Juridique

Jules Henri Gavetti (Ikoula) : « limiter la commande publique à deux acteurs est grave sur le plan juridique »

Jules Henri Gavetti (Ikoula) : « limiter la commande publique à deux acteurs est grave sur le plan juridique »

La semaine passée, une réponse ministérielle à un sénateur a posé la question de la définition du « cloud souverain ». Le PDG fondateur d'Ikoula s'offusque de cette prise de position.

PublicitéCIO : Etre français constitue-t-il aujourd'hui un avantage commercial pour vendre à des clients français ?

Jules Henri Gavetti : Oui, clairement. Le premier critère de choix reste bien entendu l'adéquation de la solution au besoin exprimé par le client. Mais si ce client, français, a le choix entre un fournisseur étranger et un fournisseur français, il choisira le français.
Les raisons sont surtout liées au cadre réglementaire spécifique à respecter (malgré les règles européennes, il reste toujours des particularités franco-françaises), à l'anticipation de l'évolution du produit, à la collaboration plus aisée...

CIO : La peur de la NSA joue-t-elle ?

Jules Henri Gavetti : Il y a une sensibilité, oui. Mais la peur de l'espionnage n'entre pas -sauf cas particulier- en ligne de compte. La préférence nationale est avant tout une manière de se couvrir juridiquement. Et la proximité commerciale est appréciée : devoir passer par un service après-vente via Twitter en anglais rebute. Enfin, les entreprises qui choisissent des acteurs français n'ont pas à se couler dans un cadre contractuel étranger : elles maîtrisent le cadre juridique français qui est le leur.

CIO : Pourquoi Ikoula n'est-il jamais considéré comme cloud souverain ?

Jules Henri Gavetti : D'abord parce que cloud souverain est une marque déposée de SFR ! Donc, nous ne pouvons pas utiliser l'expression. Numergy [filiale de SFR] le peut et Cloudwatt emploie pour sa part une expression un peu différente.
Le problème de la réponse ministérielle est qu'elle utilise l'expression pour définir ceux qui ont droit de répondre aux appels d'offres publics. Et, surtout, derrière, deux acteurs seulement sont cités, deux acteurs dont le seul critère distinctif est d'avoir la Caisse des Dépôts et Consignations, établissement public, dans leur actionnariat.
Que l'Etat investisse dans des acteurs du cloud, cela ne posait pas à la base de problème même s'il aurait été plus judicieux de renforcer les acteurs existants. Par contre, la réponse ministérielle créé une distorsion de concurrence et prouve la nécessité de former les ministres et leurs administrations. Cette réponse incite en effet, malgré quelques précautions oratoires, à ne choisir qu'entre deux acteurs.
Si on limite la commande publique à deux acteurs, c'est grave juridiquement ! Soit on cite tous les acteurs du marché, ou bien en utilisant un critère tel que l'agrément d'hébergeur de données de santé par exemple, soit on n'en cite aucun. Nous sommes là face à un vrai problème vis-à-vis du Code des Marchés Publics. Pour une administration, signer aujourd'hui avec Numergy ou Cloudwatt pourrait même être dangereux juridiquement car un fournisseur éconduit pourrait attaquer la décision en prétendant que le choix a été fait en se basant sur des critères illégaux.
Enfin, rappelons que, aujourd'hui, il n'existe aucune définition unanime de la souveraineté du cloud.

PublicitéCIO : Justement, quelle pourrait être cette définition ?

Jules Henri Gavetti : Si on définit la souveraineté d'un cloud en affirmant que l'acteur doit être français et les données stockées en France, Ikoula est plus souverain que Cloudwatt et Numergy ! En effet, les actionnaires d'Ikoula sont, en grande majorité, des personnes physiques domiciliées et fiscalisées en France, ce qui n'est plus le cas de SFR, donc de Numergy, par exemple.
Mais la vraie question de la souveraineté, pour moi, est sur le droit qui va s'appliquer aux données et quelle responsabilité pourra être recherchée en cas de problème. Avec un acteur français, le tribunal compétent et le droit applicable seront français. Il n'y aura aucune difficulté et aucune surprise en cas de litige. Et les données ne pourront être utilisées ou consultées par des acteurs tiers que dans le cadre très strict du droit français.

CIO : Est-ce qu'Ikoula a des acteurs publics parmi ses clients ?

Jules Henri Gavetti : La part de notre chiffre d'affaires dans le secteur public reste faible pour l'instant mais nous disposons de clients comme des mairies, des GIP, des régions et même des services du premier ministre. Mais tous les acteurs savent que la commande publique va exploser en matière informatique. En effet, la révolution de l'informatique publique ne pourra pas se faire sans recours à l'externalisation. L'exemple allemand nous le montre.
Dans ce contexte, limiter la commande publique à deux acteurs est donc tout à fait inacceptable.

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