Tribunes

Start-up : les trois épreuves avant une hypothétique sortie

Réunies à l'occasion de Thema T.I.C sur le thème des leviers de développement pour les PME technologiques française, quatre start-up ont évoqué leur parcours du combattant...

PublicitéIl n'aura échappé à personne que la crise économique, avec en particulier les 'sub prime' américaines, affecte jusqu'au financement des entreprises en France. C'est donc sans surprise que les jeunes pousses françaises peinent à progresser, sur un marché où les actes ne suivent pas toujours les discours, où l'innovation n'est pas considérée comme elle le mériterait, et où les différences culturelles se font lourdes à porter. Réunis à l'occasion de Thema T.I.C sur le thème de l'Innovation Française, quatre start-up - Dibcom, Highdeal, ip-label et Sinovia - ont évoqué leur modèle de réussite, mais également leurs difficultés au fil de leurs parcours. Du passage à l'acte au premier exercice Elaborer un business plan, gratter du papier, rencontrer des investisseurs. Les quatre créateurs réunis autour de la table ont su tirer avantage de la fin de siècle, de la bulle Internet, d'opportunités de rencontres, de démarrer sur des programmes de R&D, et de profiter du financement de business angels. Highdeal, par exemple, a profité de la logique d'essaimage et d'accompagnement de France Télécom et du fonds de l'opérateur, Innovacom. Mais FT s'impose au capital en tant que fonds investissement leader sur les projets retenus, ce qui peut représenter un problème si le groupe qui essaime ne joue pas le jeu. « En France, les grands groupes ne font pas confiance aux petites entreprises et vont chercher leurs solutions aux USA. On prend comme cela 2 ans de retard. La vraie crédibilité pour définir notre stratégie d'accès au marché nous impose d'adopter un scénario de distribution totalement indirect. » De son côté, Dibcom a raté sa tentative d'essaimage avec la société américaine qui employait ses fondateurs. S'est donc posé la question du « Comment vivre avant le fameux premier tour de table ? ». Les fondateurs ont donc commencé par développer du service pour faire la jointure. « C'est un vrai casse tête, aucun fonds n'est prêt à investir dans une entreprise qui n'existe pas ! Nous avons réalisé notre première levée de fonds après 6 mois. La crédibilité initiale provient de l'histoire des hommes qui sont derrière le projet. » Pour s'imposer sur le marché, la fabless Dibcom a levé 60 millions euros auprès de 13 investisseurs en 6 tours de table. « A la différence des Etats-Unis, il n'y a pas de gros investisseurs en Eu. Et nous subissons la croissance exponentielle du coûts de création des produits. Il était de 50.000 dollars pour un prototype sur les technologies de semi-conducteurs à la fin du siècle dernier, il est désormais d'un 1 millions de dollars pour des technologies en 65 nanomètres. Une puce nécessite aujourd'hui un investissement de 15 millions de dollars ! » Chez Sinovia, dont le projet prend sa source dans les recherches du CNRS, on souligne que le chercheur exerce traditionnellement une carrière scientifique et de communication. « A l'époque, le financement s'effectuait en marge de la R&D. La loi Allègre a autorisé une approche patrimoniale. La vrai question est de savoir que faire avec les équipes formées ? C'est un gâchis monstrueux dans les universités françaises avec les gens qui s'en vont. Nous devons aller chercher des contrats en faisant appel à de l'accompagnement (portage) et pour porter les projets. Et réunir le triptyque compétence + contrat + financement. » En termes de financement, Sinovia préfère lever de petites sommes pour conserver le contrôle et rester maître de son destin. « Concernant l'accompagnement proposé par des éditeurs et l'industrie, leur accès n'est pas aussi simple que la publicité le laisse croire, c'est plutôt concept marketing. Notre préférence va vers des relations fluides et contractuelles. Il ne faut pas mésestimer non plus les dangers d'une étiquette si elle est liée à un industriel, ce qui est à manipuler avec précaution. En revanche, il apporte une visibilité sur la roadmap stratégique des grands acteurs, voire avant l'heure, pour jouer la carte du 'time to market'. Il n'y a pas de philanthropie, leur contact vise un business et en plus à avoir des prix. » S'il est important d'entretenir de bons partenariats avec les fournisseurs, pour bénéficier d'une adaptation de la tarification et de plus d'outils pour même prix, côté clients ces relations peuvent se révéler beaucoup plus dures, et parfois détériorer les relations avec une 'business unit'. En revanche, au delà de la forte implication de l'Anvar chez les start-up rencontrées, toutes insistent sur la nécessité de différentier les fonds des programmes partenaires. « Aux USA, les programmes démarrent à la