Juridique

Les notaires présentent leurs propositions pour accompagner la révolution numérique dans le droit

Les notaires présentent leurs propositions pour accompagner la révolution numérique dans le droit
Me Boudeville (à gauche) et Me Herrnberger (à droite) ont détaillé les propositions des notaires pour adapter le droit aux évolutions de la révolution numérique.

Le 8 septembre 2021, Me Olivier Herrnberger, président du 117e Congrès des notaires et Me Olivier Boudeville, rapporteur général, ont présenté 13 grandes propositions afin d'accompagner la révolution numérique dans le droit.

PublicitéPour le 117e Congrès des notaires, organisé à Nice du 23 au 25 septembre 2021, les notaires ont choisi de se pencher sur le droit dans le monde numérique. En amont de ce congrès, une commission constituée de neuf notaires bénévoles a réalisé un rapport intitulé « Le numérique, l'homme et le droit - Accompagner et sécuriser la révolution digitale ». Ce rapport, pour lequel plus de 70 experts ont été consultés - des professionnels du droit, notaires, juristes, avocats et enseignants ; mais aussi sociologues, philosophes ou spécialistes du numérique, a donné lieu à un ensemble de propositions pour adapter le droit au monde numérique. Lors d'une conférence de presse, le 8 septembre, Me Olivier Herrnberger, président du 117e Congrès des notaires et Me Olivier Boudeville, rapporteur général, ont présenté ces propositions, qui seront débattues et votées lors du congrès 2021. Les propositions se répartissent en trois grandes thématiques, qui correspondent aux commissions mises en place pour le rapport : la protection de la personne et du citoyen dans le monde numérique, la valorisation et la transmission du patrimoine et la modernisation du contrat. « Les propositions sont de deux ordres : certaines, plus techniques, concernent la profession des notaires, tandis que d'autres ciblent la société civile et ont une portée plus sociétale », a indiqué Me Herrnberger.

La première commission s'est penchée sur la dématérialisation de la vie sociale, avec un nombre toujours plus important de démarches essentielles numérisées. La contrepartie de cette évolution réside dans le risque de fracture numérique. « Pour prévenir ce risque, la première proposition vise à faire de l'accès à Internet un droit fondamental », a expliqué Me Boudeville. Cette idée conditionne d'autres propositions, comme celle de rendre « insaisissables tous les outils matériels permettant de se connecter à Internet - ordinateurs, tablettes et smartphones ». Pour les auteurs du rapport, il faut aussi que toutes les personnes vulnérables protégées puissent bénéficier de droits équivalents à ceux des autres citoyens dans le monde numérique : droit d'accès, mais aussi droit à l'effacement de leurs données pour les majeurs protégés (les dispositions actuelles ne concernant que les mineurs au moment de la collecte). Enfin, les notaires souhaitent également qu'un accès spécifique aux services administratifs en ligne soit prévu pour les tuteurs, différent de celui de la personne protégée, afin d'identifier précisément la personne qui effectue la démarche. « Aujourd'hui, la déclaration d'impôts par exemple s'effectue uniquement sous l'identité de la personne protégée. Nous aimerions qu'un multi-accès soit possible pour ce type de cas », a précisé Me Boudeville. Une autre proposition demande à préciser le devenir des données numériques après la mort biologique. Enfin, pour mieux protéger la personne dans le monde numérique, les notaires souhaitent également que les futures cartes nationales d'identité électroniques (CNIe) puissent servir pour l'identité numérique, en intégrant un certificat d'identité électronique, et qu'elles puissent également inclure un certificat de signature, afin de pouvoir à la fois « s'identifier et signer à distance » avec un haut niveau de sécurité.

PublicitéReconnaître le niveau de fiabilité des signatures électroniques

La seconde commission a travaillé sur le patrimoine dans le monde numérique. Parmi ses propositions figure notamment une proposition phare sur le testament olographe (rédigés par le testateur lui-même sans intervention d'un notaire). « Nous étions partis sur l'idée d'un testament entièrement numérique aux côtés des trois formes existantes (olographe, authentique et mystique), mais la généralisation nous a semblé impossible, car l'équilibre entre volonté et identité n'est pas garanti. Actuellement, l'expression du consentement ne peut être assurée, en raison des risques d'usurpation d'identité », a expliqué Me Boudeville. Toutefois, les notaires veulent permettre à tout individu d'exprimer son testament par tous les moyens d'expression - y compris numériques, en cas de circonstances exceptionnelles, telles des attentats et catastrophes naturelles. Une autre proposition, plus technique, vise à enrichir les actes électroniques pour y inclure des contenus et annexes de toutes sortes et de tous formats.

Pour les contrats, la première proposition porte sur la sécurité. « Nous recevons de plus en plus de documents avec des signatures électroniques. Il faut que le notaire puisse reconnaître le niveau de fiabilité de ces signatures », a expliqué Me Boudeville. Dans ce but, les notaires proposent de joindre un fichier de preuve à tout document signé électroniquement, afin de distinguer les signatures électroniques simples des signatures avancées et qualifiées (telles que définies dans le règlement eIDAS). Dans le même temps, ils estiment qu'une signature électronique qualifiée ne doit pas avoir une valeur probante « supérieure à celle d'une signature manuscrite certifiée par une autorité publique » et demandent d'inscrire cette équivalence dans les textes. Une autre proposition importante concerne l'extension de l'acte authentique par comparution à distance, mis en place durant la crise sanitaire, à l'ensemble des actes authentiques, y compris les testaments (les textes limitant pour l'instant l'acte authentique par comparution à distance aux seules procurations notariées). « Le notaire seul suffit pour apprécier à distances les circonstances et l'authenticité d'un acte numérique, il faut lui faire confiance », a souligné Me Boudeville. Dans la continuité de cette proposition, les notaires suggèrent aussi d'inscrire dans le Code civil la possibilité de recevoir des actes authentiques à distance. Enfin, une proposition porte sur les « smart contracts », des contrats basés sur la blockchain, qui s'exécutent automatiquement quand les conditions prévues sont remplies. Les notaires estiment nécessaire d'inscrire cette possibilité de contrat « automatisé par un protocole informatique » dans le Code civil, afin de le qualifier juridiquement et de pouvoir en déduire le régime juridique applicable. « Le droit est l'art de la qualification », a rappelé Me Boudeville à ce sujet.

Après le 117e Congrès, les propositions votées seront ensuite portées auprès des pouvoirs publics, notamment Gilles Babinet, co-président du Conseil national du numérique, qui a été consulté lors la réalisation du rapport, ainsi que Cédric O, le secrétaire d'État à la Transition numérique et aux Communications électroniques. « Nos travaux ont aussi été suivis par Didier Froger, responsable des nouvelles technologies au sein du Conseil supérieur du notariat, afin de nous assurer que ces propositions pourraient être concrétisées au niveau technique », a indiqué Me Boudeville.

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