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Meriem Riadi, Veolia Eau : « moderniser notre SI tout en l'ouvrant à nos clients »

Meriem Riadi, Veolia Eau : « moderniser notre SI tout en l'ouvrant à nos clients »
Meriem Riadi, directrice IT, data et digital de Veolia Eau France : « La performance de l'IT est un de nos objectifs clefs. Pour le tenir, nous misons notamment sur le Lean Management. » (Photo : Bruno Lévy)
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°205 !
Industrie : L’IT travaille enfin en usine

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La transformation numérique de l’industrie n’est pas chose nouvelle. Mais les multi-crises post covid, la concurrence internationale accrue et surtout, la maturité des technologies IoT, data, jumeaux numériques, IA, 5G, fabrication additive lui donnent un nouvel élan. Première génération de norme...

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Dans un métier de la gestion de l'eau très mature, la donnée et le numérique deviennent de plus en plus des composantes clefs de l'offre. Et demain une partie de l'offre elle-même ? C'est la tendance qu'esquisse Meriem Riadi, la DSI de Veolia Eau France, qui dirige un département regroupant l'IT, mais aussi la data et le digital.

PublicitéTransfuge de Suez dont elle a été la chief digital officer pendant plus de 4 ans, Meriem Riadi a pris la tête de la filière technologique de Veolia Eau France début 2022. Une équipe d'environ 180 personnes - auxquelles s'ajoutent des prestataires - en charge de l'ensemble des sujets IT (dont la cybersécurité et l'informatique industrielle), du digital et de la data. Cette DSI augmentée, dénommée Digital Business & Technology (DB&T) en interne, mise sur une démarche Lean pour transformer ses pratiques et a pour ambition de s'intégrer de plus en plus à l'offre proposée par la société aux collectivités. Notamment grâce à son équipe digitale qui participe aux oraux des appels d'offre et sillonne les régions pour comprendre les attentes des collectivités. « Cette équipe, très en prise avec le terrain, les appels d'offre et les partenaires, nous permet d'être au plus près des attentes de nos clients », dit Meriem Riadi.

Veolia Eau France compte quelque 15 000 personnes pour un chiffre d'affaires avoisinant les 3 Md€. Le groupe français, auquel appartient l'entité en charge de la gestion de l'eau, a fait dès le milieu des années 2010 le choix du cloud. Aujourd'hui, une très large majorité de l'environnement IT est hébergé sur AWS (le solde reposant sur GCP, le cloud de Google).


45% des abonnés Veolia bénéficient de la télérelève, ce qui représente environ 3 millions de compteurs connectés. (Photo : Médiathèque Veolia / Christel Sasso/Capa Pictures)

Voilà un peu plus de deux ans que vous êtes arrivée à la tête de la DSI de Veolia Eau France. Quels étaient alors vos priorités et votre mandat ?

Meriem Riadi : Quand j'ai rejoint Veolia Eau, la recentralisation des moyens technologiques était déjà accomplie. Mes priorités allaient de préoccupations assez classiques pour un DSI, autour de la livraison de quelques programmes clefs touchant le SI client et le SI opérations, à des ambitions plus spécifiques. Comme la définition d'une ambition digitale. Pour ce faire, nous sommes repartis des besoins de nos clients, les collectivités, dans un contexte de montée de leurs attentes en matière de data et de numérique dans les appels d'offres. Plusieurs axes d'évolution en ont émergé, autour d'une politique proactive de partenariats avec des acteurs des technologies ou des start-up, autour du marketing de nos offres technologiques ou encore autour de la donnée. À ces chantiers, s'ajoutait un objectif de performances du SI et de responsabilisation des équipes, structuré autour du Lean management. Une expérimentation sur ce sujet existait au sein de la DSI, mais nous voulions accélérer et placer cette approche au coeur de toutes nos pratiques managériales, en généralisant l'amélioration continue ou le management visuel. Il s'agit d'un projet d'entreprise, porté par la direction générale, au sein duquel la DSI est précurseure.

PublicitéLe premier métier de votre entreprise dans le cycle de l'eau, c'est l'amont, avec la captation et le traitement de la ressource. Quelles sont les ambitions de la DSI sur ce terrain ?

