Tribunes

Sourcing et prise de décision

La prise de décision dans les dossiers d'impartition (mot canadien pour désigner le sourcing.... !) repose souvent sur les non dits et des éléments subjectifs, déterminants pour la réussite des projets. Et le choix de partenaires multiples pose des questions de gouvernance et de gestion des engagements contractuels.

PublicitéDans le cadre d'un projet de délégation de tout ou partie du système d'information d'une société, une grande attention est portée à l'ensemble des éléments techniques et contractuels. Même si beaucoup d'entreprises restent encore désarmées face à des fournisseurs rompus depuis longtemps aux négociations et aux arcanes de tels projets. Les uns faisant face ponctuellement à ces problématique complexes alors même que cela constitue le quotidien des prestataires de service. Cependant, l'expérience nous démontre également l'importance majeure des conditions de la prise de décision au sein même de l'entreprise comme facteur de réussite ultérieure du contrat tant pour le client que pour le prestataire de service. Ainsi, trois questions sont incontournables : quelles sont les vraies raisons d'une décision de sourcing, raisons objectives mais également résultant du jeu de pouvoir et d'influence au sein du management ? Qui va prendre, in fine, la décision du choix du prestataire et sur quelle base ? Comment la décision influe-t-elle sur la réussite future du projet de sourcing ? Il est certes difficile d'apporter des réponses génériques à ces questions, mais nous pensons néanmoins que l'éclairage d'expériences récentes peut contribuer à la réflexion. Au-delà de l'anecdote, un certain nombre de projets de sourcing débutent encore dans ces conditions, fruit du travail commercial, certes normal et généralement de qualité, des prestataires. L'impact possible en est, par contre, souvent négligé en France car l'aspect commercial est encore soit déconsidéré, soit refusé, contrairement aux cultures anglo-saxonnes, et pourtant il fait partie de la réalité des affaires. Par contre, si ces relations privilégiées induisent la stratégie de négociation ou la nature du projet, alors il existe un risque de biais important. D'une part, par une stratégie inadéquate de négociation avec un seul prestataire, considéré comme partenaire si ce mot peut avoir un sens dans le cadre d'une relation commerciale ; d'autre part, parce que la décision finale se fondera non pas sur les conclusions du groupe de travail ad-hoc dont l'entreprise s'est pourtant dotée, mais sur les relations des dirigeants. Cela conduit à annuler par là même le fruit des efforts déployés pour objectiver le dossier et à mettre, dès la signature, les deux parties en position difficile pour livrer au quotidien le service attendu. La pondération des critères et le choix des soumissionnaires sont les éléments subjectifs majeurs introduits dans un processus qui se veut par ailleurs objectif, contradictoire et transparent ! Chaque partie prenante de la décision connait et apprécie les soumissionnaires de par son expérience professionnelle. Ces éléments, appelés « top of mind » en marketing, vont jouer un rôle souvent déterminant dans le choix des critères de sélection, leur pondération et au final, pour la sélection des soumissionnaires et des finalistes. Le reste du processus de négociation, mené généralement avec rigueur et méthode, mais gardons nous d'en mésestimer la complexité et la difficulté, ne pourra pas contrevenir aux choix initiaux, sauf pour les renforcer comme nous l'avons vécu encore récemment chez un grand nom de la distribution sélective, conduisant in fine à l'échec du projet faute d'avoir su résoudre suffisamment tôt les conflits au sein de cette société. Suite à une première expérience difficile de sourcing complet pour l'une de ses filiales, tel grand groupe engage une démarche de sourcing sélectif avec plusieurs prestataires. Expérience difficile car le contrat avait été décidé uniquement sur des critères financiers pour les deux premières années en négligeant son évolution sur la durée complète conduisant après cinq ans à une situation où le client payait beaucoup trop cher pour un service qui ne répondait plus aux besoins. Cette décision confronte l'entreprise de nouvelles questions tout aussi complexes à résoudre : doit-il considérer ou non le prestataire avec qui il a pu connaître certaines difficultés dans le passé ? Comment gérer les relations complexes et compliquées qui vont s'établir dans un ménage à beaucoup. Avec, d'un côté, l'entreprise dont les équipes doivent évoluer pour intégrer un ensemble de prestations déléguées (faire faire), et, de l'autre, chaque prestataire qui, pour son domaine de responsabilité, portera une attention tout particulière à ne pas se trouver en défaut sur ses engagements. Le tout en permettant que le service à l'entreprise soit rendu dans de meilleures conditions de qualité et de prix de revient qu'auparavant. Le choix de prestataires multiples pose donc à l'entreprise des questions de gouvernance de son système d'information et de gestion des engagements et contrats dont la complexité mais aussi l'impact sur le résultat final sera déterminant. Les négociations et la conduite du changement en interne pour l'entreprise seront alors beaucoup plus compliquées car le client devra apprendre à marche forcée le métier d'ensemblier. Ces quelques exemples illustrent des situations dans lesquelles les éléments non dits ou subjectifs influent considérablement sur le succès futur. Nous sommes nés au pays de Descartes et formés aux méthodes rationnelles mais un processus de décision au sein d'une entreprise reste un chemin compliqué, géré par des hommes et soumis à de multiples contraintes. Nous retrouvons également ces questions lors d'une décision, ou le refus de décision, d'arrêter un projet en cours.

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