Stratégie

Face à la crise sanitaire, peu d'anticipation, beaucoup de réactivité selon la Cour des Comptes

Face à la crise sanitaire, peu d'anticipation, beaucoup de réactivité selon la Cour des Comptes
Premier président de la Cour des comptes depuis le 3 juin 2020, Pierre Moscovici a présenté son premier rapport annuel de l’institution le 18 mars 2021.

La Cour des Comptes a publié le 18 mars 2021 un rapport public annuel à bien des égards exceptionnel, marqué par la crise sanitaire et ses effets. Le numérique a été utile pour la résilience des acteurs publics mais la Cour a souligné de nombreux manquements dans l'éducation, l'inclusion numérique et le pilotage de la French Tech.

PublicitéLe 18 mars 2021, le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a présenté le rapport public annuel de l'institution. Cet exercice permet, comme il l'a souligné, depuis 1946, de faire connaître l'action des juridictions financières (Cour des comptes, cours régionales des comptes...) et aussi de faire preuve de pédagogie. Mais, cette fois, le rapport est pour le moins exceptionnel. La période écoulée a en effet été marquée par la crise sanitaire, ce qui a évidemment eu un fort impact tant sur l'action de la Cour que sur celle des administrations, collectivités et autres organismes soumis à son contrôle (notamment la SNCF, Pôle Emploi...). D'une manière générale, la Cour a regretté un manque d'anticipation de la crise sanitaire mais a souligné une excellente capacité de réaction et de mobilisation de tous les acteurs publics. Le numérique a, une nouvelle fois, été l'un des sujets importants du rapport, notamment parce qu'il a contribué à la résilience générale. Cependant, le suivi de la gestion des hôpitaux, les rapatriements en urgence des citoyens de l'étranger, l'adaptation de la SNCF et d'Air France, la situation de l'assurance chômage (déficit de 17 milliards d'euros, dette de 61 milliards), le contrôle des aides aux entreprises (le récent renforcement des contrôles a été salué) et le renforcement de « l'inclusion bancaire » (lutte contre le sur-endettement, droit au compte...) l'ont un peu éclipsé dans la présentation publique.

Dans le déroulement des travaux de la Cour, la crise sanitaire a eu un fort impact. Les enquêtes ont été perturbées, les délais accordés pour répondre aux questions et remarques allongés. Par ailleurs, la Cour a évité de perturber l'action des administrations dites de « première ligne ». Malgré tout, 331 contrôles ont été opérés en 2020 (contre 329 l'année précédente). « Rendre compte de la gestion de la crise a été la priorité » a souligné Pierre Moscovici, indiquant qu'il s'était agi de son premier choix stratégique après sa nomination le 3 juin 2020 à son poste. Première originalité de cette édition 2020 du rapport public annuel : aucun chapitre sur la situation des finances publiques (et sur les outils informatiques impliqués). En effet, à la demande du Premier Ministre, un rapport spécifique a été programmé pour le mois d'avril. De même, la Cour n'a pas assuré un suivi des recommandations de son précédent rapport, suivi reporté d'un an, afin de ne pas perturber le fonctionnement déjà difficile des administrations. Le rapport est, comme souvent, composé de deux tomes : le premier est consacré aux premiers enseignements de la crise, le second sur les politiques publiques avec de nombreuses synthèses de travaux menés par ailleurs. Le rapport public 2021 de la Cour des comptes se télécharge bien sûr sur son site.