La priorité va avant tout à la préservation de la ressource, notamment via la recherche de fuites. Nous utilisons beaucoup d'IoT et de capteurs pour les localiser de façon précise, mais aussi des technologies d'analyse de signaux acoustiques basées sur l'IA. Et, au plus près des consommateurs, grâce aux compteurs communicants et à la télérelève, nous émettons des alertes en cas de soupçon de fuite, reposant sur des anomalies de consommation (entre 15 000 et 20 000 alertes de ce type sont émises chaque mois par l'entreprise en direction des particuliers, NDLR). Le numérique et la technologie sont donc essentiels à la préservation de la ressource et au rendement du réseau. Ce sont des cas d'usage aujourd'hui assez éprouvés.

C'est aussi sur ces métiers que les partenariats avec des entreprises de technologies font le plus de sens. Quelle est votre politique en la matière ?

En tant que leader du secteur, nous avions déjà un certain nombre d'expérimentations avec des partenaires technologiques. Mais nous voulions aller plus loin, en renforçant leur structuration et en étant plus proactifs sur ce terrain, auprès des fonds de capital-risque ou d'écosystèmes locaux. Par exemple, nous avons signé un partenariat avec Purecontrol (une start-up rennaise, NDLR), en prenant une participation dans cette société, en nous engageant au déploiement de leur solution sur un nombre significatif de sites et en co-développant des cas d'usage avec cette société. Cette logique de co-construction, un facteur important de motivation de nos équipes, illustre notre volonté de nous positionner très en amont, pour dépasser la seule logique d'achat de solutions technologiques.


« Nous voulons proposer un SI très modulaire et très ouvert, afin d'être en mesure de proposer une continuité d'exploitation en fin de contrat. » (Photo : Bruno Lévy)

Cela rejoint d'ailleurs la politique de marketing de l'offre que vous avez mentionnée parmi vos priorités...

Nous investissons beaucoup sur nos systèmes d'information, que ce soit sur le cloud, via l'acquisition de solutions SaaS ou via le développement de solutions spécifiques sur des socles technologiques modernes. La DSI veut donc être plus présente pour répondre aux questions des collectivités en amont des appels d'offres, sur la technologie, la data ou l'IA, pour mieux valoriser nos savoir-faire. Au sein de la DSI, cela signifie proposer un SI très modulaire, capable de s'adapter aux besoins spécifiques de telle ou telle collectivité, et très ouvert, afin d'être en mesure de proposer une continuité d'exploitation en fin de contrat. Ce sont des projets de modernisation sur lesquels nous travaillons.

Sur l'aval, soit la distribution et la relation client, comment évoluent les attentes des métiers et des collectivités ? Quels sont les projets IT qui en découlent ?

Quand on analyse les besoins des collectivités, on voit ressortir des attentes autour des données - leur accès, leur compréhension -, de la cybersécurité et de l'innovation, en particulier liée à l'IA. Car les collectivités considèrent qu'alimenter un écosystème local autour de la data et de l'IA constitue une manière de renforcer l'attractivité d'un territoire. Sur la cybersécurité, nous avons structuré une offre : sur la base d'une grille d'évaluation de maturité d'un site, nous avons sélectionné une palette de solutions pour en renforcer la sécurité. Les collectivités sont accompagnées sur ce terrain par nos experts en cyber, mais aussi nos équipes en région, qui ont été préalablement formées. L'accès aux données et la fluidité de cet accès sont aujourd'hui des basiques, intégrés par défaut à nos offres. Pour les sujets relatifs à l'IA, notre démarche a consisté à regrouper les équipes travaillant sur ces sujets et de focaliser les projets sur trois catégories de cas d'usage : la satisfaction client - que l'on parle de la collectivité ou du consommateur -, la performance et la durabilité. Nous y avons greffé une mesure de la valeur, ce qui nous engage à les déployer de bout en bout, dans une logique d'industrialisation et non plus de prototypes.


Une station de dépollution des eaux usées à côté de Redon, dans le Morbihan. (Photo : Médiathèque Veolia / Jérôme Sevrette / Andia)

Quels sont les cas d'usage de l'IA dans la gestion d'un contrat d'eau ?

On retrouve des cas d'usage autour de la planification des interventions, en utilisant la donnée pour optimiser les tournées. Avec la solution Purecontrol, la donnée et l'IA sont exploitées pour économiser de l'énergie dans les stations d'épuration, en particulier sur l'aération. Nous déployons aussi des applications ciblant l'optimisation des parcours de contact avec les consommateurs ou l'accompagnement des consommateurs dans la sobriété hydrique. Par exemple, sur le contrat de Lille, que nous avons remporté récemment, les objectifs de sobriété sont intégrés dans le modèle.

