Stratégie

Les leçons des services publics en matière de community management

Les leçons des services publics en matière de community management
De gauche à droite : Dimitri Gasulla (Ville de Paris), Corentin Marsac (Aéroports de Paris) et Gaétan Bultez (RATP).
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°134 !
L'organisation de l'IT bousculée dans les entreprises

L'organisation de l'IT bousculée dans les entreprises

La transformation numérique de l'entreprise s'accompagne d'une transformation des rôles et de l'organisation. Ainsi naissent de nouveaux rôles et le rôle traditionnel du DSI évolue.Cette transformation utilise également des nouvelles technologies qui permettent des usages qui ne pouvaient pas être...

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Le canadien Hootsuite a réuni trois gestionnaires de communautés sur réseaux sociaux des services publics à Paris pour présenter leurs pratiques. Les contraintes de ce secteur amènent ses acteurs à être exemplaires pour l'ensemble des organisations.

Publicité« Les services publics, devant gérer les relations avec les usagers, sont souvent exemplaires pour le secteur privé grâce à leur contexte non-commercial » a jugé Johan Benoualid, Directeur Europe du Sud de Hootsuite lors d'une réunion le 1er décembre 2016. Au cours de celle-ci, trois services publics ont présenté leurs pratiques au travers des témoignages de Dimitri Gasulla (Responsable des Réseaux Sociaux du Département Paris Numérique à la Mairie de Paris), Corentin Marsac (Responsable communautés digitales pour Aéroports de Paris) et Gaétan Bultez (responsable service clientèle à la RATP). Dans tous les cas, la communication sociale devra de toutes façons être totalement intégrée harmonieusement à la communication générale.
Comme toutes les entreprises, les services publics n'ont pas le choix et doivent gérer leur présence et leurs messages sur les réseaux sociaux. Dimitri Gasulla a ainsi relevé : « les usagers se sont déplacés sur les réseaux sociaux et nous devons donc les suivre. » Pour un service public, ces nouveaux médias sont des outils de relations usagers mais aussi un outil de communication institutionnelle. Aéroports de Paris gère ainsi sur différents réseaux sociaux quatre comptes : un institutionnel (qui suit également les activités hors Paris, par exemple de gestion d'aéroports à l'étranger) et un par aéroport parisien (Orly, Roissy, Le Bourget). Dans le cas des aéroports parisiens, la difficulté provient du fait que la relation contractuelle d'un voyageur n'est pas avec un aéroport mais avec une compagnie aérienne et que bon nombre de services connexes dépendent de celle-ci (le transport des bagages entre l'avion et le tapis de livraison par exemple).

Une relation empreinte de pédagogie pour désamorcer les crises

Il faut donc créer un lien avec les usagers et faire preuve de pédagogie. Or les incidents irritants sont nombreux. Parfois la « communauté » des voyageurs va défendre une marque de gestionnaire de transport contre un voyageur en colère. Le cas typique d'un voyageur malade provoquant un arrêt de circulation peut être un bon exemple. Si un voyageur s'énerve et demande que le malade soit débarqué et que le trafic reprenne, il faut lui expliquer que le personnel du gestionnaire du réseau n'est pas médecin et ne peut pas prendre ce genre d'initiative : il lui faut attendre les pompiers. Et d'autres voyageurs peuvent alors intervenir pour interpeller le râleur sur le thème « Et si c'était toi ? Tu aimerais être abandonné sur un quai ? ».
Les Aéroports de Paris ont le même genre de situation. Mais avec un inconvénient supplémentaire : Roissy est réputé comme le pire aéroport du monde. Et les voyageurs (nécessairement stressés) vont toujours voir dans les incidents rencontrés une confirmation. « Nous devons faire preuve de pédagogie et expliquer l'origine de l'incident mais aussi informer le voyageur vers qui il doit se tourner pour trouver une résolution à ses problèmes générés par l'incident » a plaidé Corentin Marsac. Et il a observé : « un tweet apparemment anodin peut allumer la mèche d'un très gros soucis de communication ». Par exemple, il y a en moyenne un bagage abandonné huit fois par jour dans un aéroport. A chaque fois, dispositif anti-attentat oblige, il y a une procédure assez lourde qui se met en place pour isoler l'endroit. Cela peut donner une « alerte à la bombe à Roissy » qui se transforme en alerte mondiale avec la presse en alerte, de nombreuses personnes étant persuadées qu'un attentat a eu lieu.

