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Jacques Attali et des DSI se confrontent à la crise

Jacques Attali et des DSI se confrontent à la crise

L'éditeur du générateur d'applications Blu Age, Netfective, a organisé pour la deuxième fois une confrontation autour d'un thème d'actualité entre Jacques Attali et une dizaine de DSI. En lien avec le dernier ouvrage de l'ancien conseiller spécial de François Mitterrand, le thème était cette fois la crise financière actuelle.

PublicitéComme lors de la première rencontre de ce type organisée par Netfective, Jacques Attali s'est confronté lors d'un repas-débat à une dizaine de managers des SI de grands comptes privés ou publics ainsi qu'à quelques dirigeants de grands prestataires. Le thème était cette fois, en lien avec le dernier ouvrage de l'ancien conseiller spécial de François Mitterrand, la crise financière. Comme la fois précédente, nous avons garanti aux participants l'anonymat, à l'exception de Jacques Attali, bien sûr. Si la crise a des origines financières, ses fondements ne sont pas très éloignés des systèmes d'information. Et surtout de nos rapports individuels à ces SI et, au delà, à notre travail. Il reste probablement, pour mieux survivre à cette crise et aux suivantes, à corriger notre attitude... L'IFOP est d'abord intervenue lors de ce débat-repas sur le thème de la perception de la crise par la population. Cette crise est ainsi perçue comme celle d'un système parti en dérive sans aucun contrôle où la réalité a laissé la place à des informations virtuelles. Les systèmes d'information ont ainsi pris le pas sur les réalités concrètes dont ils étaient pourtant seulement les représentations. Ce phénomène est conjoint à une accélération perçue du temps : tout allant de plus en plus vite, ce qui est dit, décidé ou fait un jour peut être totalement obsolète le lendemain. Pour voir les choses venir, il faut donc être en mesure de percevoir les « signaux faibles ». Ce qui rend ce besoin particulièrement délicat à gérer est le décloisonnement des univers : un signal faible dans un univers A (par exemple le secteur immobilier) peut devenir un phénomène de grande ampleur dans un univers B (par exemple : la banque). Malgré tout, la culture actuelle est celle du résultat dans un univers de plus en plus complexe et rapide à changer, ce qui rend la réactivité à la fois nécessaire et risquée. Le rôle des systèmes d'information se retrouve dans une position ambivalente : outils de la flexibilité, de la réactivité et de l'adaptabilité, ils sont aussi quelque part la cause de la crise. En effet, comme nous le mentionnons dans notre dossier « Crise financière : Bâle II inutile ou insuffisamment mis en oeuvre ? » (dans CIO Nouvelle Génération n°1, pages 11-12), tout était en place pour que les décideurs puissent savoir... s'ils le voulaient. « Il est faux de dire que personne n'avait vu la crise et je donne de nombreux exemples de personnes qui ont vu à temps (sans être écoutées) dans mon livre » a martelé Jacques Attali. Selon lui, « l'optimisme a été la règle et tout signal négatif est systématiquement censuré, avec une connivence générale pour la fuite en avant. » Ce point de vue n'est d'ailleurs pas sans rappeler celui de l'économiste Daniel Cohen, exprimée à l'occasion de la dernière convention de l'USF. Une fois la crise déclenchée, il était quelque part trop tard. « L'action publique est lente, le marché rapide » a rappelé Jacques Attali, d'où le problème : « peut-on agir lentement sur quelque chose de rapide ? On peut empêcher une avalanche mais pas la stopper une fois celle-ci déclenchée. Là, c'est l'avalanche des dettes. » La thèse essentielle de Jacques Attali, défendue par ailleurs dans son dernier ouvrage, est un besoin d'état de droit mondial pour, justement, réguler l'économie de marché : « L'état de droit est une nécessité préalable à l'économie de marché. Or, aujourd'hui, il y a une économie de marché mondiale mais pas un état de droit mondial. La finance est, de plus, ce qui se délocalise le plus facilement et donc profite à fond de la mondialisation. La crise a donc été en premier lieu financière. » Mais qui peut croire sérieusement que la leçon nécessaire de cette crise sera tirée ? « Il est probable qu'aucune mesure sérieuse ne sera prise et que la croissance naturelle mondiale permettra d'absorber le choc... jusqu'à la prochaine fois. » Face à un DSI qui évoquait l'effet papillon, Jacques Attali s'est emporté : « l'effet papillon est une apologie de la démission intellectuelle : n'importe quoi peut arriver sans que ce soit prévisible, je peux donc m'abstenir d'agir. » Est-ce que la véritable leçon à tirer de la crise n'est pas sur notre rapport au travail et, plus spécialement, aux systèmes d'information ? Les banquiers ont oublié leur métier et ont construit des outils qu'ils ne maîtrisaient plus. Ainsi est née la crise. Mais ils ne sont pas les seuls... Un DSI s'est ainsi lamenté : « Avec les SI, on perd son métier, les employés deviennent des consommateurs, des profiteurs, qui ne s'interrogent jamais sur leur propre valeur ajoutée professionnelle. Quelle valeur ajoutée apporte-on ? Quel est le métier de chacun ? Quand on ne sait plus, on demande un outil. Un écart d'inventaire ? On ne revoit pas ses process mais on demande un outil coûteux ! On a perdu le sens de l'entreprise ! » Un autre a enchéri : « le système pousse les dirigeants à tirer leur action vers le profit immédiat et personnel. Pas vers le développement durable de l'entreprise. » Jacques Attali a confirmé ce sentiment : « nous vivons une généralisation de la déloyauté. L'entreprise devient une assemblée de mercenaires. Dans notre monde, les contrôleurs gagnent de l'argent grâce aux contrôlés, qu'ils ont intérêt à satisfaire. » Si nous survivons à cette crise, il faudra juste, par conséquent, attendre la suivante. Chaque entreprise peut cependant tenter de mieux s'en sortir que les autres en adoptant, en interne, de bonnes pratiques pour combattre les mauvais penchants dénoncés tant par Jacques Attali que par les autres participants.

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