source, dans les universités. En France, ces cas sont rares et ne sont qu'un épi phénomène. » Une deuxième étape plus difficile « Nous avions besoin de sous pour continuer l'aventure, mais les propositions de nos premiers investisseurs étaient indécentes », a-t-on pu entendre . « C'est l'enfer, nous avons besoin de faire venir de nouveaux collaborateurs, mais sur la confiance, avec des petits salaires. Il faut serrer boulons partout, et investir un maximum sur les gens à forte compétence pour développer les services. Un seul objectif, le point mort au bout de deux ans. » L'accès au point mort change beaucoup de chose au sein des start-up. Il permet par exemple de soulever la question de la participation au capital. L'activité est-elle suffisamment rentable pour réussir une LBO, pour sortir des investisseurs initiaux et faire entrer des investisseurs institutionnels, et pourvoir distribuer du capital comme prévu ? Et basculer sur international... « Le marché Français n'est pas suffisant, il faut rechercher la croissance, passer la taille critique, atteindre le point d'équilibre. Faut-il investir pour de la croissance ou ne pas investir pour faire de la marge ? Aux Etats-Unis le choix porte sur la croissance. C'est un fort différenciateur avec les investisseurs européens via leur mode de financement qui ne finance pas la croissance ! C'est un vrai handicap ! Pire. le maître mot en France c'est l'équilibre entre le marge et la croissance. Aux US, c'est croissance, croissance, croissance... C'est un vrai problème de devoir faire un choix. Certains métiers ne peuvent vivre sans aller chercher de la croissance. » Autre constat, les start-up sont toujours très fragiles, et ne peuvent garantir le retour sur investissement. Les PME françaises semblent souffrir d'une sous capitalisation chronique. « C'est un cercle vicieux. Le capital-risqueur joue le capital, pas le risque. Aux Etats-Unis, les PME ne sont pas considérées en termes de risque, mais d'opportunité. Le modèle de la start-up US profite du financement par le capital et de l'accès aux marchés et commandes publiques. 20% des marchés publics sont légalement réservés aux PME. Enfin, on y accepte qu'une PME devienne un géant mondial. A l'inverse, 70% des PME françaises en phase de croissance sont rachetées par sociétés américaines avant d'avoir atteint l'équilibre. » « Le vrai problème de l'entreprise, l'homme et la technologie, c'est comment on valorise tout ça ? Les employés peuvent s'investir à 100%, mais subir les freins liés à la France ! », a affirmé ip-label. Et de rappeler la nécessité être le premier, peut être le deuxième, mais jamais le troisième. « Il y a impossibilité d'être au delà du numéro deux. Nous devons également nous poser la question de la confiance dans les fondateurs si dilution. C'est une aventure personnelle, mais aussi un projet pratrimonial, et nous devons penser et préparer la sortie. » Pour les créateurs que nous avons rencontrés, il y a des phases importantes, en particulier de faire ses preuves. En revanche, la qualité comme la logistique des fonds d'investissement n'est pas toujours à la hauteur. « Le problème est de choisir avec qui on fait son chemin ? Les fonds d'investissement français affichent beaucoup de déchets. Nous avons un devoir d'éducation des entrepreneurs vers les investisseurs. » Troisième étape, la croissance, avec la sortie à l'horizon Faut-il différencier le patrimonial et l'entreprise ? Les avis divergent. Mais à un moment donné, il faudra bien que l'entrepreneur passe le relais. « A un moment, il faut arrêter de réfléchir ». Pour autant se pose la question des personnalités fortes à la tête des hightech. « Il faut avoir conscience de ses propres limites et avoir l'humilité forte pour faire appel à des compétences et céder sa place. » La sortie ? Nos start-up évoquent plutôt l'éventualité d'un rachat par un groupe plus grand. « C'est un problème de timing. La priorité reste de penser au projet d'entreprise et de maintenir une roadmap ». La sortie en Bourse et l'accès à l'IPO sont souvent très difficiles, d'où l'idée d'attendre pour faite une sortie « au bon moment et avec celui qui est bien ». Avec la sérieuse problématique de la valeur de l'euro, rares sont les entreprises européennes qui peuvent racheter. « L'IPO c'est début d'une nouvelle aventure, mais qui n'est pas souvent des plus simple. En revanche, c'est bien l'échéance des premiers investisseurs. » Mais c'est la croissance qui demeure le maître mot des start-up qui veulent atteindre une taille critique. « Nous devons atteindre un chiffre d'affaires critique, reconnu et non ridicule. C'est pourquoi il faut passer par la croissance externe, ce qui peut poser un problème pour les sociétés qui font appel au capital risque. » Paru sur CIO n°36

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