Juridique

Pour des projets informatiques, éviter le contentieux est toujours préférable

Pour des projets informatiques, éviter le contentieux est toujours préférable

L'expérience accumulée dans l'expertise judiciaire lors des litiges clients/fournisseurs en informatique permet de tirer des leçons pour éviter le plantage de projets. Pour le plus grand bénéfice des deux parties.

PublicitéEn quoi une expérience de l'expertise judiciaire peut-elle servir à prévenir les plantages de projets informatiques ? Ce qui arrive en expertise judiciaire, ce sont les échecs. A force de devoir analyser les échecs pour fixer les responsabilités, il est aisé de comprendre où les projets ont amorcé leur ratage. De ce fait, j'ai voulu prendre un peu de recul par rapport à notre quotidien et modéliser ces causes d'échecs ainsi que, en amont, les causes de dérives des projets. Par exemples, lors de l'expression du besoin, le cahier des charges peut être approximatif ou incomplet ; à la phase de contractualisation, il manque souvent le rapport d'adéquation entre le produit initial et le produit fini désiré avec une analyse d'écart précise, ce qui amène à la rédaction d'avenants incessants ; et, enfin, en phase de réalisation, le périmètre fonctionnel peut évoluer de façon non-maîtrisée (avec des utilisateurs pas nécessairement assez consultés en amont ou pas assez coachés en aval et désirant des ajouts non prévus au cahier des charges ou dans le contrat), sans oublier une mauvaise gestion de projet... Bref, la cause principale d'échec est souvent un contrat mal négocié ? En effet. Les juristes d'entreprises sont, le plus souvent, très compétents dans le métier de leur société mais pas dans les contrats informatiques alors qu'il faut analyser et détailler les clauses qui auront un impact sur la gestion de projet. Surtout, il faut que le juriste accompagne la gestion du risque au lieu d'être le « Monsieur Non » qui bloque le business. En plus, ils doivent expliquer les concepts juridiques aux DSI. Ainsi, trop souvent, certains DSI croient qu'une obligation de résultat implique que, quoiqu'il arrive, le résultat doit être atteint alors que, en fait, il ne s'agit que d'une présomption de responsabilité du prestataire jusqu'à preuve contraire en cas de non-atteinte d'un résultat. Certains contrats sont en eux-mêmes des catastrophes, comme la régie : la SSII a intérêt à une dérive du projet pour pouvoir facturer davantage ! Clairement, aujourd'hui, l'essentiel dans les contrats relatifs à des projets informatiques réside dans le plan d'assurance qualité joint en annexe qui doit préciser tous les détails de la gouvernance du projet. Vouloir renégocier un contrat en cas de plantage est absurde : par définition, l'une des parties n'y aura aucun intérêt et refusera. Avant qu'un projet ne plante, n'y a-t-il pas des signes annonciateurs qui doivent alerter ? Trop souvent, en France, on ne s'occupe des problèmes que lorsqu'il y a un mort ! Et la réaction est de faire un audit par un cabinet qui, au final, va, en fait, délivrer une proposition commerciale pour remplacer le chef de projet par ses consultants... Un audit classique de plusieurs mois ne sert à rien mais bloque le projets qui, en principe, est indispensable à la stratégie de l'entreprise. Une seule journée suffit en général pour comprendre d'où viennent les blocages. La priorité doit être l'opérationnel, la délivrance du produit attendu pour servir la stratégie de l'entreprise. Il faut donc restaurer le lien entre le client et le fournisseur. Face aux deux sources de problèmes, les processus (flous, inadaptés...) et les hommes (usés, ayant perdu confiance...), il faut un électrochoc, pas une longue agonie d'un audit de plusieurs mois. Il faut restaurer les processus de gestion de projets , analyser les bogues techniques, analyser les dérives par rapport au cahier des charges... Mais arrondir ainsi les angles et chercher à éviter le contentieux est-il vraiment préférable ? Oui ! Le contentieux est destructeur pour les deux parties, client et prestataire : le projet est stoppé, le client n'obtient donc pas ce dont il a besoin, le prestataire a beaucoup travaillé mais ne sera peut-être payé à hauteur de l'effort consenti... On doit savoir redéfinir la gouvernance du projet, recentrer les objectifs du projet sur l'essentiel, notamment en redéfinissant une adéquation coût/délais/attentes. Lorsque nous intervenons hors procédure judiciaire dans un conflit entre prestataire et client, en général, c'est une médiation déguisée, un arbitrage des différents au jour le jour. Mais notre but reste de servir l'opérationnel, pas d'avoir un discours sur les responsabilités, c'est à dire les causes qui renvoient sur le contentieux. C'est d'autant plus important que, en général, on n'a recours à un expert judiciaire qu'après que le projet ait vécu plusieurs années d'échec patent. Il nous faut donc remonter aux origines (le contrat) puis redérouler tous les comités de pilotages, les échanges de courrier et de mails, synthétiser le tout pour ensuite définir les responsabilités... ou permettre au projet de redémarrer grâce à notre médiation. Et si, malgré tout, le contentieux est inévitable ? En général, les juristes internes sont saisis. Mais il y a beaucoup moins de contentieux qu'avant, même s'ils sont plus gros. Les parties préfèrent transiger car les entreprises ont compris que rentrer dans une expertise judiciaire est coûteux, long, chronophage en interne et qu'un procès a une issue alétoire. A priori, ce n'est pas une bonne idée et on y a recours seulement en cas de soucis vraiment énormes. D'où, par contre, le recours de plus en plus fréquent à une expertise privée à la demande de l'une des parties (qui peut être le prestataire), sans même ouvrir une procédure officielle de médiation. Quel est votre modèle économique ? Nous ne pouvons pas d'un côté demander aux entreprises d'éviter la régie et en faire... Nous intervenons le plus souvent possible sur la base d'un forfait, sauf quand c'est réellement impossible d'estimer raisonnablement la masse de travail qui sera à fournir, par exemple lorsqu'en fait on nous demande de créer la procédure de gestion de projet. Mais nous prévoyons une clause de révision, à la hausse comme à la baisse, au bout de trois mois. Globalement, un manager est facturé à 1450 euros de la journée et un consultant 1100 euros. Une dernière remarque ? Ce qui est inacceptable et continue de me choquer, c'est, qu'en informatique et nulle part ailleurs, on peut vous livrer l'équivalent d'une voiture sans volant mais vous dire malgré tout de payer, de démarrer et de rouler !

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