PublicitéLe numérique pour accroître la résilience à de futures crises

Comme l'a souligné plusieurs fois le Premier Président, il n'est pas possible de tirer aujourd'hui un bilan exhaustif de la crise sanitaire qui n'est pas terminée. La Cour s'est centrée sur les sujets à forts enjeux (comme les hôpitaux) ou à forts montants budgétaires (comme les aides aux entreprises). Pierre Moscovici a regretté une absence d'anticipation et notamment cette absence dans l'éducation nationale. Il a pointé en particulier le déploiement insuffisant des outils numériques dans l'éducation, entraînant une rupture pour environ 5 % des élèves scolarisés (dits « décrocheurs », soit 600 000 enfants). Pour l'avenir, la Cour recommande donc d'accroître la place du numérique dans l'éducation nationale, en particulier pour anticiper de futures crises, y compris des crises locales comme des problèmes climatiques. Dans le domaine de l'éducation, le Premier Président a tenu à insister sur la capacité de réaction, de mobilisation et d'innovation dont ont fait preuve les agents pour compenser le manque d'anticipation.

Dans le Tome II du rapport, un chapitre entier est consacré à un sujet sensible : « l'héritage de l'ex-agence du numérique : de grandes ambitions, une mise en ordre nécessaire ». Le rapport résume de quoi il s'agit : « l'agence du numérique (ADN), service à compétence nationale d'une quarantaine de personnes créé en février 2015 et rattaché à la direction générale des entreprises (DGE) (...) a été supprimée lors de la mise en place au 1er janvier 2020 de l'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui a repris ses missions relatives aux infrastructures fixes et mobiles et à l'inclusion numérique. La DGE est désormais en charge de la French Tech. » Les missions de cette Agence du Numérique concernaient le soutien au déploiement des infrastructures notamment dans le cadre du Plan France très haut débit (PFTHD), l'accélération de l'appropriation du numérique et donc de la lutte contre l'illectronisme et, enfin, la gestion de l'initiative French Tech. « Les trois missions gérées par l'agence contrôlée par la Cour avaient peu de synergies entre elles, mais toutes avaient pour finalité de mettre en oeuvre des politiques publiques essentielles pour la transformation numérique de la France, dont l'importance a été mise en évidence par la crise sanitaire et économique de 2020 » observe le rapport.

La French Tech a besoin d'un meilleur pilotage

Le bilan est pour le moins critiquable selon la Cour. Le rapport note ainsi : « après des résultats mitigés sur le déploiement des infrastructures fixes et mobiles, les actions menées par l'agence doivent désormais faire l'objet d'une appropriation complète par l'ANCT. Sur l'inclusion numérique, l'agence s'est dispersée dans des initiatives cosmétiques sans résultat et l'ANCT gagnerait à recourir à des dispositifs éprouvés. Enfin la visibilité et le soutien donnés par l'agence aux start-up du numérique sont encourageants mais ont été obtenus dans des conditions parfois discutables. » Le rapport détaille les nombreux retards et manquements (malgré des coûts importants) du déploiement du très haut débit fixe comme mobile, la création de l'ANCT étant vue comme une bonne chose par la Cour. Dans sa présentation, Pierre Moscovici a, lui, peu évoqué ce sujet, insistant plutôt sur ses forts regrets concernant l'« héritage limité » en matière de lutte contre l'illectronisme, notant à l'inverse « un bilan meilleur » pour la French Tech même si cette initiative aurait besoin de renforcer son pilotage. Le rapport relève ainsi le besoin de recadrer les « interventions, pour que celles-ci ne relèvent pas que du domaine de la communication et de l'événementiel ». Malgré tout, la Cour s'est félicitée de la force acquise par la marque French Tech, notamment pour accroître l'attractivité de la France.

Innover et soutenir l'innovation sont des sujets essentiels pour la Cour. En particulier, Pierre Moscovici a beaucoup insisté sur l'importance stratégique de l'innovation en matière de défense, même si celle-ci mériterait d'être mieux intégrée dans les programmes d'armement. Il a appelé à « sanctuariser les crédits de recherche et développement ». Pour terminer, le Premier Président n'a pas résisté à la citation de Winston Churchill du jour : « il ne faut jamais gaspiller une crise ». Une crise doit servir à tirer des enseignements et à devenir plus fort pour affronter les suivantes. Le rapport 2022 de la Cour devrait donc être consacré entièrement au bilan de la crise sanitaire.

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