Tribunes

Le DSI face à la complexité

Le DSI face à la complexité

Déni ou conscience aigüe ? Victime ou responsable ? Adversaire ou défenseur ? Infotechnocrate ou professionnel authentique ? Le DSI doit choisir.

PublicitéLe DSI est au coeur des problématiques analysées dans mon livre « L'Infotechnocratie - Le déni de complexité en informatique » et sur mon blog dont je résume ici les thèses.

La complexité SI : de quoi s'agit-il au juste ?

Elle découle en partie de la complexité des processus, fonction croissante du nombre des activités/fonctions, de la variété des produits, des règles de gestion correspondantes, de la diversité des entités et acteurs impliqués, de la multiplicité des interrelations et des échanges entre activités/fonctions et avec d'autres processus.

Les règles de calcul ou de contrôle ont quant à elles une complexité de type mathématique, relativement maîtrisable cependant parce que codifiée et formalisée dans un langage logique puissant (donc vérifiable) partagé par une large communauté culturelle.

Par ailleurs, une IHM est complexe quand elle est constituée d'un grand nombre de composants de dialogue fortement inter-reliés par des enchaînements dynamiques et évènementiels, ce qui rend difficile la prévision du comportement et donc la vérification et la détection/correction d'erreurs.

Moins connue et moins visible, la complexité systémique fonctionnelle, typique des SI et découlant pour partie de celle des processus, croît avec le nombre et la richesse des données, le nombre et la nature des échanges et des synchronisations entre fonctions et avec d'autres SI.

Corollaire de toutes ces complexités, celle de l'architecture applicative et technique, qui doit répondre de surcroît aux exigences de volumétrie, de performances et de sécurité et, in fine, celle du logiciel.

La complexité, cause première de la difficile maîtrise de l'ingénierie SI

L'ingénierie des SI est un travail d'étude par excellence : sa conception, sa fabrication et ses tests sont assimilables à ceux des prototypes industriels, bien loin du modèle industriel de fabrication en série rêvé par ceux qui prônent son industrialisation.

La raison première est que chaque projet informatique construit un spécimen de système unique, le plus souvent complexe, et ce même dans le cas du recours aux progiciels, système dont la définition-même est un processus progressif voire itératif au sein du projet.

La complexité s'ajoute à l'immatérialité et à l'abstraction pour rendre ce processus difficile et très dépendant de la disponibilité de compétences et de savoirs rares - professionnels de l'informatique et experts métier - surtout dans les phases de conception et de test.

PublicitéPlus largement, le processus qui va d'une première expression de besoins à la construction et la mise en service d'un SI exige que l'on anticipe, détecte, évite, régule, corrige de multiples facteurs de risques avec réalisme et transparence, sous peine d'une spirale de problèmes pouvant conduire à la perte de maîtrise, tout particulièrement dans les « grands projets » où ces syndromes peuvent atteindre un paroxysme.

Fuites en avant de l'écosystème SI : l'infotechnocratie dans tous ses états

Fuites en avant de l'écosystème SI : l'infotechnocratie dans tous ses états

La thèse centrale du livre est que, face à cette difficulté spécifique et incontournable, une partie importante des acteurs du marché se réfugie de façon récurrente dans l'espoir que telle technologie, tel paradigme méthodologique ou organisationnel va permettre (enfin) de sublimer les problématiques de l'ingénierie du logiciel.

Ce faisant on ignore ou on refuse la complexité, l'abstraction et l'immatérialité, la rareté des bons concepteurs, on oublie l'importance de la connaissance des systèmes et processus existants, et l'on élève au rang de panacées universelles des voies de progrès partiels telles que l'objet, le SOA, la réingénierie de processus, l'itératif ou l'Agile, l'industrialisation, le downsizing, sans oublier les appels d'offres, les contrats au forfait et l'externalisation.

J'ai introduit le néologisme « infotechnocratie » pour désigner ce comportement collectif.

Je m'adresse aujourd'hui spécifiquement aux DSI pour les questionner, formuler des recommandations, parfois les interpeller, en m'appuyant sur les 4 stéréotypes présentés au chapitre 6 du livre, dont la combinaison pourrait rendre compte de la diversité des profils des DSI (voir également « le radar du DSI » : http://infotechnocratie.blogspot.com.es/2012/12/le-radar-du-dsi.html).

Vous donnez toute la priorité à l'opérationnel quotidien

Avant tout au service du bon fonctionnement de l'entreprise, vous apportez une valeur indéniable bien que par essence discrète. Mais sans tomber dans certains excès que je dénonce par ailleurs, vous pourriez - vous devriez - préparer les évolutions de moyen terme, en quittant le « nez du guidon ».

Vous êtes habités par la passion de l'ingénierie du logiciel

Gardez-la cette passion, indispensable au progrès des SI de votre entreprise et au renforcement de la profession, mais tempérez-la en régulant la complexité et l'ambition des projets, également en ne perdant pas de vue que le produit d'un projet est fait pour devenir opérationnel et quotidien dans un délai-coût optimisé.

Mais il vous faudra être convaincant pour renverser les tendances « panacéistes » des infotechnocrates !

Vous dont la technologie est le cheval de bataille

Vous dont la technologie est le cheval de bataille

Vous êtes plus proches des grands acteurs de la place que des informaticiens que vous dirigez, la communication externe et interne l'emporte sur la proximité du terrain, et surtout vous n'avez pas envie de comprendre pourquoi les choses de l'informatique s'obstinent à ne pas fonctionner comme vous le voudriez. La technologie est alors à la fois un refuge contre la réalité et un vecteur de communication porteur, mais pour combien de temps ?

Pourquoi ne pas employer plutôt votre énergie à creuser le terrain pour comprendre sa réalité profonde derrière les apparences et les quantifications simplificatrices, trouver des voies de progrès pragmatiques, et utiliser votre talent pour expliquer tout cela au management de votre entreprise ?

Vous qui êtes d'abord des managers, pour qui le nerf de la guerre est l'organisation et le pilotage

Vous avez l'intelligence des hommes, des situations et des chiffres, au service de l'optimisation des coûts de l'informatique, mais vous gardez parfois une distance avec la technique dont vous êtes in fine responsable.

Développez une nouvelle dimension, en mettant votre lucidité et votre pragmatisme au service de la recherche du juste nécessaire pour les SI de votre entreprise, en exigeant de vos collaborateurs et fournisseurs de vous expliquer les forces et les faiblesses du parc applicatif existant, les atouts et les risques d'une évolution technologique, et en régulant l'ambition des projets par un dialogue équilibré avec les managers « métier » de l'entreprise.

Et pour conclure, je m'adresse aux DSI réels qui sont plutôt des mix de ces stéréotypes, pour les inviter à méditer et réagir sur ces thèses quelque peu iconoclastes, et participer ainsi à un vrai débat que j'appelle vivement de mes voeux.


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