Quel sera l'impact du Brexit sur le recrutement et la rétention des talents IT ?

Malgré le Covid-19, il est toujours prévu que la période de transition pré-Brexit s'achève fin 2020, avec tous les changements sur le recrutement que cela implique. À quoi s'attendre en matière de recrutement IT pour toutes les sociétés implantées outre-Manche ? Éléments de réponses avec cette interview réalisée par CIO UK.
PublicitéSe souvient-on du Brexit ? Avant qu'une pandémie globale ne prenne le devant de la scène, il n'y avait pratiquement pas d'autre sujet évoqué dans les médias britanniques. Maintenant que le Royaume-Uni s'adapte peu à peu à la nouvelle réalité post-Covid-19, il faut à nouveau se rappeler qu'il ne reste que six mois avant que la période de transition du Brexit ne s'achève, le 31 décembre. Même si le Royaume-Uni a officiellement quitté l'Union européenne le 31 janvier 2020, durant la transition (parfois appelée la période de mise en oeuvre), le pays reste à la fois dans l'union douanière et le marché unique européens. Le Royaume-Uni continuera également à suivre les règles de l'Union européenne jusqu'à la fin de l'année.
Si la période de transition n'est pas prolongée, la nouvelle année verra la fin de la libre circulation. Les citoyens européens et non européens seront traités de la même façon sous la nouvelle politique d'immigration du gouvernement. Avec le système à points proposé (PBS), les migrants souhaitant travailler au Royaume-Uni devront être sponsorisés par un employeur dans un poste intermédiaire ou supérieur, et être payés un minimum de 25 600 £ par an.
L'impact du Covid-19 va sans nul doute dominer le monde professionnel au cours des mois à venir, mais il est également utile de réfléchir à la manière dont le Brexit, une fois la transition achevée, va peser sur les efforts de recrutement des CIO.
Lily Haake, directrice de la practice CIO au sein de la branche recrutement du Harvey Nash Group, a évoqué pour CIO UK à quoi pourrait ressembler le recrutement post-Brexit pour les DSI.
CIO UK : quelles préoccupations expriment les DSI à propos de l'impact du Brexit sur le recrutement ?
Lily Haake (LH) : nous savons qu'il existe déjà un déficit de compétences technologiques au Royaume-Uni comme au niveau mondial, aussi les DSI vont se battre pour s'assurer qu'ils conservent leurs talents techniques, mais aussi qu'ils attirent les meilleurs disponibles.
Le système d'immigration à points et le seuil de revenu minimum de 25 600 £ pour les profils hautement qualifiés protègent le secteur technologique de ruptures majeures, car beaucoup de travailleurs Tech avec quelques années d'expérience se qualifieront avec ces règles d'immigration. Le défi sera plutôt de voir si ces profils voudront venir travailler ici. Nous observons déjà quelques personnes quitter le Royaume-Uni, c'est quelque chose dont les DSI souhaitent être informés.
CIO UK : les DSI peuvent-ils avoir intérêt à étendre leur vivier de talents au-delà des mers ?
LH : l'aspect positif du PBS est qu'il ouvre le milieu professionnel britannique à une communauté bien plus large à l'échelle mondiale. Cela signifie que quand les DSI souhaitent recruter leurs talents techniques, ils vont devoir étendre leur périmètre. Par exemple, nous voyons des talents IT brillants et une importante force de travail féminine en Asie. À titre d'illustration, si les femmes ne représentent que 17% des équipes Tech au Royaume-Uni, ce pourcentage grimpe à 34% au Vietnam.
PublicitéLe bon côté du PBS, c'est que si vous cherchez des compétences en Asie, cela pourrait également aider à réduire le déséquilibre des genres au sein de vos équipes techniques, tout en augmentant la diversité de pensée à travers davantage d'origines culturelles.
CIO UK : est-ce que les fiches de poste et les candidatures vont changer ?
LH : les DSI vont peut-être devoir affiner les spécifications d'un poste pour s'assurer qu'elles mentionnent toutes les conditions qu'un candidat doit remplir pour solliciter un visa de travail.
Néanmoins, je pense que le secteur technologique est sans doute l'un des moins inquiets, simplement parce que la plupart des postes techniques, en particulier dans l'Angleterre du Sud-Est, ont très peu de chances d'offrir un premier emploi payé moins de 25 600 £.
