Cheong. Cette approche a permis de garder chaque morceau de l'ensemble gérable et a également permis une flexibilité tout au long du projet. Mais l'un des principaux défis consistait à gérer les personnes qui participaient à différents projets, en particulier les experts spécialistes de points importants.
« En raison de la nature de notre activité [de sécurité sociale], certaines situations ne peuvent pas être traitées par des parties externes car elles nécessitent une compréhension de nos règles complexes et de nos exigences métier », a observé Edmund Cheong. « Par exemple, si un analyste change de poste, le remplaçant devra se mettre à niveau avec nos exigences propres et tout le processus d'apprentissage devra être répété. Cette répétition stresse inutilement les collègues. La clé est donc de maintenir un ensemble cohérent de personnes dans l'équipe. »
Edmund Cheong reconnaît également qu'il y a eu des ratés dans certaines étapes du projet. « Dans tout projet de modernisation informatique, vous devez vous attendre à l'inattendu et accepter un environnement en constante évolution avec des problèmes imprévisibles. J'ai dit à l'équipe que nous devions apprendre du combattant en arts martiaux Bruce Lee, qui croyait qu'il fallait être fluide comme l'eau, qui n'avait pas de forme, et apprendre à vider nos esprits afin d'être aussi adaptables que l'eau lorsqu'il s'agit de projets de transformation. »
Il fournit un exemple : « nous avions prévu une migration de deux jours qui impliquait l'utilisation d'outils d'automatisation modernes en réalisant trois répétitions durant un jour férié. Mais lorsque nous avons migré le jour même, ce que nous avions prévu n'a pas fonctionné. Nous avons donc dû nous rendre physiquement au datacenter et recourir à des méthodes traditionnelles pour transférer les données à 3 heures du matin car nous ne pouvions plus le faire en ligne. Bref, nous devions simplement nous adapter et être agiles dans nos prises de décision. »
Quant aux budgets, Edmund Cheong refuse d'être précis, notant seulement que « il était difficile d'estimer l'ensemble des dépenses car cela implique un développement mixte d'expertises externe et interne ».
La plupart des asujettis de la SocSO ont pu vivre des améliorations du service à la suite des efforts de transformation déployés jusqu'à présent, et beaucoup d'entre eux sont passés de démarches physiques à des démarches en ligne. « En 2018, seuls 20 % de nos assujettis ont interagi avec nous en ligne mais, en 2020, ce chiffre a atteint plus de 90 %. »
La transformation a aussi bénéficié aux process internes. Par exemple, Edmund Cheong cite : « les relevés de cotisations sont désormais mis à jour en quelques jours au lieu de plusieurs mois avant la modernisation de l'ensemble du système. Nous avons réussi à éliminer environ 75 % de nos processus manuels avec tous les nouveaux processus remis à plat et automatisés. »
Les prochaines étapes de la transformation informatique de la SocSO
Edmund Cheong estime qu'environ la moitié des systèmes de la SocSO ont été modernisés, l'effort de transformation n'est donc pas terminé. Pour les prochaines étapes, Edmund Cheong pense surtout qu'il souhaite que la SocSO soit plus proactive que réactive aux besoins de ses assujettis. « À l'avenir, nous voulons que les déclarations soient automatisées. Par exemple, en cas d'accident, un membre n'aurait pas besoin de déposer une déclaration mais, à la place, la SocSO commencera à traiter la déclaration sans intervention des membres de la famille. »
D'autres projets de numérisation en cours incluent d'aller au-delà des remboursements via les banques et les guichets automatiques en adoptant un système financier plus inclusif. Edmund Cheong prévoit également d'expérimenter des objets portables pour créer des outils de modélisation prédictif en termes de santé et de bien-être afin que la SocSO puisse offrir une meilleure protection sociale à ses assurés. «Nous voulons également créer une plate-forme de partage de données avec d'autres partenaires de la sécurité sociale, afin de pouvoir créer un filet de sécurité sociale et garantir que tous les Malaisiens sont protégés et que personne ne soit laissé pour compte » conclut-il.
Edwin Yapp, CIO Asean (Adapté et traduit par Bertrand Lemaire)
Article rédigé par

IDG News Service,
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