Tribunes

Edito : Qui veut la peau du DSI ?

Edito : Qui veut la peau du DSI ?
Bertrand Lemaire, rédacteur en chef de CIO

Directeur du digital, directeur marketing récupérant l'essentiel du budget IT, directeur général... Tous n'en veulent-ils pas à la peau du DSI ?

PublicitéRappelez-vous 1988. Robert Zemeckis sortait un film devenu culte : Qui veut la peau de Roger Rabbit ? Oh, c'est vrai, Robert Zemeckis est moins estimé que Steven Spielberg mais il a à son actif quelques perles, tout de même : Retour vers le futur, Forrest Gump... Et son Roger Rabbit était techniquement révolutionnaire, mélangeant habilement dessin animé (à la gouache !) et pellicule à une époque où les effets numériques faciles n'existaient pas encore.
Ce brave Roger Rabbit, star déclinante des cartoons, donc, avait bien des soucis. Sa femme Jessica, un juge bien étrange, son employeur, le détective privé embauché par ce dernier... Tout le monde semblait vouloir avoir sa peau. Par vengeance. Par jalousie. Par envie. Par soucis de renouvellement.
Et la situation actuelle des DSI m'y fait penser. Eux aussi, on dirait que la Terre entière a décidé d'avoir leur peau. Les DSI vont-ils finir à la trempette ?

Le triomphe du numérique...

Depuis des années, « on » (cabinet Gartner en tête) leur promet la ringardisation. Et vlan, la majorité des budgets informatiques passerait désormais entre les seules mains des directeurs marketings. Et puis, re-vlan, la direction générale s'investissant dans la transformation numérique, un plan d'évolution stratégique pour l'entreprise, à quoi bon garder un chef des datacenters ? D'autant que, ma foi, à grand coup de cloud, on peut tout externaliser en Papouasie ou même dans les locaux de la NSA puisque « l'on a rien à cacher » !
L'informatique -pardon, le numérique- étant désormais partout, chacun devient chef de son informatique. Même chaque collaborateur le devient puisqu'il y a le BYOD et le BYOA. Alors à quoi ça sert, franchement, de garder un chef des serveurs et des PC ? Voilà au moins un salaire que l'on pourrait économiser.

... avant celui du DSI ?

Mais, comme Roger Rabbit, peut-être que les DSI vont se révéler avoir, finalement, bien peu d'ennemis. D'une Jessica folle amoureuse à un public adorateur en passant par le détective découvrant le véritable coupable de la mort de son frère, Roger Rabbit s'appuie sur ceux que l'on croyait être ses ennemis pour être sauvé. Et si le DSI se retrouvait aussi dans une situation similaire ?
Rappelez-vous la Révolution Client. Toutes les entreprises se sont mises à proclamer haut et fort qu'elles s'étaient réorganisées autour du client. Le Directeur Général s'en occupait personnellement. Bizarrement, les directeurs de la relation client n'ont pas disparu, bien au contraire.

La transversalité ne peut pas se découper

Parce que la DSI est une direction fondamentalement transverse, tout le monde croit pouvoir la remplacer dans son coin. Or, précisément, la DSI ne peut pas être mise dans un coin ou, pire, plusieurs. Acteur et garant du système d'information, c'est à dire de la circulation et de la disponibilité de l'information dans l'entreprise, le DSI ne peut qu'être transverse. Les tentatives d'OPA hostiles par telle ou telle direction ne peuvent donc qu'échouer ou aboutir à l'échec de l'entreprise.
Le marketing récupère les budgets ? La belle affaire ! Via les refacturations internes et la maîtrise d'ouvrage, les budgets des projets ont, depuis toujours, été maîtrisés directement ou indirectement par les métiers. Certains DSI se vantent même d'avoir exigé le « zéro budget », tout étant financés sur les budgets des directions clientes.
Alors, il reste les menaces du CDO et du Cloud. Certes, les directions métier ont tendance à parfois acheter directement en SaaS un service répondant à un besoin. Puis à venir pleurer pour que le dit service soit réintégré au système d'information.
L'externalisation massive permet-elle de se passer d'un DSI ? Certains le prétendent et s'en vantent. Là encore, rien de neuf sous le soleil, comme le proclame Qohelet (probable petit nom du Roi Salomon) depuis quelques millénaires. Externaliser la partie technique permet de se passer des responsables techniques. Si le DSI n'est qu'un responsable technique, il doit s'inquiéter pour ses abattis. Mais, ça, on le sait depuis au moins quinze ans.
En fait, la véritable menace survolant le DSI, c'est le DSI lui-même. Encore un point commun avec Roger Rabbit, principale menace contre lui-même. S'il n'est pas à la hauteur du défi numérique, oui, le DSI sera remplacé. Par un autre DSI. On pourra toujours appeler le petit nouveau temporairement CDO le temps de jeter dehors le vieux modèle. Mais il sera bien un DSI, un directeur des systèmes d'information, pas un simple directeur informatique, pas un chef des serveurs et des PC. Ceux-là ont été éliminés à l'arrivée du météore de la numérisation il y a plus de quinze ans en temps numérique, soit l'équivalent de 66 millions d'années en temps ordinaire.

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