Comment évolue votre SI de gestion de ces contrats ?

D'abord, nous partons d'un SI relativement moderne, le groupe Veolia ayant fixé dès 2014 l'ambition de passer sur le cloud. En 2018, le projet de migration de Veolia Eau était finalisé, associé à une feuille de route de modernisation des applications. En parallèle, un programme de montée en compétences de nos équipes sur les services managés - notamment sur AWS - a été mis en place. L'étape d'après, sur laquelle nous travaillons, consiste à nous focaliser sur l'ouverture des applications, en particulier celles construites en interne. Notre ambition, c'est de nous transformer en une forme d'éditeur interne sur quelques applications clefs. Cette approche, entamée il y a 18 mois à un an, nous permet de moderniser notre SI tout en l'ouvrant au marché, sur des composants à valeur ajoutée. En réalité, il s'agit d'une pratique qui préexistait en fonction de la demande de tel ou tel client, mais nous en avons fait une politique d'entreprise.

Comment est constitué ce SI de gestion des contrats, central dans votre activité ?

La politique de Veolia consiste à privilégier les solutions du marché et à les compléter par des développements spécifiques pour nos besoins les plus pointus. En la matière, la migration vers le cloud a été un vecteur de modernisation de ces applications maison, qui ont été largement replateformées à cette occasion.


« Dans la data, la DSI est responsable des processus et des moyens, mais le succès de la démarche dépend de la bonne structuration du binôme avec le métier. » (Photo : Bruno Lévy)

Vous avez mentionné l'omniprésence de la data dans vos métiers. Quelle démarche avez-vous entreprise pour mieux l'exploiter ?

Les sujets techniques et d'infrastructure - la plateforme, la gouvernance, la documentation des objets métiers - avaient été largement traités avant mon arrivée. Mais il fallait enrichir la vision stratégique, et la mesure de l'impact des solutions. Il y a un an, nous avons rassemblé toutes les équipes data, et avons créé un poste de directeur data et IA. Ce qui a abouti à la construction d'une feuille de route data pour Veolia Eau France, en lien avec les métiers et les régions. En somme, un travail collégial de remise à plat de ce qui avait été fait et de convergence autour de priorités partagées. Nous nous sommes ainsi focalisés sur quelques thématiques, que nous portons de bout en bout et dont nous mesurons la valeur. La DSI est responsable des processus et des moyens, mais le succès de la démarche dépend de la bonne structuration du binôme avec le métier.

Comment sont structurées vos relations avec la DSI du groupe ?

Le groupe se positionne sur des fonctions régaliennes de définition des architectures, d'animation de la communauté IT au sein du groupe et de recherche de synergies entre les différentes entités. La DSI groupe joue également un rôle d'éclaireur, par exemple sur l'IA générative, avec le lancement très rapide d'une application SecureGPT qui sert de socle à notre politique d'acculturation au sein de la filiale. Sans oublier le pilotage contractuel des grands fournisseurs, sur lequel nous interagissons fréquemment.

Quels sont vos principaux enjeux budgétaires ?

La performance de l'IT est un de nos objectifs clefs. Pour le tenir, nous misons sur des leviers techniques, basés sur des logiques FinOps, sur les achats, avec une ambition relevée, sur le Lean Management, qui place les équipes au centre des décisions et des questionnements, et sur un rééquilibrage de notre mix interne/externe, avec des recrutements prévus sur la cybersécurité, sur des profils tech et sur la data. Nous nous inscrivons, par ailleurs, dans une logique de décommissionnement d'applications. Il s'agit là d'un indicateur important pour nous, même on parle ici forcément d'un travail de longue haleine. L'architecture a un rôle à jouer pour parvenir à cette simplification du parc applicatif.

Quelles sont vos priorités pour l'année qui vient ?

Tout d'abord, nous avons un objectif de livraison de projets majeurs, sur la refonte du SI opérations et sur celle du SI clients. Ce dernier, basé sur la modernisation et la généralisation d'une solution jusqu'alors déployée sur deux régions, étant la plus grosse refonte applicative inscrite sur notre feuille de route actuelle, elle-même assez chargée en la matière. Par ailleurs, notre ambition est d'être au rendez-vous des objectifs de performances du SI, grâce en particulier au Lean. Enfin, nous voulons progresser sur les usages de la data et de l'IA générative en interne.

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