Je m'attends également à ce que les DSI réfléchissent de plus en plus à la façon dont ils utilisent la technologie pour combler les déficits de compétences en dehors de l'équipe IT. Aujourd'hui, certaines entreprises peuvent préférer explorer l'automatisation plutôt que de se tourner vers des salariés peu payés au-delà des mers. Il est important de mettre à niveau les compétences de votre équipe technique pour s'assurer que vous restez compétitif dans ce domaine, mais il fait également prendre le temps de faire monter en compétence tous vos collaborateurs, car cela n'a pas de sens de mettre en place de fantastiques systèmes automatisés si personne ne peut les utiliser.
CIO UK : les DSI doivent-ils envisager d'abaisser leurs exigences en termes de niveau d'études pour leurs recrues?
LH : je crois que c'est un sujet très sensible, car comme vous le savez, la technologie peut vraiment être une affaire de vocation. Je questionne toujours mes clients quand ils ont un critère d'embauche mentionnant qu'un candidat doit avoir un diplôme universitaire. Ce n'est plus comme cela que marche la technologie. C'est en travaillant qu'on apprend. Sur certains rôles techniques en particulier, nous avons vu des candidats avec des aptitudes fabuleuses qui ont appris en codant depuis leur chambre à coucher. Il existe aussi de belles opportunités d'apprentissage dans la technologie pour des étudiants qui sortent tout juste de l'école, aussi je pense qu'exiger des candidats qu'ils détiennent un diplôme universitaire est faire preuve de courte vue. En effet, un diplôme n'est qu'une barrière de plus à l'entrée qui peut limiter la diversité et l'inclusion dans votre équipe.
CIO UK : observez-vous certains changements dans les tendances de recrutement ?
LH : nos clients sont occupés avec leur transformation numérique. À l'échelle individuelle, ils ne laissent pas un événement comme le Brexit influencer leurs décisions dans ce domaine. D'autres facteurs ont davantage d'impact sur les entreprises que le Brexit en ce moment, comme la Covid-19 ou l'IR35 (une partie de la législation contre l'évasion fiscale du Royaume-Uni conçue pour identifier les fournisseurs et entreprises qui évitent de payer les charges en faisant du travail dissimulé grâce à une société intermédiaire.)
Concernant le marché des profils très expérimentés, je crois que les dirigeants sont ouverts à l'idée que s'ils veulent trouver les meilleurs talents pour leur entreprise, ils devront regarder partout, voire faire venir des candidats d'ailleurs si nécessaire. Ce que je suis curieuse de voir, c'est si cette approche va se diffuser jusqu'au management intermédiaire et aux rôles d'ingénierie senior maintenant que nous avons cette incitation du PBS à regarder partout dans le monde.
CIO UK : le Brexit va-t-il devenir une tendance dominante pour les DSI au cours des 12 prochains mois ?
LH : étant donné les événements mondiaux, je dirais que le Brexit ne semble pas être l'issue la plus pressante du moment. De mon point de vue, les DSI n'ont pas le Brexit en tête quand ils décident s'il faut investir ou se transformer. C'est au niveau de chaque entreprise que l'on voit si elle est affectée par le nouveau règlement ou les politiques d'immigration. Assurément, parmi nos clients il ressort qu'ils se préparent au pire quand il s'agit du Brexit, mais les discussions sur ce sujet sont loin en bas des agendas pour le moment.
Beaucoup de mes DSI candidats à la recherche d'un poste demandent si ce n'est pas un mauvais moment pour chercher un nouvel emploi. Je leur réponds que nous avons continué à être bien occupés durant cette période, et que notre pipeline de rôles senior est solide. Même si malheureusement il y a certainement davantage de candidats aujourd'hui sur le marché, la technologie est la ligne de vie d'une entreprise en ce moment et un bon DSI est plus recherché que jamais.
La technologie est maintenant partout, et les DSI peuvent s'en servir pour protéger leur entreprise de tout ralentissement lié au Brexit ou à d'autres facteurs économiques - parmi lesquels le Covid-19 est à présent le plus pertinent. Dans les périodes de rupture, la technologie devient le premier différenciateur.
Article de Cristina Lago / CIO UK (Adapté par Aurélie Chandèze)
Article rédigé par

La rédaction de CIO Royaume-Uni,
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