Stratégie

La transformation numérique est un enjeu pour les bons DG

La transformation numérique est un enjeu pour les bons DG
Guillaume Pépy (au centre, actuellement encore PDG de la SNCF) a témoigné de l’importance de la transformation numérique.

Le club des anciens élèves de grandes écoles G9+ a organisé une conférence autour du rôle des DG dans la transformation numérique le 21 octobre 2019.

Publicité« Tous les PDG ont appris à avoir un discours sur le digital mais le réel frotte... » a reconnu Guillaume Pépy, encore actuellement PDG de la SNCF pour quelques semaines, en témoignant lors d'une conférence organisé par le G9+ le 21 octobre 2019 à Paris. Le club d'anciens élèves de grandes écoles l'avait invité pour ouvrir sa soirée sur, justement, la place de la direction générale dans la transformation numérique. Et cette transformation numérique a justement été un gros enjeu pour la SNCF. « Quand Voyages-SNCF, devenu depuis Oui.SNCF, a été créé, en 2000, c'était l'année de l'installation de Google en France » a-t-il rappelé.

La transformation numérique de l'opérateur ferroviaire historique date en effet de l'orée des années 2000. Outre la relation client au travers du premier site e-commerce en France, Voyages-SNCF, la digitalisation s'est aussi traduite avec le déploiement de PDA pour les agents de service commercial train (les « contrôleurs ») au travers du programme Accelio puis, plus récemment, COSMO (Contrôle et services en mobilité). Progressivement, tous les métiers de la SNCF ont été « digitalisés », notamment sous l'égide de Yves Tyrode, l'un des premiers chief digital officer en France. Pour Guillaume Pépy, « la transformation numérique fait largement place à l'intuition et à la prise de risque. »

Dépasser la « foultitude de POC »

D'abord, il y a eu « une foultitude de POC » puis de l'industrialisation. Et actuellement ? « C'est nous qui devons changer, en termes de process et de management, plutôt que de multiplier des programmes de 18 mois avec des millions d'euros » a expliqué Guillaume Pépy. L'approche agile à partir du terrain, la véritable transformation en fait, permet ainsi de créer des outils numériques qui facilitent la vie quotidienne des collaborateurs. Grâce à ce management horizontal, les équipes peuvent ainsi répondre à des défis clients ou industriels. Mais cela ne veut pas dire que tout est toujours simple.

Ainsi, lorsque les équipes du digital étaient mises à part, leurs relations avec le reste de l'entreprise « frottaient » un peu. « Elles étaient surnommées Jmelapète.com » s'est souvenu Guillaume Pépy. Il a fallu réconcilier le digital et le reste de l'entreprise, surtout l'IT. Et c'était là un gros enjeu de direction générale. D'autant plus que la culture digitale s'opposait à la culture IT d'une entreprise industrielle, habituée aux grands plans cohérents sur des années. Guillaume Pépy n'a pu que soupirer : « le temps industriel n'est pas le temps du digital, le temps accéléré. »

L'inclusion numérique

PublicitéLa grande majorité des collaborateurs est composée de « embarqués dans le digital par devoir », de personnels qui subissent mais acceptent et s'adaptent, pourvu qu'un effort minimal ait été réalisé en termes d'interface homme-machine et d'ergonomie. Une fraction est, au contraire composée d'enthousiastes du digital. Mais une fraction au moins aussi importante est composée de ce qu'il est convenu d'appeler les « illettrés du digital », qui ont honte de leur incapacité à s'adapter, comme les illettrés ont honte de ne pas savoir lire. « Les exclus du digital doivent être intégrés, convaincus » a plaidé Guillaume Pépy. Pour aller dans ce sens, permettre et encourager les usages personnels sur les terminaux professionnels est une bonne idée (l'approche COPE, corporate ownership personal enhanced). La SNCF a aussi créé les « 574 », des centres d'évangélisation digitale permettant à tous les collaborateurs de rencontrer des acteurs du numérique. « Le problème est de concilier la cybersécurité et cette liberté de la transformation digitale » a reconnu le PDG de la SNCF.

Malgré tous les efforts, il risque parfois d'y avoir de vraies réticences. Les courbes de progression d'usage peuvent être bien plates. Et des concepts comme « l'intelligence artificielle » peuvent être vus comme des menaces : l'intelligence étant une spécificité humaine, l'IA pourrait amorcer le remplacement des hommes par des machines. Pour Guillaume Pépy, « il vaut mieux parler d'intelligence augmentée ». L'humain se sent alors amélioré, aidé, et pas remplacé. Les cultures classiques et numériques doivent être mixées. « Faisons grandir les salariés en compétences pour que le numérique soit vu comme une opportunité » a-t-il plaidé.

Même les entreprises du numérique doivent connaître une transformation digitale

Michel Paulin, PDG d'OVHcloud (nouveau nom de l'hébergeur OVH), est intervenu dans la foulée de Guillaume Pépy. Lui aussi doit mener une transformation numérique dans une entreprise qui, pourtant, est née par et pour le numérique. OVHcloud a en effet une dimension industrielle : elle fabrique ses propres serveurs, ses propres datacenters. Du coup, la firme a son Legacy industriel à gérer. OVHcloud est la seule entreprise européenne dans le Top 10 des entreprises du cloud dans le monde, avec 75 % du CA dans le cloud et 60 % à l'international. « Même si l'entreprise est née du numérique et si les enjeux techniques existent, la difficulté de la transformation numérique demeure avant tout humaine » a insisté Michel Paulin.

Les talents étant rares, l'adaptation du management et des processus aux nécessités du digital est indispensable pour attirer et retenir les meilleurs. Et l'une des grandes difficultés d'un directeur général est de « savoir dire non ». Face au dynamisme agile centrifuge, il faut placer de la « raison centripète ». Et, surtout, il faut savoir tuer les projets qui échouent ou ne répondent pas aux attentes.


De gauche à droite : Frédéric Simottel (animateur), Hélène Chinal (DG Capgemini Technology Services), Benoît Grisoni (DG Boursorama), Sylvie Jéhanno (PDG Dalkia), Alain Roumilhac (Président Manpower France).

Les intervenants de la table ronde qui a suivi ont confirmé l'indispensable intégration de la direction générale dans la stratégie numérique. Hélène Chinal (DG Capgemini Technology Services), Benoît Grisoni (DG Boursorama), Sylvie Jéhanno (PDG Dalkia), Alain Roumilhac (Président Manpower France) ont ainsi débattu du thème de la soirée. Même des entreprises qui, en leur temps, ont disrupté le marché, comme Boursorama, peuvent être soumise à de nouveaux entrants susceptibles de les disrupter, d'autant que ceux-ci commencent par le « facile », en l'occurrence le paiement, à l'image d'acteurs comme Revolut. L'ambition est alors de retenir et développer sa clientèle plus vite que les nouveaux entrants.

Chez Boursorama, tous les collaborateurs, toutes les directions, ont la responsabilité d'innover. C'est pourquoi la banque en ligne a toujours refusé de nommer un directeur de l'innovation : chaque projet innovant doit correspondre à une demande et un besoin métier. « Même la direction de la conformité peut être innovante » a ainsi soutenu Benoît Grisoni. Malgré tous les efforts déployés, il peut arriver que l'entreprise se maintienne juste au niveau de la concurrence, qui fait les mêmes efforts. Mais Alain Roumilhac a relevé : « aller aussi vite que le décor, c'est déjà éviter d'envoyer l'entreprise dans le décor. »

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