PublicitéVeille et procédures rigoureuses obligatoires

Pour désamorcer les crises au plus tôt, il est évidemment indispensable de procéder à de la veille (notamment via des mots-clés) pour repérer les signaux faibles. Et tuer tout problème dans l'oeuf. Les comptes sur réseaux sociaux peuvent d'abord servir à de l'information pure sur l'état du trafic. Puis ils peuvent être utilisés en conversationnel (réponse aux usagers) et, ensuite, se voir ajouter une dimension promotionnelle. « Bien entendu, nous avons l'obligation d'informer les usagers et nous essayons d'être informés le plus en amont possible d'un potentiel incident pour préparer la communication » a relevé Dimitri Gasulla.
De même, la gestion des vraies crises suit toujours une procédure rigoureuse pré-définie. A la Mairie de Paris, l'équipe de communication sur les réseaux sociaux sait quelles services appeler pour trouver l'information utile et la répercuter. « Mais en cas d'incident vraiment majeur, la communication sera d'abord entre les mains des autorités publiques (police, pompiers...) et nous devrons la relayer » a relevé Corentin Marsac.

Quand on n'a pas de chance : éviter l'Effet Streisand

Il y a parfois de « faux incidents ». Par exemple, quand un opérateur est accusé d'être « contre Nicolas Sarkozy ». Embêtant pour un service public avec une obligation de neutralité politique. Mais le problème était simple : le Musée de l'Immigration diffusait une campagne publicitaire sur le réseau pour une exposition : « nos ancêtres ne sont pas tous des Gaulois ». Ce alors que Nicolas Sarkozy avait fait un discours sur « nos ancêtres les gaulois » la veille du lancement de la campagne... Après analyse des profils des râleurs, très politisés, le community manager concerné a décidé de ne pas répondre et la polémique s'est éteinte d'elle-même. Il faut en effet à tout prix éviter le fameux Effet Streisand. Une bonne pratique à ne pas oublier est d'analyser les profils de ceux qui prennent la parole avant de répondre (ou pas) et en utilisant le bon ton. Face aux critiques politiciennes contre la fermeture des berges à Paris, les arguments rationnels n'avaient plus de prise. La mairie a donc décidé de jouer l'ironie en diffusant des photos des activités ayant lieu sur les berges avec des messages expliquant que les voitures devraient continuer à passer.
La communication sociale doit aussi avoir une ligne éditoriale cohérente et intelligente. Typiquement, il ne faut pas faire une communication sur la rénovation d'une station un jour où le trafic est fortement perturbé sur la même ligne. La Mairie de Paris dispose pour sa part d'éléments de langage prêts pour la plupart des cas. Mais ces éléments pré-établis sont régulièrement revus à la lumière des évolutions constatées. Chez Aéroport de Paris, chacune des trois équipes pouvant s'exprimer sur les réseaux sociaux au nom de l'entreprise a des rôles précis. Une équipe est dédiée aux passagers, une équipe d'ambassadeurs dans les aéroports répond au plus près du terrain sur les incidents locaux et une équipe de crise et de relations presse/blogueurs/influenceurs intervient en cas de crise. Chaque incident fait alors l'objet d'un suivi de ticket, éventuellement avec documentation des actions à faire.

Des indicateurs à définir avec précautions

Reste à évaluer l'action des équipes. Or il existe des difficultés pour définir des indicateurs pertinents. Dimitri Gasulla a ainsi relevé : « si je veux être retweeté et avoir beaucoup de followers, il me suffit de tweeter des photographies de la Tour Eiffel. Ce n'est pas notre objectif. » De même, des interpellations peuvent ne pas être suivies ou faire l'objet de réponses. Un délais moyen de réponse, par conséquent, n'a pas obligatoirement du sens. De même, un nombre d'abonnés n'est pas forcément significatif : les gens interpellent en cas d'incident mais ne suivent pas au quotidien.
Quoiqu'il en soit, il sera toujours important de convaincre la direction de l'importance de la prise de parole sur les médias sociaux, donc d'y consacrer un peu de moyens. Montrer ce qui existe, de la part de tiers (usagers...) ou de l'interne clandestin, est un bon moyen de convaincre qu'il faut aborder le sujet avec sérieux, en convainquant de l'importance et de la solidité d'une stratégie, d'une charte éditoriale précise et de procédures de gestion de crise. Sans oublier de traiter le « bad buzz » et de promouvoir le « good buzz ».

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